La boucle locale radio comme vecteur d’entrée dans les télécommunications * MAR

La boucle locale radio comme vecteur d’entrée dans les télécommunications * MARC BOURREAU ECOLE NATIONALE SUPERIEURE DES TELECOMMUNICATIONS ENST, Département EGSH 46 rue Barrault, 75634 Paris Cedex 13 Tél. :+33 1 45 81 72 46. Fax : +33 1 45 65 95 15. E-mail : marc.bourreau@enst.fr. Version révisée ; janvier 2001 Résumé La boucle locale - cette partie du réseau qui relie l’abonné final au réseau général - constitue le dernier bastion des opérateurs de télécommunications historiques. Si les entrants sont rares aujourd’hui, de nouvelles technologies pourraient, à terme, permettre le développement de la concurrence dans la boucle locale. Parmi ces technologies, la boucle locale radio paraît particulièrement prometteuse. Dans cet article, nous cherchons à évaluer si une stratégie d’entrée par la boucle locale radio est viable pour un nouvel opérateur. Il apparaît que l’entrée par la boucle locale radio est caractérisée par (a) un taux de progrès technique élevé, (b) une forte incertitude sur la technologie et sur la demande et (c) des coûts de transfert relativement importants pour les consommateurs. Même si elle n’offre dans Notes * L’auteur tient à remercier David Sevy, Laurent Benzoni, Patrick Rey, Elisabeth Dognin ainsi que deux rapporteurs anonymes pour les commentaires et suggestions. Les erreurs et imprécisions qui demeurent lui sont imputables. Enfin, les vues développées dans cet article ne sont pas nécessairement celles de France Télécom. -1- l’immédiat que des perspectives limitées, la boucle locale radio pourrait devenir à moyen terme un vecteur d’entrée important dans la boucle locale. Mots-clefs : Télécommunications, Entrée dans la boucle locale, Boucle locale radio. -2- 1. Introduction “La transmission de la voix sur réseau filaire, bien qu’elle soit possible techniquement, ne semble pas être une méthode fiable pour converser, et même si c’était le cas, il est hautement improbable que le public utilise un tel service ” Boston Herald, 1891 (cité par Brodsky [1995] ; notre traduction). Dans un réseau de télécommunications, la boucle locale ou réseau d’accès désigne la partie du réseau qui relie l’équipement téléphonique d’un abonné à son commutateur d’attache. Alors que le marché européen des télécommunications a été libéralisé complètement au 1er janvier 1998, la boucle locale demeure aujourd’hui un bastion pour les monopoles historiques. Dans certains pays (la Grande-Bretagne, par exemple), de nouveaux entrants cherchent à rivaliser avec les opérateurs historiques, en utilisant soit des infrastructures existantes (les réseaux câblés), soit de nouvelles infrastructures ou technologies (la boucle locale radio). Néanmoins, à ce jour, cette concurrence reste encore marginale, comme le montre le tableau 1 ci-dessous. Segment de marché Pays Longue distance International Local Validité des données Marché libéralisé Japon 32% 32% <1% 1997 Etats-Unis 56,9% 46,6% 3,5% 1998 1984 Suède 30% 37% <1% 1998 1993 France 10,5% 18% <1% 1999 1998 Royaume-Uni 33,8% 48,9% 11,6% 1999 1991 Tableau 1 : Parts de marché des nouveaux entrants sur trois segments de marché1 1 Source pour le Japon : “Access networks and regulatory measures : An interim report for DGXIII”, D. Lewin, J. Matthews, Ovum, juillet 1998. Source pour la Suède : 5ème Rapport de Transposition de la Communauté Européenne. Source pour les Etats-Unis : part de marché en valeur des CLEC pour la téléphonie locale ; part de marché en valeur des concurrents d’AT&T pour la téléphonie longue distance internationale (Cf. “Trends in Telephone Service Report”, FCC, mars 2000, http://www.fcc.gov/Bureaus/Common_Carrier/Reports/FCC- State_Link/IAD/trend100.pdf). Source pour le Royaume-Uni : Oftel, Market information, juin 2000 (parts de marché en valeur). -3- Plusieurs raisons expliquent le peu de concurrence dans la boucle locale. Tout d’abord, une boucle locale représente un investissement très important. Pour un opérateur historique, le coût du réseau d’accès représente généralement plus de 50% du coût total du réseau. Le coût fixe d’entrée pour un opérateur qui ne posséderait pas d’infrastructure est donc très important, et par conséquent, dissuasif. Par ailleurs, les technologies filaires, utilisées majoritairement aujourd’hui, sont peu adaptées pour un nouvel entrant. En effet, le raccordement d’un abonné est un investissement spécifique dont la valeur de revente est très faible2. Dès lors, raccorder un nouveau client peut être risqué et coûteux, si jamais ce client décide de rompre son contrat peu après. A cet égard, la volatilité de la clientèle dans la téléphonie mobile peut inciter un entrant potentiel à une certaine prudence. Si la concurrence dans la boucle locale est aujourd’hui très faible, les enjeux sont néanmoins importants. Tout d’abord, les revenus de la téléphonie locale (abonnement, frais de connexion, appels locaux) représentent entre 30 et 40% des revenus totaux de l’industrie (d’après “Access networks and regulatory