LES ROMAINS ET LA LOI COLLECTION D’ÉTUDES ANCIENNES publiée sous le patronage d
LES ROMAINS ET LA LOI COLLECTION D’ÉTUDES ANCIENNES publiée sous le patronage de l’ ASSOCIA TION GUILLA UME BUDÉ LES ROMAINS ET LA LOI Recherches sur les rapports de la philosophie grecque et de la tradition romaine à la fin de la République PA R MICHÈLE DUCOS Professeur à l’Université de Nancy II P A R I S SOCIÉTÉ D ’ÉDITION « LES BELLES LETTRES » 95, Boulevard Raspail 75006 PARIS 1984 La loi du 11 mars 1957 n’autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l’article 41, d’une part, que les « copies de reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite » (alinéa 1er de l’article 40). Cette représentation ou reproduction par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefa çon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code Pénal. © Société d’édition « LES BELLES LETTRES », Paris, 1984 ISBN 2.251.32.862.9 ISSN 0184.7112 Au seuil de ce livre, je tiens à exprimer ma gratitude à tous ceux qui m’ont aidée à le conduire à son terme. Elle va d’abord à M. Alain Michel qui a bien voulu accepter ce sujet et qui, par la confiance qu’il m’a témoignée, par son dévouement attentif et ses remarques stimulantes, en a permis l’heureuse réalisation ; à M. A. Magdelain, ensuite, qui m’a fait bénéficier de sa science et de ses conseils éclairés. Je remercie également pour leur courtoisie et leurs suggestions opportu nes les autres membres de mon jury : MM. P. Grimai, J. Helle- gouarc’h, J. Modrzejewski, C. Nicolet et J.C. Richard. INTRODUCTION Ce livre est né d’un étonnement : la législation, les différentes lois, le concept de lex ont fait l’objet d’études importantes, surtout ces der nières années1 , mais les problèmes que pose la notion de loi, la réflexion qu’elle fait naître, la conception de la loi à Rome n’ont pas suscité le même intérêt2. Nous possédons une abondante documentation sur les lois romaines3 : inscriptions, citations ou commentaires des auteurs anciens, renseignements que nous apportent les historiens ou les antiquaires. Il a été ainsi possible d’approfondir leur objet, leur nature, les circonstances qui les font naître. Nous connaissons leur mode d’éla boration, leur technique, leur style, mais nous ne savons pas très bien ce que les écrivains pensaient de la loi. Leurs œuvres pourtant nous révèlent la place qu’elle tenait dans leurs préoccupations : le seul traité que Cicéron a consacré aux lois suf firait à le montrer. Il s’attache en outre à leur interprétation dans ses discours, il se soucie d’en définir le rôle à l’intérieur de la cité. Toutes ces questions, dans leur diversité, laissent voir clairement la richesse et la complexité de la réflexion qui s’est élaborée à ce sujet. Tite-Live n’est pas moins sensible à l’importance de la loi : dans la première décade, à côté des guerres, les lois et les débats qu’elles entraînent (liés, 1. Des travaux importants ont été publiés ces dernières années : J. Bleicken, Lex publica. Gesetz und Recht in der römischen Republick, Berlin, 1975 ; F. Serrao, Classi, partiti e legge nella repubblica romana, Pise, 1974 ; A. Magdelain, La loi à Rome. His toire d'un concept, Paris, Belles Lettres, 1978 ; Legge e società nella repubblica romana, a cura di F. Serrao, Naples, 1981. 2. Quelques tentatives ont été faites à propos de Cicéron : A. Hentschke, Zur histo rischen und literarischen Bedeutung von Ciceros Schrift « De legibus », Philologus, 115, 1971, p. 118-130 ; C.J. Classen, Cicero the Law and the Law-courts, Latomus, 37, 1978, ρ. 598-619 ; Bemerkungen zu Ciceros Äusserungen über die Gesetze, Rheinisches Museum für Philologie, 122, 1979, p. 278-302. 3. On trouvera les lois romaines dans G. Bruns, Fontes Iuris Romani Antiqui (7e éd. revue par O. Gradenwitz), Leipzig, 1909 ; V. Arangio-ruiz, S. Riccobono, T. Baviera, Fontes Iuris Romani Antiqui, t. I, Florence, 1941 ; Les lois des Romains, 7e éd. par un groupe de romanistes des Textes de droit romain, t. II de P.F. Girard et F. Senn, Naples, 1977. Il existe une traduction : A.C. Johnson, P.R. Coleman-Norton. F. C. Bourne, Ancient Roman Statutes, Austin, 1961. Le recueil fondamental est celui de G. Rotondi, Leges publicae populi Romani, Milan, 1912 ; on le complétera par les noti ces de A. Berger, Encyclopedic Dictionary o f Roman Law, Philadelphie, 1953 ; et sur tout par G. Barbiéri, G. Tibiletti, Lex, in Dizionario di antichità romane par E. De Ruggiero, IV, 1957, col. 702-793. 