1 N° 1800071 Tribunal administratif de Nouvelle- Calédonie Commune de Nouméa Au

1 N° 1800071 Tribunal administratif de Nouvelle- Calédonie Commune de Nouméa Audience du 31 octobre 2019 Président : Guy Quillévéré Rapporteur : Benoît Briquet CONCLUSIONS Nathalie Peuvrel, rapporteur public Merci M. le président. M. le président, Messieurs les premiers conseillers, La commune de Nouméa est propriétaire de l’aquarium de Nouméa, dont la gestion est confiée depuis 2006 au syndicat mixte « Aquarium de Nouméa et de la province Sud ». Quatre marchés ont été passés en vue de sa construction : un marché de conception du 23 septembre 1997 et un marché de maîtrise d’œuvre du 30 juillet 2003, d’une part, tous deux attribués à la SARL Chambre et Vibert Architectes, et, d’autre part, deux marchés de travaux, l’un relatif au lot n° 1 « bâtiment », l’autre portant sur le lot n° 2 « aquariologie », qui ont été conclus le 30 juillet 2003 avec la SARL Arbé pour le premier et avec la SAS Usine Coutant pour le second. La commune vous demande la condamnation de ces trois sociétés à lui verser respectivement les sommes de 55 032 103 F CFP, 217 376 807 F CFP, et 2 751 605 F CFP sur le fondement de la garantie décennale au titre des désordres apparus après la réception définitive des travaux, intervenue le 5 juin 2008 pour le lot n° 1 et le 28 mars 2008 pour le lot n° 2 (Total : 275 160 515 FCFP). Elle demande aussi la condamnation solidaire des trois sociétés à lui verser une somme totale de 11 840 250 FCPF au titre des frais et dépens engagés dans le cadre de l’expertise et du constat réalisés ainsi qu’une somme de 812 540 FCPF au titre des autres frais et dépens, engagés en faveur du bureau d’études Ginger LBTP et pour la réalisation des constats d’huissiers. Un rapport d’expertise a été remis le 10 juin 2016 en exécution d’une ordonnance du juge des référés du 2 juillet 2013. 2 Au préalable, vous admettrez l’intervention de la compagnie Generali IARD, qui est l’assureur de la société Arbé, et écarterez la fin de non-recevoir, tirée du défaut de capacité à agir du maire de Nouméa, opposée en défense par la société Arbé, le maire ayant été régulièrement habilité par le conseil municipal par délibération n° 2014/518 du 14 avril 2014 à engager des actions en justice au nom de la commune. La société Arbé fait valoir en défense que l’expertise du 10 juin 2016 ne devrait pas être prise en compte, dès lors qu’elle est entachée d’irrégularité en raison de la partialité de l’expert. Toutefois, si le rapport souligne, certes sans ambage, la responsabilité de la société Arbé, s’agissant, notamment de la conformité des résistances des bétons, il ne ressort ni de ce rapport, ni des autres pièces du dossier, et alors que les Dires de la société Arbé ont été pris en considération, que l’expert ait fait preuve de partialité à son détriment. La commune de Nouméa soutient que les désordres constatés sur l’ouvrage sont de nature à justifier la condamnation de la SARL Arbé, de la SARL Chambre et Vibert Architectes et de la SAS Usine Coutant conformément à la répartition préconisée par le rapport d’expertise. Le CE a indiqué dans sa décision d’Assemblée du 2 février 1973, Sieur Trannoy, n° 82706, A, que la responsabilité décennale qui pèse sur les constructeurs ayant participé à l’exécution d’un marché de travaux publics est une responsabilité de plein droit dont ils ne peuvent s’exonérer qu’en cas de force majeure ou de faute du maître d’ouvrage. Il en résulte que l’absence de faute dans l’exécution de leurs obligations contractuelles est sans incidence sur l’engagement de leur responsabilité. Le considérant de principe, qu’il nous semble utile de rappeler, est le suivant : « il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d’épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l’ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s’ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l’expiration du délai de dix ans ; que le constructeur dont la responsabilité est recherchée sur ce fondement ne peut en être exonéré, outre les cas de force majeure et de faute du maître d’ouvrage, que lorsque, eu égard aux missions qui lui étaient confiées, il n’apparaît pas que les désordres lui soient en quelque manière imputables » (voir par exp CE, 9 mars 2018, n° 406205, Commune de Rennes-les-Bains, B). La commune de Nouméa demande la condamnation des sociétés Chambre et Vibert, Arbé, et Usine Coutant sur le fondement de ces principes en se prévalant, 3 d’une part, des