Mission pour la Science et la Technologie de l’Ambassade de France aux Etats-Un

Mission pour la Science et la Technologie de l’Ambassade de France aux Etats-Unis Modélisation des systèmes électriques : Stanford, UC Berkeley et le Pacific Northwest National Laboratory à la pointe de l’innovation Publié le vendredi 4 janvier 2013 Voir en ligne : https://www.france-science.org/Modelisation-des-systemes.html A l’inverse des vecteurs énergétiques solides, liquides et gazeux, l’électricité se stocke difficilement en grande quantité et s’échange nécessairement via un réseau dédié. La gestion des systèmes électriques pose de fait un problème d’autant plus complexe qu’ils sont soumis à de fortes contraintes spatiales et temporelles. Les contraintes spatiales sont par exemple la distribution géographique des moyens de production et de consommation, la structure et la disponibilité des réseaux électriques de transmission et de distribution. Les contraintes temporelles font référence à la gestion instantanée des flux électriques, et donc celle du réseau, dans le but de minimiser les variations de tension et de fréquence tout en maintenant le système global dans ses limites de sécurité. Dans un système électrique, la puissance produite doit être égale à celle demandée sur le réseau à chaque seconde : cet équilibre instantané requiert la modulation des moyens de production électrique disponibles à cet instant, qui ont été choisis en fonction de leurs caractéristiques dynamiques et de leur localisation sur le réseau. La sélection et la modulation des centrales de production s’effectuent traditionnellement par une logique économique de moindre coût soumise à des contraintes techniques. Afin d’assurer le fonctionnement du système électrique et d’anticiper les réponses adéquates aux aléas, les ingénieurs, opérateurs et gestionnaires de réseau utilisent des modèles complexes de simulation et d’opération des systèmes électriques. En parallèle, les exercices de planification moyen et long terme sont nécessaires aux économistes et aux décideurs pour évaluer les investissements dans le secteur, ce dernier étant fortement capitalistique et connaissant des temps de retour sur investissements relativement longs (typiquement supérieurs à dix ans pour les architectures centralisées). La modélisation est donc un outil clé, utilisé par les analystes électriques afin d’assurer à la fois le bon fonctionnement, la pérennité du système et l’identification des solutions les plus prometteuses pour l’avenir. Elle sert par exemple à guider les gouvernements et les industries sur l’approche économique et environnementale la plus efficiente pour conserver dans la durée un service électrique de qualité, car elle permet de comparer l’impact de différentes politiques de développement locales et nationales ou de décisions stratégiques en matière de développement énergétique. Les contraintes intégrées dans les modèles incluent des facteurs comme les ressources en matières premières (disponibilité et coût), les normes en vigueur, les caractéristiques physiques du réseau et des moyens de production, les changements de schémas de demande électrique, les avancées technologiques et les défis environnementaux. De nombreux chercheurs académiques et la plupart des entreprises électriques ont commencé à modéliser les systèmes électriques dès les années 1950 à l’aide de programmes linéaires, essentiellement pour anticiper l’expansion nécessaire des capacités de production et planifier les investissements nécessaires [1]. Jusqu’au premier choc pétrolier, les exercices de simulation étaient relativement simples en raison de l’évolution prévisible de la demande électrique et de la prédominance des moyens de production centralisés (centrales thermiques pouvant fournir quelques centaines de mégawatts). Aujourd’hui, la libéralisation du secteur électrique dans la plupart des pays industrialisés a largement modifié la nature des problèmes de planification et, dans une certaine mesure, rendu obsolètes une grande partie des modèles d’optimisation utilisés. La complexification du secteur électrique ne s’arrête pas à la libéralisation : ce sont également la rapide croissance des sources d’énergie renouvelable (EnR) intermittentes, l’émergence des réseaux électriques intelligents (Smart Grid), l’intégration de nouvelles formes de stockage, des véhicules électriques, mais aussi les impératifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre et les tensions accrues sur les matières premières qui ont favorisé l’émergence ces dernières années de nouveaux modèles plus sophistiqués. La complexité des modèles augmente Crédits : MS&T Si ces outils se sont d’abord développés aux Etats-Unis et en Europe en raison de l’intégration soutenue des EnR dans les mix énergétiques nationaux, l’inquiétude des régulateurs face à la complexité croissante d’assurer l’équilibre offre-demande a poussé au développement d’outils de modélisation dans tous les contextes, notamment dans les pays émergents comme la Chine et le Brésil. Dans ces économies en plein essor, la croissance de la demande en énergie est exceptionnelle et la difficulté d’assurer un dispatching adéquat et de garantir les réserves des systèmes électriques rend les modèles et les simulations particulièrement utiles pour la pérennité des réseaux électriques en construction. La recherche et le développement d’outils de modélisation électrique