1 L'extrapolation des bioréacteurs : un problème de génie des procédés ou de ph
1 L'extrapolation des bioréacteurs : un problème de génie des procédés ou de physiologie microbienne ? Frank Delvigne§, Jacqueline Destain, Alison Brognaux, Tambi Kar, Annick Lejeune, Philippe Thonart Université de Liège, Gembloux Agro-Bio Tech, Unité de Bio-industries/CWBI, Passage des Déportés 2 , 5030 Gembloux, Belgium § Correspondance : Université de Liège, Gembloux Agro-Bio Tech, Unité de Bio- industries/CWBI, Passage des Déportés 2 , 5030 Gembloux, Belgium. Tel : ++32 81 62 23 11, Fax : ++32 81 61 42 22, email : F.Delvigne@ulg.ac.be Abstract: Bioreactor scale-up: chemical engineering and microbial physiology issues Bioreactor scale-up often pose a serious issue during the industrial development of a bioprocess considering the numerous physical and biological phenomena occurring in the reacting volume. The basic principles of scale-up coming from the traditional chemical and process engineering approaches will be first reviewed and will be then compared to a new one involving recent development at the level of microbial strain manipulation. This "physiological" approach of scale-up involves directly a biological component of the system (by comparison with the traditional approach for scaling-up involving physical parameters indirectly linked to the physiological phenomena occurring in the bioreactor), i.e. the synthesis of a reporter fluorescent protein when microbial cells are exposed to stress. It will be shown how this principle can be used for a better understanding of the relationship between bioreactor hydrodynamics and microbial stress. Keywords: scale-up, mixing, microbial stress, reporter gene, flow cytometry 1. Principes de base de l'extrapolation et proposition d'une méthodologie avancée dans le cas des bioprocédés L'extrapolation d'un bioprocédé est une étape critique qui garantit la viabilité économique du bioproduit visé. Elle consiste à augmenter le volume du bioréacteur afin d'atteindre une productivité suffisante, et ce, en maintenant autant que possible les rendements obtenus lors des tests en laboratoire ou à l'échelle pilote. Pour la plupart des produits biotechnologiques (antibiotiques, alcools, acides organiques, acides aminés, enzymes, probiotiques), un procédé viable n'est atteint que pour des volumes de bioréacteur de quelques centaines de milliers de litres. Ces volumes permettent de satisfaire une demande de marché importante (de 102 à 107 tonnes/an) pour des produits de faible valeur ajoutée (de 0,5 à 1000 euros/kg). A côté de ces bioproduits de faible valeur ajoutée, les produits biotechnologiques plus fins (vaccins, protéines recombinantes thérapeutiques,…) permettent d'atteindre des valeurs ajoutées significativement plus importantes (de l'ordre de 104 à 109 euros/kg). Par contre, leur demande mondiale est nettement moindre (de 0,1 à 1000 kg/an) et leur développement ne nécessite donc pas une étape d'extrapolation importante. Ces procédés à haute valeur ajoutée requièrent des volumes de culture industriels plus modestes, de l'ordre de quelques dizaines de mètres cubes et peuvent mettre en œuvre des cultures microbiennes ou des cultures cellulaires (cellules animales, végétales, d'insecte,…) [1]. Dans ce travail, nous développerons plus en 2 détail les processus d'extrapolation pour des bioproduits d'origine microbienne (c'est-à-dire issus de bactéries, de levures ou de moisissures). L'extrapolation des bioprocédés peut être abordée de différentes manières comme montré à la figure 1. La première approche est celle du génie chimique (figure 1A) et consiste à calculer la variation de paramètres de l'opération de mélange (comme la puissance dissipée par l'agitateur, le nombre de Reynolds qui caractérise le type d'écoulement qui règne dans la cuve,…) lorsque l'extrapolation du réacteur (de dimension caractéristique D correspondant au diamètre de la cuve) est effectuée en maintenant un ou plusieurs paramètres d'agitation constants. Ce premier niveau d'approche de l'extrapolation est le plus simple et est encore d'application de nos jours. Néanmoins, nous verrons dans la première partie de cet article que cette approche est loin d'être suffisante, d'une part parce qu'elle ne garantit pas un maintien des paramètres de l'opération de mélange lorsque la taille du réacteur augmente (hétérogénéité au sein du volume réactionnel), et d'autre part parce qu'elle ne tient pas compte de la physiologie des micro-organismes. La seconde approche (Figure 1B) consiste à étudier les relations entre les paramètres de performance (coefficient de transfert d'oxygène KLa, temps de mélange tm,…) et les rendements de procédé (quantité de biomasse ou de métabolites produite) ou l'évolution des conditions physico-chimiques au sein du réacteur (pH, oxygène dissous, CO2, température,…). Cette approche est complémentaire à la première décrite, puisque les paramètres de performance dépendent directement de l'efficacité de l'opération de mélange, cette dernière étant proportionnelle à la quantité d'énergie investie au niveau des mobiles d'agitation [2]. L'avantage de cette approche est qu'elle peut être directement implémentée au niveau du bioréacteur industriel en mettant en place un système de régulation adapté et permet donc de suivre en ligne les demandes de la population microbienne