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La marchandisation du monde

Chapitre introductif La marchandisation du monde Penser à la faim des hommes est la fonction première du politique ? Emmanuel Lévinas CTel le Golem de Prague échappant à son créateur et détruisant tout sur son passage la machine économique semble désormais vivre une existence autonome et se situer hors de contrôle du citoyen Une telle situation est d ? autant plus problématique que jamais l ? idéal démocratique n ? a fait l ? objet d ? un tel consensus jamais les êtres humains n ? ont disposé d ? autant de moyens pour améliorer leurs conditions de vie jamais les mécanismes économiques n ? ont déterminé aussi profondément la vie de chacun Nous sommes désormais bien loin de ces Trente Glorieuses ? durant lesquelles gr? ce notamment à une action volontariste de l ? État et de syndicats puissants l ? augmentation du PIB se traduisait par une progression du pouvoir d ? achat d ? à peu près tout le monde et par un resserrement de l ? éventail des salaires Cette grande compression ? pour reprendre une expression utilisée par certains économistes américains permettait d ? articuler croissance économique et progrès social La crise ? des années allait enrayer cette belle mécanique On commença en e ?et alors à expliquer que la rigueur ? ?? terme promis à un bel avenir ?? était nécessaire mais qu ? elle serait passagère C ? est Helmut Schmidt qui donna la formulation canonique de cette vision des choses en énonçant que les investissements d ? aujourd ? hui font les pro ?ts de demain qui font les emplois d ? après-demain ? Or au seuil du XXIe siècle il appara? t que les pro ?ts s ? accompagnent voire se nourrissent de suppressions d ? emplois et qu ? aucun cercle vertueux ne semble aujourd ? hui à l ? ?uvre pour mettre en synergie performance économique et progrès social Bien plus la modernisation ? de l ? État et des entreprises proclamée nécessaire a ?n de s ? adapter aux mutations du monde contemporain ? conduit bien souvent pour reprendre l ? expression de Jean-Pierre Le Go ? à l ? instauration d ? une barbarie douce ? au c ?ur des rapports sociaux Dans le même temps alors que le progrès technologique permettrait gr? ce notamment à l ? informatique et aux télécommunications une moindre consommation de matières et d ? énergies on constate à l ? inverse un accroissement sans précédent de la pression exercée par la sphère de la production et de la consommation sur l ? écosystème terrestre L ? économie serait-elle donc cette science du lugubre ? comme la quali ?ait Thomas Carlyle après avoir lu l ? Essai sur le principe de population de Malthus une science dont la seule fonction serait de théoriser ?? et de justi ?er ?? la Il ne s ? agit évidemment pas d ? idéaliser une période qui fut très dure en termes de conditions de travail