1 Thèse pour obtenir le grade de Docteur Délivré par l’Université Paul Valéry –

1 Thèse pour obtenir le grade de Docteur Délivré par l’Université Paul Valéry – Montpellier III Préparée au sein de l’école doctorale Et de l’unité de recherche RIRRA 21 Spécialité : Littératures française et comparée. Présentée par Slimane Ait Sidhoum LES RÉCITS DE VOYAGE EN ALGÉRIE DANS LA PRESSE ILLUSTRÉE ET LES REVUES DU XIXe SIÈCLE OU L’INVENTION D’UN ORIENT DE PROXIMITÉ Soutenue le 09 décembre 2013 devant le jury M. Pierre CITTI, Professeur émérite, Université de Montpellier III. Président M. Anthony MANGEON, Professeur, Université de Strasbourg. M. Jean-Marie SEILLAN, Professeur, Université de Nice. Mme Marie-Ève THÉRENTY, Professeur, Université Montpellier III. Directrice de Thèse 2 REMERCIEMENTS « Voyager, c’est aller de soi à soi en passant par les autres » Proverbe targui. Grand merci à Mme Marie-Ève Thérenty ma directrice de thèse qui a accompagné ce travail pendant six ans avec patience et abnégation. Je remercie également Mme Marie-Christine Rochmann pour ses conseils avisés. Malika pour sa présence tout le long de ce parcours et son soutien indéfectible. Á mon frère Hamou qui a permis ce long voyage en France. Enfin, à toute ma famille, surtout Houria, Souad, Achour et à tous mes amis (es) qui m’ont prodigué les encouragements nécessaires pour mener ce travail son terme. 3 Á la mémoire de mon père AREZKI. Et à ma mère Keltouma. 4 Mots Clés : Algérie, Itinéraires, Sahara, Dahra, Ouled Nails, Autochtones, Civilisation, presse illustrée, journaux, revues, voyageurs. 5 Introduction 6 L’Algérie, sous domination turque entre 1515 et 1830, a été pendant cette période pratiquement interdite aux étrangers. Les livres produits sur le pays avant la conquête française furent très rares. L’inventaire des ouvrages édités sur cette contrée barbaresque montre une littérature sommaire et rachitique qui n’épouse pas les contrastes géographiques multiples du pays et les richesses humaines et culturelles qu’il recèle: Ainsi la pauvreté des représentations, des discours, des « pré- textes » consacrés en France à l’Algérie avant la conquête, d’une part, et d’autre part la précocité et l’intensité de la mainmise coloniale, telles sont les deux principales données qui, plus ou moins clairement comprise par les voyageurs métropolitains, confèrent au « voyage en Algérie » un statut très particulier au sein de la tradition du « voyage en Orient », à laquelle il semble apparemment naturel de le rattacher1. En effet, la prise d’Alger en 1830 par le royaume de France ouvre un large champ d’exploration et de découverte du pays, où s’engouffrent toutes sortes de voyageurs venus assouvir leurs rêves d’exotisme et d’aventures2. La proximité géographique de l’Algérie avec la métropole, qui s’inscrit dans une sorte de continuité ultramarine, fait de la Méditerranée une frontière naturelle entre les deux pays. Cette contiguïté géographique a fait naître l’idée de ce qu’on peut appeler « un Orient de proximité ». La France, grâce à sa nouvelle colonie, dispose d’un Orient à portée de main où elle s’installe pour y mener une œuvre civilisatrice. Une première personnalité peut être considérée comme l’ancêtre du voyageur en Algérie, il s’agit d’Eugène Delacroix. Venu du Maroc, il arrive à Alger, à l’aube de la colonisation en 1833. Le peintre aura le privilège de pénétrer les intérieurs des maisons qui sont les lieux de prédilection de la femme algérienne. Ses tableaux restent dans la lignée de ceux qui restituent en peinture la vie quotidienne dans les harems d’Orient. Le développement prodigieux des moyens de transport à partir de la deuxième moitié du XIXe siècle comme le bateau à vapeur et l’installation d’un réseau de chemins de fer en colonie, encourage diverses personnalités emblématiques à tenter l’expérience algérienne. Le politicien Alexis de Tocqueville est le premier à apporter un soutien indéfectible au projet colonial. Il conforte par ses écrits3 l’administration et l’armée qui sont à la recherche d’une légitimité politique leur permettant de poursuivre l’entreprise coloniale en Algérie. Le monde des lettres a aussi ses éclaireurs, avec des écrivains célèbres comme Théophile Gautier, Alexandre Dumas, Edmond et Jules de Goncourt, Alphonse Daudet et Guy de Maupassant. Le contact avec cette terre et sa population engendre chez-eux des récits et 1 Franck Laurent, Le voyage en Algérie, anthologie de voyageurs français dans l’Algérie coloniale (1830-1930), Paris, Bouquins, Robert Laffont, 2008, p. 11. 2 Sylvain Venayre, Rêves d’aventures, Paris, les éditions de la Martinière, 2006. 3 Alexis de Tocqueville, Sur l’Algérie, Paris, GF Flammarion, 2003. 