Spotzle. Magazine 02 # 05 14 25 28 SARAH COOPER JAPANESE ODYSSEY TALIAH LEMPERT

Spotzle. Magazine 02 # 05 14 25 28 SARAH COOPER JAPANESE ODYSSEY TALIAH LEMPERT ITALY DIVIDE INCA DIVIDE BIKINGMAN CORSICA #2 41 57 Ce numéro 2 aurait dû sortir en juillet. Fort heureusement, les choses ne se déroulent pas toujours comme prévu. Cela ne change rien au contenu, aux valeurs de témoignage et de partages auxquelles nous sommes si attachés. Cela ne change rien à la qualité des expériences relatées. A l’heure où l’automne pointe son nez, nous sommes nombreux à réfléchir où aller se faire mal en 2020. Je suis très fier de vous présenter Taliah Lempert (page 26), artiste basée à Brooklyn, rencontrée en 2007. En 2016, de passage à Amsterdam, j’ai été ravi de voir son calendrier disponible à la boutique du musée Van Gogh. Alors quand j’ai commencé à gamberger sur le contenu, cela m’a semblé être évident. S’engouffrer dans une brêche, construire petit à petit une identité unique et poursuivre son chemin, c’est exactement ce qu’a fait Taliah et ce que nous essayons de faire avec Spotzle. Ce numéro 2, c’est tout cela, sortir des sentiers battus, aller contre le sens commun et la médiocrité, créer ce que d’autres n’ont pas oser créer. Un numéro 2, ce n’est pas simple. Il faut continuer à donner un ton, enraciner une vision mais également déjà se projeter dans l’avenir. Se projeter pour éviter la répétition, pour tenter d’innover, pour continuer à explorer, pour continuer à partager. C’est pour ces raisons que le numéro 3 sera déjà radicalement différent. Bonne lecture. Richard Delaume LA REVANCHE DE SARAH COOPER PROPOS RECUEILLIS PAR RICHARD DELAUME 5 La discussion avec Sarah débute avec les politesses d’usage et invariablement, la météo. Ce jour-là, du côté de la ville Des Moines (Iowa), c’est encore un de ces « gloomy morning », un matin pluvieux typique de la région. Le terrain, quant à lui, est « mushy » (détrempé). Voilà qui annonce de bonnes sorties gravel. Raison de plus pour s’aventurer sur les chemins. Car pendant que Fiona Kolbinger caracole en tête de la Trans Continentale Race, un ami de Sarah est renversé par une voiture. Quelques heures seront nécessaires pour recueillir ses impressions sur la jeune allemande. Car gagner devant les hommes, Sarah Cooper sait le faire, et ce depuis quelques années déjà. 6 SARAH COOPER : Je ne suis pas totalement sûre de pouvoir expliquer pour- quoi je ne suis pas surprise par la performance de Fiona. Toute ma vie, en tout cas les premières années, j’ai entendu des personnes dire que je ne valais rien comme athlète. À l’école, lorsque j’ai postulé dans l’équipe d’athlétisme, le coach m’a ri au nez et conseillé de rentrer chez moi. Et finalement, avec un peu d’entrainement à vélo, je me suis retrouvée à gagner des épreuves cyclistes de longues distances. Alors je suppose que si j’y suis arrivée, d’autres femmes en sont capables. Gagner en ultra ne demande pas seulement de la force ou de la résistance. Cela demande aussi de l’intelligence de course, de la patience et la capacité à faire les bons choix malgré la pression. Les athlètes doivent sans cesse prendre des décisions sur la navigation, l’alimentation, la météo et le rythme à adopter. Et sans l’ombre d’un doute, ces qualités ne sont pas exclusives à un genre particulier. Ce n’est pas une surprise pour moi si les femmes réussissent aussi bien en ultra distance. Au début, mon entourage était surpris lorsque j’ai commencé à gagner devant les hommes, mais plus maintenant. Parfois, j’espérais gagner, parfois il fallait lutter juste pour terminer. Mais au final, j’adore la compétition. J’adore donner le meilleur de moi-même dans le sport que j’aime. Tout cela n’est pas une histoire de genre. Un dernier point mérite d’être souligné. En ultra, il n’y pas besoin d’équipe ou de sponsors, ce qui est toujours plus difficile à avoir pour les femmes. Il faut juste s’inscrire à une épreuve, rassembler ses affaires, prendre le départ et pédaler. 