cultivée. Par exemple, le niveau d'oxygène dissous dans le réacteur (condition physico-chimique) peut être maintenu à un niveau constant en augmentant progressivement le KLa du réacteur par modulation du débit d'air et/ou la vitesse d'agitation en fonction des besoins du micro-organisme. Les problèmes de cette approche sont de trois types : premièrement, les types de sonde disponibles sont limités et leur mesure est indirecte par rapport à la physiologie du micro-organisme ; deuxièmement, au fur et à mesure de l'augmentation de la taille des bioréacteurs, les conditions physico-chimiques vont être de plus en plus hétérogènes du fait de la baisse de l'efficacité de mélange du réacteur. Une mesure réalisée en un point ne sera donc pas représentative du comportement global du bioréacteur. Troisièmement, la population microbienne présente dans le réacteur est considérée comme homogène. De nombreuses études réalisées avec des outils microbiologiques adaptés (décrits dans le paragraphe 4) ont montré que la population microbienne pouvait être ségrégée au niveau d'une ou plusieurs caractéristiques cellulaires (taille et forme des cellules, viabilité, capacité de synthèse d'une enzyme particulière,…) [3]. La troisième approche (Figure 1C) est basée sur l'analyse de l'évolution du bioprocédé à l'échelle de la cellule microbienne et tient compte des limitations relevées lors des deux précédentes approches. L'intérêt de cette méthode est qu'elle permet de prendre en compte à la fois l'hétérogénéité de la population microbienne et l'hétérogénéité spatiale du milieu réactionnel. 3 Figure 1 : les différentes approches pouvant être mises en œuvre pour l'extrapolation des procédés. A : approche classique du génie chimique permettant de calculer des paramètres hydrodynamiques globaux lors du passage de l'échelle D1 à l'échelle D2. B : approche expérimentale mettant en œuvre l'étude des paramètres de performance indirects du bioprocédé (évolution de l'oxygène dissous, dynamique d'ajout du substrat,…). C : approche expérimentale mettant en œuvre des paramètres physiologiques directs. Dans l'exemple, le schéma représente une cellule microbienne génétiquement modifiée afin de produire une protéine fluorescente lorsqu'elle est soumise à un stress Il est intéressant de noter que l'évolution dans les approches d'extrapolation des bioréacteurs s'effectue en considérant une échelle spatiale de plus en plus petite, de quelques mètres (échelle caractéristiques du procédé industriel D) jusqu'au micron (échelle caractéristique du micro-organisme). Cette multiplicité au niveau des échelles spatiales à considérer est une des clés du succès de l'extrapolation d'un bioprocédé. Nous verrons en effet que différentes 4 échelles spatiales et temporelles caractérisent le comportement du bioréacteur (système physique à extrapoler) et la réaction de la population microbienne (système biologique qui conditionne le rendement du bioprocédé). 2. Dimensionnement des bioréacteurs à l'échelle industrielle : approche du génie chimique A l'échelle industrielle, les cultures microbiennes ou cellulaires sont dans la majorité des cas réalisées dans des bioréacteurs (également appelés fermenteurs dans le cas des cultures microbiennes) pouvant être mécaniquement agités (agitation directe par un mobile) ou pneumatique (agitation indirecte effectuée par injection d'air). Notons également à ce niveau le récent intérêt de l'industrie pharmaceutique pour les réacteurs dits "disposables" ou jetables. A l'heure actuelle, ces bioréacteurs en matières plastiques ont des volumes restreints à quelques centaines de litres et sont limités à des applications de type culture cellulaire pour des produits à très haute valeur ajoutée. Les principes de dimensionnement qui seront énoncés dans les paragraphes qui suivent seront donc limités aux bioréacteurs classiques mécaniquement agités qui sont les équipements les plus largement répandus à l'échelle industrielle [4]. D'un point de vue géométrique, l'extrapolation peut être représentée suivant le schéma montré à la figure 1A où le calcul consiste à suivre l'évolution des paramètres de l'opération de mélange lorsque le diamètre du bioréacteur passe de D1 à D2. Les calculs d'extrapolation requièrent la connaissance de plusieurs variables de l'opération de mélange qui seront brièvement présentées au paragraphe suivant. 2.1. Dimensionnement de base et extrapolation des bioréacteurs mécaniquement agités La première étape du dimensionnement d'un bioréacteur mécaniquement agité consiste à déterminer le régime d'écoulement du fluide agité : laminaire, transitoire ou turbulent. Il est en effet important, dans la plupart des cas, d'opérer en régime turbulent afin d'intensifier les opérations de transfert (masse, chaleur et quantité de mouvement). Le calcul du régime d'écoulement au sein d'un bioréacteur mécaniquement agité peut être effectué à l'aide d'un nombre de Reynolds adapté : Avec ρ étant la masse volumique du fluide agité (kg/m³), N le taux d'agitation (s-1), d le diamètre du mobile d'agitation (m), η la viscosité du fluide (Pa.s). Dans le cas de l'eau, ρ est de 1000 Kg/m³ et uploads/Industriel/ lextrapolation-des-bioreacteurs-un-probl.pdf
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- Publié le Mai 12, 2022
- Catégorie Industry / Industr...
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