measures : an interim report for DGXIII”, David Lewin, John Matthews, Ovum, juillet 1998). Selon l’Autorité de régulation des télécommunications (ART), la valeur de ce marché pour la France était, en 1999, de 56 milliards de francs. Ensuite, l’accès à la boucle locale donne à un opérateur la maîtrise de la relation commerciale avec le client. Enfin, le développement de certains nouveaux services nécessite un accès à la boucle locale. C’est le cas, en particulier, pour l’accès à Internet haut débit. Le développement d’une concurrence dans la boucle locale constitue donc aujourd’hui un des premiers enjeux pour les autorités de régulation. En France, l’ART en a fait un de ses chantiers majeurs3. Au niveau européen, la Recommandation sur le dégroupage de la boucle locale, publiée par la Commission le 26 avril 2000, souligne qu’il est important de stimuler rapidement la concurrence sur ce marché. Il existe différents moyens pour entrer sur le marché de la boucle locale. Tout d’abord, un nouvel entrant peut utiliser des infrastructures alternatives (comme un réseau câblé ou un réseau mobile) ou en construire de nouvelles. L’autorité de régulation peut alors stimuler le développement de ces infrastructures en facilitant l’obtention des licences et en réduisant le 2 Calhoun [1992] estime que la valeur de revente des câbles de cuivre est nulle, car le prix de vente du cuivre est inférieur à ce qu’il coûte d’extraire le cuivre des infrastructures de génie civil. 3 Cf. “Les enjeux de la boucle locale : intervention de Jean-Michel Hubert, Président de l’Autorité de régulation des télécommunications, à Multimédiaville, 25 juin 1999”, http://www.art- telecom.fr/communiques/discours/multim.htm. -4- prix. Dans certains pays (par exemple, aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni), l’autorité de régulation impose à l’opérateur historique de “revendre” ses services d’abonnement et de trafic local aux fournisseurs de services en leur accordant un rabais sur le tarif de détail (aux Etats-Unis, ce rabais est compris entre 17 et 25%). La revente permet d’entrer sur le marché local sans déployer d’infrastructure, réduisant ainsi le coût d’entrée. Cependant, le nouvel entrant dépend fortement de l’opérateur local dominant pour ce qui concerne sa politique tarifaire ou la qualité de service (la différenciation est difficile). Dans certains pays (Etats-Unis, Allemagne, etc.), l’autorité de régulation impose également à l’opérateur historique de louer aux nouveaux entrants ses lignes d’abonné à un tarif qui reflète les coûts. Ceux-ci peuvent aller installer leurs propres équipements de boucle locale pour offrir aux clients des services de téléphonie locale ou d’accès à Internet haut débit. Suite à la Recommandation de la Commission, ce dispositif réglementaire, qui porte le nom de “ dégroupage de la boucle locale ”, devrait entrer en vigueur dans la plupart des pays européens d’ici 2001. Si la location d’une ligne d’abonné permet à un nouvel opérateur d’entrer progressivement sur le marché local en déployant graduellement des infrastructures propriétaires, le dégroupage est un processus particulièrement complexe. En outre, les services proposés par le nouvel entrant reposent sur la même technologie d’accès que l’opérateur historique ; les possibilités de différenciation sont donc limitées. On en conclut que seul le déploiement d’infrastructures en propre offre à un nouvel entrant l’autonomie suffisante pour se développer dans le long terme sur le marché local. Le progrès rapide des technologies hertziennes (la “ boucle locale radio ”) pourrait modifier les conditions d’entrée dans la boucle locale. Il existe plusieurs technologies de boucle locale radio. Pour simplifier, nous utiliserons le terme de “ boucle locale radio ” pour désigner une solution technique qui utilise en totalité ou en partie la transmission hertzienne pour réaliser la connexion entre l’abonné et le commutateur d’attache. Alors qu’il n’y avait, en dehors des réseaux mobiles, que 50 boucles locales radio dans le monde en 1996, on en dénombrait 130 en 1997 et la plupart des analystes s’entendent sur le chiffre de 200 millions de lignes radioélectriques aux alentours de l’an 20004. Selon le cabinet de consultants Allied Business Intelligence5, le marché de l’infrastructure pour les boucles 4 “Mobility in the Local Loop : A Case of Mistaken Identity”, Mobile Communications International, septembre 1997, pp. 79-84. Selon le scénario ‘modéré’ proposé par Allied Business Intelligence, il y aurait 197 millions d’abonnés en 2006. 5 D’après “Wireless Local Loop Business to Boom”, Mobile Communications International, octobre 1997, p. 6 et “WLL cuts the wire”, Global Telephony, mai 1998, pp. 20-28. -5- locales radio représentera 100 milliards de dollars en 2006. Ces prévisions sont confirmées par les stratégies d’acteurs : de plus en plus d’opérateurs choisissent de raccorder leurs abonnés par voie hertzienne ou envisagent de uploads/Ingenierie_Lourd/ blr-these.pdf

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