suscite l’intérêt tant au niveau des entreprises (citons IBM, Alstom, Schneider et General Electric) [2-3] que des laboratoires nationaux et des universités américaines (par exemple Stanford et UC Berkeley en Californie). Au milieu de la multitude d’outils aujourd’hui disponibles, la sélection du modèle adéquat est un exercice qui peut s’avérer périlleux. Erik Delarue propose dans son travail de thèse une classification des modèles électriques s’appuyant sur six critères [4] : 1. Degré de concurrence sur le marché : monopole, oligopole ou concurrence pure et parfaite ; 2. Type de la fonction d’optimisation : un seul ou plusieurs objectifs cibles (maximisation du gain, du bien-être social, une fonction objectif par acteur, etc.) ; 3. Prise en compte de l’élasticité de la demande électrique ou non ; 4. Horizon temporel : court terme (préoccupations plutôt opérationnelles) ou moyen à long terme (études d’investissement et planification par exemple) ; 5. Modélisation du réseau électrique : quatre degrés de complexité possibles, allant d’un modèle mathématique simplifié (schématisation vectorielle) à l’intégration de modèles physiques (power flows) ; 6. But de la modélisation : acteur qui cherche à optimiser son comportement (une entreprise privée par exemple), ou prospective plus générale (simulation de multiples variantes). La seconde partie de cet article met en avant trois outils de modélisation développés par des acteurs académiques phares de la côté Ouest américaine : SWITCH à UC Berkeley, GridLAB-D au Pacific Northwest National Laboratory et GridSpice au TomKatCenter for Sustainable Energy de Stanford. 1. Planification du secteur électrique : SWITCH, le dernier né de l’université UC Berkeley SWITCH est un outil de planification du développement des capacités de production et de stockage d’électricité d’une région donnée, auquel nous avions consacré un article le mois dernier [5]. L’optimisation est effectuée sur des critères économiques, sous la contrainte d’hypothèses techniques et de politiques publiques - notamment environnementales - déterminées au préalable. Le modèle fait notamment le lien analytique entre le coût marginal de la tonne de dioxyde de carbone émise et la composition du système électrique associé : le but est de décrire l’ensemble de la chaîne de causalité dans une approche intégrée, de manière à étudier les interactions environnement-énergie. Développé par l’équipe du professeur Daniel M. Kammen à UC Berkeley (au sein du RAEL, Renewable & Appropriate Energy Laboratory), SWITCH utilise le langage de programmation AMPL pour étudier le développement des capacités de production et de stockage d’électricité ainsi que des réseaux de transport et de distribution d’électricité à moyen terme (à l’horizon 2030 à 2050). Construit sur une approche bottom-up, le modèle identifie les décisions d’investissement optimales répondant à une demande électrique future donnée. Il prend notamment en compte les caractéristiques des mix et réseaux électriques existants, les conditions climatiques telles que l’ensoleillement, la pluviosité et l’intensité du vent, les technologies déjà développées ou prometteuses (systèmes de production et de stockage), le coût des carburants et les taxes environnementales mises en place. SWITCH est un programme linéaire mixte-entier dont l’une des particularités est un fin maillage spatial et temporel permettant d’intégrer la variabilité de la production renouvelable et les contraintes du réseau (et donc le dispatching quotidien) [5-7]. Cadre simplifié du modèle SWITCH Crédits : MS&T 2. L’avènement de nouveaux outils pour simuler les réseaux électriques intelligents Les réseaux électriques intelligents (smart grids) sont largement présentés comme les réseaux électriques du futur : plus communicants et plus réactifs grâce à la multiplication de capteurs sur l’architecture physique traditionnelle des systèmes électriques, ils sont en quelque sorte le pendant pour l’électricité de la génération 2.0 de l’internet. Les données remontées par ces capteurs sont utilisables en temps réel (ou quasi-temps réel) afin d’augmenter la fiabilité du système, le degré d’optimisation de gestion des ressources et l’intégration de nouvelles solutions énergétiques [8]. Les Etats-Unis sont aujourd’hui considérés comme une nation en pointe dans le domaine des réseaux intelligents, avec de nombreux projets phares et expérimentations aux niveaux fédéral et étatique. Ces projets portent notamment sur les tarifications, le pilotage de charge, le déploiement massif de compteurs intelligents ou encore le développement d’agrégateurs (opérateurs du marché de l’électricité jouant un rôle de grossiste. En fonction de l’état des marchés, l’agrégateur propose à ses clients de modifier leur consommation ou leur production en tenant compte de leur niveau de flexibilité). Les obstacles techniques à l’intégration massive de technologies relevant des TIC (Technologies de l’Information et de la Communication) sont nombreux, mais l’enjeu est de taille : les Etats-Unis n’ont pas d’autre alternative que de rénover et optimiser leurs infrastructures électriques vieillissantes non-adaptées aux besoins uploads/Ingenierie_Lourd/ france-science-org-modelisation-des-systemes-electriques-stanford-uc-berkeley-et-le-pacific-northwest-national-laboratory-a-la-pointe-de-l-innovation-pdf.pdf

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