12 LES ROMAINS ET LA LOI bien sûr, aux luttes entre patriciens et plébéiens) constituent l’une des données essentielles du récit. Il n’est pas rare, non plus, de trouver chez l’historien des discours qui mettent en lumière leurs avantages ou en pré cisent le rôle : en particulier, la discussion qui s’engage au moment de l’abrogation de la lex Oppia (au livre XXXIV) et oppose Caton l’Ancien au tribun L. Valerius, ne porte pas tant sur la mesure que l’on va abroger que sur les lois en général, leur fonction et leur autorité. De tels passages laissent ainsi penser que la loi était à Rome l’objet d’une analyse approfondie dont nous pouvons retrouver la trace chez les auteurs latins. La plupart des travaux s’attachent pourtant au droit positif, à la technique juridique et négligent par conséquent l’œuvre des écrivains dans ce qu’elle a de spécifique. On ne l’utilise qu’à titre de référence ou de témoignage pour les renseignements qu’elle nous apporte. Dans cette perspective, toutes les remarques qui portent sur l’autorité de la loi ou son rôle sont laissées de côté. On évite ainsi d’examiner les questions qui se sont posées aux Romains, les solutions qu’ils ont adoptées, leur conception de la loi enfin. Les raisons de ce silence ne sont pas très difficiles à déterminer : en apparence, il y a un véritable abîme entre la réalité que nous pouvons connaître et la façon dont les écrivains romains présentent la loi. Dans le Pro Balbo, Cicéron parle des « innombrables lois de droit privé4 » ; lorsque Tite-Live envisage l’ensemble de la législation romaine, il en fait « un amas de lois entassées les unes sur les autres5 ». Les romanistes ont au contraire insisté fortement sur le petit nombre des lois romaines et leur extrême rareté en droit privé6. Les affirmations des écrivains latins paraissent ainsi dépourvues de tout rapport avec la réalité et, à la limite, dénuées d’intérêt car elles ne sauraient nous aider à déterminer ce que peut être la loi à Rome. En outre, elles ont été le plus souvent interprétées comme le reflet d’une pensée étrangère à la pensée romaine, l’écho d’une conception philosophique d’origine grecque. Ce ne seraient que lieux communs (au sens péjoratif du terme) artificiellement plaqués sur une réalité totalement différente. Dans cette perspective, toutes les remarques de Cicéron ou de Tite-Live sur l’importance de la loi dans une cité passaient pour négligeables et ont été négligées. L’opposition irréductible entre le droit positif et les œuvres littérai res, si tranchée qu’elle en devient schématique, est très malaisée à admettre. On s’exagère beaucoup les erreurs des écrivains7 : assurément 4. Pro Balbo 8, 21 : Innumerabiles aliae leges de ciuili iure sunt latae. 5. Tite-Live III, 34, 6 : In hoc immenso aliarum super alias aceruatarum legum cumulo. 6. Cf. F. S c h u lz , Principles o f Roman Law, Oxford, 1936. Voir p. 28-30. 7. Comme le souligne C.S. Tomulescu, La valeur juridique de l’histoire de Tite-Live, Labeot 21, 1975, p. 295-321, qui énumère surtout les termes juridiques présents chez Phistorien. INTRODUCTION 13 leur vocabulaire n’est pas toujours très rigoureux ; Tite-Live ne distin gue pas toujours entre loi et plébiscite même pour la République archaï que. Mais la même imprécision existe dans la langue officielle de son temps8 . Et il n’est pas possible d’imaginer que les écrivains aient parlé de la loi en négligeant complètement les usages de la cité dans laquelle ils vivaient. On ne saurait croire qu’un Cicéron dont la correspondance nous révèle l’attention qu’il portait aux problèmes de son époque, ait pu tout ignorer des lois romaines ; et le De legibus montre à l’évidence qu’il n’en était rien. Enfin, il est difficile de comprendre la vitalité d’une tradition qui persiste pendant toute la République et une partie de l’Empire, si l’on admet qu’il ait existé un tel fossé entre la loi et la réflexion qu’elle suscite. Même s’il y a quelque paradoxe à s’attacher à la loi dans une cité où elle ne se confond pas avec le droit, on peut en dégager une conception cohérente à la fin de la République ; elle mon tre d’abord combien les écrivains ont été attentifs aux questions qui se posaient de leur temps. Les limites chronologiques de cette uploads/Industriel/ les-romains-et-la-loi.pdf
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- Publié le Dec 13, 2022
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