7 des impressions qui rompent avec l’idéologie coloniale et ses clichés avilissant les autochtones. Par ailleurs, l’Algérie permet à Eugène Fromentin de se révéler comme un écrivain qui compte, quand il publie en 1857, Un été dans le Sahara et Une année dans le Sahel en 1858. Ses pérégrinations à travers les paysages algériens et son intérêt pour les scènes de vie des autochtones renforcent sa vocation première d’artiste peintre, avec des tableaux qui passeront à la postérité comme, Gorges de la Chiffa (1847), Caravane arabe (1857), Bivouac arabe (1863) et le Fauconnier arabe (1863). Par ailleurs, les voyages en Algérie ont donné lieu à un certain nombre de travaux universitaires, comme ceux publiés par Philippe Lucas et Jean-Claude Vatin4, Denise Brahimi5 en enfin Franck Laurent6. Mais dans la foulée de ces figures prestigieuses des arts et des lettres, un autre type de voyageurs moins connus prend le relais. Ils appartiennent à quatre catégories professionnelles où l’on retrouve des fonctionnaires, des militaires, des scientifiques et enfin des écrivains- journalistes de second rang. Ils sont chargés de diverses missions sur le terrain par leurs tutelles. Ils réalisent des relevés topographiques, des rapports administratifs, des recherches scientifiques ou proposent des reportages pour la presse écrite. Nous pouvons ajouter une cinquième catégorie qu’on pourrait appeler « les colons correspondants de presse ». Ils sont représentatifs des Européens venus dans le cadre de la politique d’occupation des sols en Algérie et du développement des colonies agricoles. En effet, Fortin d’Ivry et Vivant Beaucé incarnent les deux figures les plus représentatives du colon en terre algérienne. Fortin d’Ivry a publié un mémoire sur son expérience coloniale en Algérie7 et beaucoup d’écrits dans la Revue d’Orient, il personnifie la réussite et le militantisme pour la poursuite de cette politique d’occupation des espaces conquis sur le foncier tribal autochtone. Vivant Beaucé (1818- 1876), plus lucide et moins tenace, apporte une autre vision et critique la politique coloniale qui fait appel à des immigrants européens sans leur offrir les conditions minimales d’une installation digne en Algérie. Il fustige dans L’Illustration par ses écrits les atermoiements de l’administration et rend compte de sa déception qui annonce l’échec de son projet. Cependant ces catégories élaborées sur le critère de la profession ne sont pas figées. Certains voyageurs circulent d’une catégorie à une autre comme on le verra avec François Roudaire qui est un militaire mais se retrouve embarqué dans un projet scientifique grandiose qui est la réalisation d’une mer intérieure, reliant le Sahara algérien au golfe de Gabès en Tunisie. 4 Algérie des anthropologues, Paris, Maspéro, 1975. 5 Guy de Maupassant, Écrits sur le Maghreb, Au Soleil, La vie errante, Paris, Minerve, 1988. 6 Le voyage en Algérie, anthologie de voyageurs français dans l’Algérie coloniale (1830-1930), op.cit. 7 T. Fortin d’Ivry, L’Algérie, son importance, sa colonisation, son avenir, Paris, Rignoux, imprimeur de la Société Orientale, 1845. 8 Ces voyageurs ont beaucoup écrit sur l’Algérie. On verra que la formation du voyageur, sa catégorie et la nature de sa mission influent sur la manière d’écrire, sur l’idéologie que véhicule le récit produit au cœur du voyage ou de la mission, et enfin que ce même récit produit une image de l’autochtone plus nuancée se modifiant au fur et à mesure qu’on progresse dans le récit. Cependant, le voyageur est une entité subjective nourrie par une culture qui a ses propres codes et produisant une grille de lecture conforme aux principes acquis dans son environnement et dont il ne se défait que difficilement. Cette multitude de voyages et de missions coïncide avec l’essor extraordinaire de la presse au XIXe siècle. Les journaux et les revues contribuent à populariser les récits de voyage, devenant le support par excellence du genre. Roland Le Huenen remarque qu’il est difficile de cerner le récit de voyage car ses ressources sont vertigineuses: Ce qui ajoute encore à la confusion c'est que le récit de voyage peut venir se fixer à l'intérieur de formes discursives autonomes, présentant un statut défini en même temps que réglé par un ensemble de codes spécifiques. On le retrouve intégré au contenu du journal (Montaigne, Journal de voyage), de l'autobiographie (Chateaubriand, Mémoires d'Outre- Tombe), du discours épistolaire (Sand, Lettres d'un voyageur), de l'essai ethnographique (Lévi-Strauss, Tristes Tropiques), ou encore retranscrit dans une forme différente de celle de sa première occurrence (Voyages au Canada de Jacques Cartier dont le récit rétrospectif reprend la matière des différents journaux de bord). En même temps qu'il peut ainsi s'ajuster aux exigences d'une telle prise en charge, le récit de voyage se fait lieu d'accueil pour des discours d'origine diverse qui le parcourent et s'y articulent: les discours du géographe, du naturaliste et de l'ethnologue, de l'administrateur et du militaire, uploads/Litterature/ 2013-ait-sidhoum-arch.pdf

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