7 Maman à plein temps (4 enfants), amoureuse des animaux (3 chiens, 1 chat et 3 chevaux), organisatrice de 3 épreuves gravel dans l’Iowa, sans oublier une tendance à l’insomnie; une qualité essentielle pour briller en ultra. D’autant que Sarah n’a jamais vraiment brillé pour ses qualités athlétiques. SARAH COOPER : À l’école, j’ai tenté l’athlétisme mais le coach m’a conseillé de rentrer à la maison. Donc je n’ai pas de talent particulier pour le sport. Puis dans la vingtaine, je courais un peu. J’ai participé à quelques évènements mais je n’étais pas particulièrement douée. Le triathlon de Des Moines m’a fait découvrir cette discipline. J’y ai rapidement augmenté les distances : Half Ironman puis Ironman. Une blessure au genou m’a contrainte à me tourner vers le vélo puis vers l’ultra, avec et sans assistance. Cela dit, en triathlon, j’étais plus à l’aise dans la partie vélo. Je réalisais toujours le meilleur temps dans mon groupe d’âge. C’est étrange car avant cela, je ne voyais pas le vélo comme un sport. Il n’y avait pas de cyclistes dans mon entourage. C’est seulement le jour où j’ai tapé « courses cyclistes » sur Google que j’ai découvert qu’il s’agissait d’un vrai sport et qu’au passage, j’étais plutôt douée. 8 Je me suis alors révélée à moi-même. De nature plutôt introvertie, j’ai immédiatement ressenti un énorme bénéfice. Après quelques heures à vélo, j’étais davantage centrée, pleine d’énergie, prête à partager et interagir. Physiquement, je ne suis pas très talentueuse et je ne suis pas capable de développer beaucoup de watts. Mais s’il s’agit de maintenir un effort sur une longue période, je sais le faire et je me débrouille plutôt bien. Ensuite, les distances ont naturellement augmenté, jusqu’à ce que je remporte quelques épreuves tout sexe confondu, notamment Race Accros The West 2016*. *1 493 km, 2 jours 11h et 59 min 9 J’ai couru intensément pendant quatre ans et j’ai eu la chance de réaliser quelques belles performances comme au 24h de Seibring (course avec support logistique, 796 km) ou Race Accros America 2017 : 9e au classement général et 1ère femme solo (11 jours, 18 h 56 m pour parcourir 3 082,32 km). Ce n’est pas ma meilleure performance. À cause de la chaleur, je suis allée plus lentement que prévu. Mais cela reste un immense souvenir. L’exercice mental demandé, la force à puiser pour arriver au bout, partager cela avec mes amis. Les mots me manquent pour exprimer le plaisir que j’ai pris durant cette épreuve. Néanmoins, je ne pense pas la refaire un jour. Et puis finalement, après ces belles courses sur les routes, je me suis posée la question de savoir ce que j’allais faire. Et j’ai découvert la Trans-Iowa, maintenant disparue. Ce fut ma première épreuve gravel. J’ai acheté un vélo plus adapté, quelques sacoches, et hop. Dans le processus de préparation, le gravel s’est avéré être une solution pour rendre l’entraînement à la fois moins ennuyeux et moins risqué. En plus, rouler dans les chemins de terre de l’Iowa le rend particulièrement efficace 10 Ma deuxième course gravel était « Nebraska Odin’s Revenge ». C’est vraiment cette épreuve qui a contribué au germe de Spotted Horse gravel (des collines à perte de vue, 401 km, 6 100m D+, de multiples côtes entre 8 et 10%). C’est comme rouler sur une lame de scie. Il y a bien un peu de plat, qui ne s’avère pas si plat que cela. Cette course n’existe plus car l’organisateur est parti à la retraite. Mais j’ai adoré : les chemins de terre, les conditions climatiques parfois apocalyptiques, etc. C’était ma deuxième course en gravel et venant du triathlon, j’avais énormément de choses à apprendre, notamment en pilotage où je suis plutôt mauvaise. Cette expérience m’a complètement ouvert les yeux sur ce qu’il me restait à maîtriser, sur le plaisir que j’éprouvais à me faire maltraiter par la météo. De plus, il y a beaucoup de chemins ici et s’entraîner sur la route est assez ennuyeux donc pourquoi ne pas se mettre au gravel et s’amuser à vélo ? Ce fut une révélation: explorer ces chemins de terre, de graviers ou les fameuses « B roads » de l’Iowa (chemins non entretenus et souvent en mauvais état, aggravés par les tracteurs). Le gravier est devenu ma surface de prédilection. Et finalement, à force de rouler sur ces chemins, je me suis dit qu’il serait cool d’organiser des courses ici. C’est ainsi qu’est née « Spotted Horse Ultra » en 2016 (241 km et 321 km). Le gravel, c’est avant tout du plaisir. Ce n’est pas de la discipline ou des données de puissance. Sur les longues distances, il faut être futé et prendre les bonnes décisions. Il faut aussi être costaud. Ce qui rend le gravel aussi intéressant, c’est son côté imprévisible. Sur les courses type 24h, je pouvais prédire le kilométrage que j’allais effectuer, avec une marge d’erreur assez faible. Quand je suis arrivée au gravel, tous mes repères ont volé en éclat. 11 La préparation de Ride Accros The West uploads/Ingenierie_Lourd/ 2-spotzle-magazine.pdf

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