www.comptoirlitteraire.com André Durand présente ‘’Les châtiments’’ (1853) recu

www.comptoirlitteraire.com André Durand présente ‘’Les châtiments’’ (1853) recueil de poèmes de Victor HUGO pour lequel on trouve ici une présentation générale puis successivement les analyses de : ‘’Souvenir de la nuit du 4’’ (page 2) ‘’Fable ou histoire’’ (page 8) ‘’Le manteau impérial’’ (page 10) ‘’L’expiation’’ (page 12) ‘’Hymne des transportés’’ (page 15) Bonne lecture ! 1 Recueil de poèmes satiriques où le poète exilé à Jersey après le coup d'État du 2 décembre 1851 donna libre cours à la haine qu'il vouait à Napoléon lll dont il fit I'archétype du tyran. Pourtant, entre les deux hommes tout avait bien commencé. Victor Hugo milita ardemment pour que Louis Napoléon Bonaparte soit élu président. Ils avaient les mêmes idées progressistes, la même puissance de travail, le même amour immodéré pour les femmes ; ils dînaient souvent ensemble, se consultaient et s'appréciaient. Mais, première ombre au tableau, en 1848, le président refusa de le nommer ministre, estimant que ce n'est pas le rôle d’un écrivain : il s'y perdrait. La rupture totale, entre eux, fut causée par le coup d'État du 2 décembre 1851. Le président prononça la dissolution de l’Assemblée à majorité réactionnaire parce qu’elle bloquait ses réformes sociales, qu'elle avait réduit le suffrage universel et voté une loi pour l'empêcher de se représenter à l’élection présidentielle. Les opposants furent arrêtés. Le coup de force fit quatre cents morts dans toute la France, et, même s'il fut «validé» par 92% des votants dans un plébiscite organisé trois semaines plus tard, Louis Napoléon allait se le reprocher toute sa vie. Les Français, qui attendaient tant de lui, lui pardonnèrent cet épisode autoritaire. Mais pas Victor Hugo. Il mit au service de sa fureur tout son génie poétique et sa grandiloquence effrénée, et reprit, dans ses vers, tous les éléments qui avaient fourni la matière de son violent pamphlet publié I'année précédente : ‘’Napoléon-le-Petit’’, qu’il appelait aussi «Nabot- Léon». Mais il n’allait avoir, sous le Second Empire, qu’une influence de chansonnier. Sous des formes très variées, les poèmes obéissent à une même inspiration, la «muse Indignation». Hugo, Juvénal réincarné, condamne avec violence le «crime» commis, et dénonce la bassesse du nouveau régime, ses vices et ses déportements présentés comme une décadence de Bas-Empire. Pour mieux flétrir la répression menée par Napoléon-le Petit, il adopte le ton épique pour, par contrecoup et pour les besoins de la cause, célébrer les «soldats de l’An II» (“À l’obéissance passive”) ou ceux de l’armée impériale, exalter la gloire et les vertus de l'épopée napoléonienne (“L’expiation”). Il appelle sur les usurpateurs du 2 Décembre le feu du ciel. Puis il proclame avec lyrisme sa confiance en l’avenir. La variété des tons (pamphlets, chansons, satires, visions épiques, invocations lyriques) élargit la portée du recueil : face à ce monde qui souffre, c’est au poète de précéder par son action «l’ange Liberté» (“Stella”). L'outrance manifeste de certains passages n'enlève rien à la vigueur de I'attaque ; avec son goût du gigantesque, Hugo construit un personnage aux dimensions démesurées et concentre autour de lui tout le mal qui sommeille au fond de la nature humaine, tous les aspects les plus odieux d'une politique faite de violence et de fraude. Les poèmes sont alourdis au suprême degré par I'emphase systématique et en quelque sorte mécanique, défaut capital de toute I'oeuvre de Hugo : développements trop considérables, minutie exagérée dans les détails. Les poèmes “Nox” et “Lux” encadrent sept livres dont les titres très ironiques fustigent l’ordre établi et sont tout un programme : ‘’La société est sauvée’’, ‘’L'ordre est rétabli’’, ‘’La famille est restaurée’’, ‘’La religion est glorifiée’’, ‘’L'autorité est sacrée’’, ‘’La stabilité est assurée’’, ‘’Les sauveurs se sauveront’’. Certains passages sont très connus par leurs apostrophes de haut goût : Napoléon-le-Petit est I'homme qui, tel un voleur, «de nuit alluma sa lanterne / Au soleil d'Austerlitz» ; quand il entra en grande pompe à Notre-Dame, un mois après son crime, le Christ, sur la croix, «avait été cloué pour qu'il restât» ; à ceux qui méprisaient ses invectives en disant : «Bah ! Le Poète ! il est dans les nuages !», Hugo répondait fièrement : «Soit. Le tonnerre aussi.»