vingt-et-un désordres répertoriés D1 à D21 par l’expert dans son rapport et, d’autre part, de l’existence d’un vingt-deuxième désordre qui serait apparu postérieurement au dépôt du rapport d’expertise et qui concerne le bassin n° 23. Sur ces dommages, vingt concernent spécifiquement la société Arbé et deux, les D11 et D21, spécifiquement la société Usine Coutant. La responsabilité de la société Chambre et Vibert, concepteur et maître d’œuvre, dont l’intervention est transversale, peut être retenue pour l’ensemble des désordres invoqués. Il résulte, notamment, du rapport d’expertise que plusieurs des dommages identifiés sont liés aux mauvaises caractéristiques mécaniques des bétons utilisés favorisant l’apparition de pathologies, et notamment de chlorures par le contact avec l’eau de mer. L’expert relève le défaut de qualité et de mise en œuvre des bétons. Il est conclu à des non-conformités majeures aux règles de calcul, documents techniques unifiés (DTU) et normes en la matière. Ce constat est confirmé par l’expertise complémentaire relative spécifiquement au bassin n° 23, réalisée à la demande de la commune de Nouméa le 2 octobre 2019, selon laquelle « D'une manière générale, l'on s'aperçoit que la destination de l'Aquarium et de son usage, qui est un ouvrage exposé à l'eau de mer, n'a pas été pris en compte lors de sa réalisation ». Ces dommages ne sont toutefois pas tous de nature à compromettre la solidité de l’ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination. Peuvent être identifiés comme compromettant la solidité de l’ouvrage les dommages D3, D6 et D10. Il s’agit de la dégradation des bétons au niveau du grand bac n° 34 de 520 m3 et du bac n° 8 de 10 m3, de la désagrégation du plancher en béton armé de la coursive technique contigüe au grand bac, de l’inadéquation du procédé d’étanchéité au niveau de la paroi externe du bac n° 8 et des diverses pathologies (zéolithe, carbonatation, réaction avec les chlorures) affectant les bétons. Les désordres répertoriés sous les n° D1, D4, D5, D21 et D22, qui concernent l’étanchéité liquide sur le chéneau en béton à débordement en toiture terrasse, la disparition du revêtement d'étanchéité du plancher en béton de la coursive de desserte contigüe au grand bac n° 34, la fissuration de la dalle de béton de ce plancher, dans laquelle s’infiltre l’eau, les défauts de fonctionnement affectant les matériels spécifiques d'aquariologie et la dégradation des bétons au niveau du bac n° 23, sont de nature à rendre l’ouvrage impropre à sa destination. En revanche, nous vous invitons à écarter de l’indemnisation au titre de la garantie décennale les autres désordres. 4 Certains ont en effet été réparés (D11) ou n’ont pas été constatés lors de l’expertise (D13) ou encore ne sont pas de nature à affecter la solidité de l’ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination (dommages 7, 8, 9 14, 15, 16, 19 et 20). S’agissant des désordres D2, D12, D17 et D18, relatifs au système de désenfumage en toiture, à l’absence de pente au sol dans la cuisine et à une insuffisance de ventilation en zone technique et dans la réserve du magasin, vous les écarterez, dès lors qu’ils étaient aisément décelables lors de la réception définitive des travaux. Pour ce même motif, vous rejetterez les conclusions présentées à titre subsidiaire par la commune de Nouméa et tendant, s’agissant des désordres 2 et 12, à ce que soit engagée la responsabilité contractuelle du maître d’œuvre pour manquement à son devoir de conseil (CE, 8 juin 2005, Dubois, n° 261478, Mentionné aux tables du recueil). La société Arbé fait valoir que, contrairement à ce que retient l’expert en indiquant que « Il est donc inconcevable que les résistances des bétons de l'aquarium à la réception des ouvrages aient été conformes en terme de valeur C35 comme exigée », le cahier des charges techniques n’exigeait pas cette valeur, mais la valeur B25. Toutefois, outre que l’expert et les sapiteurs indiquent à plusieurs reprises que la valeur C35 est mentionnée dans les plans du bureau d’étude technique, l’expertise réalisée sur le bac n° 23, qui vaut aussi pour les autres bacs, relève clairement que « Au mois de mars 2004, le fait d'avoir remplacé le béton B35 par un béton B25, de moindre qualité, est une décision incompréhensible. » et que les bétons utilisés ne présentaient pas les caractéristiques exigées par uploads/Ingenierie_Lourd/ conclusions-rapporteur-public-aquarium-des-lagons.pdf

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