... À I'idée que son ennemi pourrait se vanter de «rester» au moins dans I'Histoire, il s'écria : «Non, tu n'entreras point dans I'Histoire, bandit ! / Haillon humain, hibou déplumé, bête morte, / Tu resteras dehors et cloué sur la porte !» Mais certains poèmes sont d'une authentique grandeur : ‘’Aube’’, où I'on retrouve dans toute sa splendeur l'auteur de tant de descriptions magistrales ; ‘’La caravane’’, où il se montre visionnaire de toute la force de son génie ; et la fameuse ‘’Expiation’’, avec les scènes apocalyptiques de la défaite de Napoléon le Grand : «Waterloo ! Waterloo ! Waterloo ! morne plaine !» --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- “Nox” --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 2 Livre premier : “La société est sauvée” --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- I “France, à l’heure où tu te prosternes” --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- IV “Aux morts du 4 décembre” --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- VIII “À un martyr” --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Livre II : “L’ordre est rétabli” --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- III “Souvenir de la nuit du 4” L'enfant avait reçu deux balles dans la tête. Le logis était propre, humble, paisible, honnête ; On voyait un rameau bénit sur un portrait. Une vieille grand'mère était là qui pleurait. 5 Nous le déshabillions en silence. Sa bouche, Pâle, s'ouvrait ; la mort noyait son œil farouche ; Ses bras pendants semblaient demander des appuis. Il avait dans sa poche une toupie en buis. On pouvait mettre un doigt dans les trous de ses plaies. 10 Avez-vous vu saigner la mûre dans les haies? Son crâne était ouvert comme un bois qui se fend. L'aïeule regarda déshabiller l'enfant, Disant : - Comme il est blanc ! approchez donc la lampe. Dieu ! ses pauvres cheveux sont collés sur sa tempe ! - 15 Et quand ce fut fini, le prit sur ses genoux. La nuit était lugubre ; on entendait des coups De fusil dans la rue où l'on en tuait d'autres. - Il faut ensevelir l'enfant, dirent les nôtres. Et l'on prit un drap blanc dans l'armoire en noyer. 20 L'aïeule cependant l'approchait du foyer, Comme pour réchauffer ses membres déjà roides. Hélas ! ce que la mort touche de ses mains froides Ne se réchauffe plus aux foyers d'ici-bas ! Elle pencha la tête et lui tira ses bas, 25 Et dans ses vieilles mains prit les pieds du cadavre. - Est-ce que ce n'est pas une chose qui navre ! Cria-t-elle ; monsieur, il n'avait pas huit ans ! Ses maîtres, il allait en classe, étaient contents. Monsieur, quand il fallait que je fisse une lettre, 30 C'est lui qui l'écrivait. Est-ce qu'on va se mettre À tuer les enfants maintenant? Ah ! mon Dieu ! On est donc des brigands? Je vous demande un peu, Il jouait ce matin, là, devant la fenêtre ! Dire qu'ils m'ont tué ce pauvre petit être ! 35 Il passait dans la rue, ils ont tiré dessus. Monsieur, il était bon et doux comme un Jésus. 3 Moi je suis vieille, il est tout simple que je parte ; Cela n'aurait rien fait à monsieur Bonaparte De me tuer au lieu de tuer mon enfant ! - 40 Elle s'interrompit, les sanglots l'étouffant, Puis elle dit, et tous pleuraient près de l’aïeule : - Que vais-je devenir à présent toute seule? Expliquez-moi cela, vous autres, aujourd’hui. Hélas ! je n’avais plus de sa mère que lui. 45 Pourquoi l’a-t-on tué? je veux qu’on me l’explique. L’enfant n’a pas crié vive la République. - Nous nous taisions, debout et graves, chapeau bas, Tremblant devant ce deuil qu’on ne console pas. Vous ne compreniez point, mère, la politique. 50 Monsieur Napoléon, c’est son nom authentique, Est pauvre, et même prince ; il aime les palais ; Il lui convient d’avoir des chevaux, des valets, De l’argent pour son jeu, sa table, son alcôve, Ses chasses ; par la même occasion, il sauve 55 La famille, l’Église et la société ; Il veut avoir Saint-Cloud, plein de roses l’été, Où viendront l’adorer les préfets et les maires ; C’est pour cela qu’il faut que les vieilles grand-mères, De leurs pauvres doigts gris que fait trembler le temps, 60 Cousent dans le linceul des enfants de sept ans. 2 décembre 1852 - Jersey Analyse La mention «2 décemble 1852 - Jersey» indique que Victor Hugo écrivit ce poème d'une simplicité poignante le jour même de la proclamation de l'Empire, un an après la prise du pouvoir par Napoléon III. Or, lors des événements consécutifs au coup d’État du 2 décembre 1851, dans la soirée du 4, un enfant, appelé Boursier, avait été, ainsi que sa mère, tué par jeu par les soldats, rue Tiquetonne, alors qu'il traversait la rue Montmartre vers l'église Saint-Eustache pour aller chercher des provisions. Victor Hugo avait déjà brièvement évoqué, dans “Napoléon le Petit”, ce fait divers dont il avait été témoin (d’où le «nous» qui est donc bien autobiographique), et qui l'avait bouleversé. Il avait participé à uploads/Litterature/ 395-hugo-les-chatiments.pdf

  • 26
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager