© Librairie Arthème Fayard et Collège de France, 2013. ISBN : 978-2-213-67949-5

© Librairie Arthème Fayard et Collège de France, 2013. ISBN : 978-2-213-67949-5 Les Leçons inaugurales dans la collection Collège de France / Fayard Depuis 2003, les Leçons inaugurales du Collège de France sont publiées dans la collection Collège de France / Fayard. Quelques leçons antérieures y ont été également republiées. 164. Serge HAROCHE Physique quantique (2001) 165. Jacques LIVAGE Chimie de la matière condensée (2002) 166. John SCHEID Religions, institutions et société de la Rome antique (2002) 167. Roland RECHT L’objet de l’histoire de l’art (2002) 169. Christine PETIT Génétique et physiologie cellulaire (2002) 170. Édouard BARD Évolution du climat et de l’océan (2003) 171. Stuart EDELSTEIN Les mécanismes de la transduction du signal en biologie (2003) 172. Mireille DELMAS-MARTY Études juridiques comparatives et internationales du droit (2003) 173. Pierre-Louis LIONS Équations aux dérivées partielles et applications (2003) 174. Jayant Vishnu NARLIKAR Faits et spéculations en cosmologie (2003) 175. Michael EDWARDS Étude de la création littéraire en langue anglaise (2003) 176. Theodor BERCHEM Tradition et progrès. La mission de l’Université (2004) 177. Henry LAURENS Histoire du monde arabe contemporain (2004) 178. Denis KNOEPFLER Apports récents des inscriptions grecques à l’histoire de l’Antiquité (2004) 179. Jean-Louis MANDEL Gènes et maladies : les domaines de la génétique humaine (2004) 180. Celâl ŞENGÖR Une autre histoire de la tectonique (2004) 181. Sandro STRINGARI L’aventure des gaz ultra-froids : condensation de Bose-Einstein et superfluidité (2005) 182. Gabriele VENEZIANO Gravitation, relativité, mécanique quantique : la grande synthèse est-elle proche ? (2005) 183. Christian de PORTZAMPARC Architecture : figures du monde, figures du temps (2006) 184. Maurice BLOCH L’anthropologie cognitive à l’épreuve du terrain. L’exemple de la théorie de l’esprit (2006) 185. Thomas PAVEL Comment écouter la littérature ? (2006) 186. Stanislas DEHAENE Vers une science de la vie mentale (2006) 187. Jon ELSTER Raison et raisons (2006) 188. Antoine COMPAGNON La littérature, pour quoi faire ? (2006) 189. Daniele VIT ALI Les Celtes d’Italie (2006) 190. Jean-Paul CLOZEL La biotechnologie : de la science au médicament (2007) 191. Pascal DUSAPIN Composer. Musique, paradoxe, flux (2007) 192. Guy ORBAN La vision, mission du cerveau. Les trois révolutions des neurosciences cognitives (2007) 193. Michel DEVORET De l’atome aux machines quantiques (2007) 194. Alain PROCHIANTZ Géométries du vivant (2007) 195. Roger CHARTIER Écouter les morts avec les yeux (2007) 197. Gérard BERRY Pourquoi et comment le monde devient numérique (2008) 198. Pierre MAGISTRETTI La neuroénergétique : de la synapse à l’image (2008) 199. Michel BRUNET Origine et histoire des hominidés. Nouveaux paradigmes (2008) 200. Philippe SANSONETTI Des microbes et des hommes. Guerre et paix aux surfaces muqueuses (2008) 201. Anne CHENG Histoire intellectuelle de la Chine (2008) 202. Esther DUFLO Expérience, science et lutte contre la pauvreté (2009) 203. Pierre-Laurent AIMAR Rôle et responsabilités de l’interprète aujourd’hui (2009) 204. Mathias FINK Renversement du temps, ondes et innovation (2009) 205. Henri LERIDON De la croissance zéro au développement durable (2009) 206. Thomas RÖMER Les Cornes de Moïse. Faire entrer la Bible dans l’histoire (2009) 207. Marc FONTECAVE Chimie des processus biologiques : une introduction (2009) 208. Gérard BERRY Penser, modéliser et maîtriser le calcul informatique (2009) 209. Antoine GEORGES De l’atome au matériau. Les phénomènes quantiques collectifs (2009) 210. Peter PIOT L’épidémie du sida. Mondialisation des risques, transformations de la santé publique et développement (2010) 211. Patrick COUVREUR Les nanotechnologies peuvent-elles contribuer à traiter des maladies sévères ? (2010) 212. Nicholas STERN Gérer les changements climatiques. Climat, croissance, développement et équité (2010) 213. Jacques NICHET Le théâtre n’existe pas (2010) 214. Ismail SERAGELDIN Mobiliser le savoir pour éradiquer la faim (2010) 215. Anselm KIEFER L’art survivra à ses ruines (2010) 216. Jean-Marie TARASCON L’énergie : stockage électrochimique et développement durable (2010) 217. Elias ZERHOUNI Les grandes tendances de l’innovation biomédicale au XXI siècle (2011) e 218. Clément SANCHEZ Chimie des matériaux hybrides (2011) 219. Martin ABADI La sécurité informatique (2011) 220. Claudine TIERCELIN La connaissance métaphysique (2011) 221. Barbara ROMANOWICZ Physique de l’intérieur de la Terre (2011) 222. Gilles CLÉMENT Jardins, paysage et génie naturel (2011) 223. Paul COLONNA Le carbone renouvelable dans les systèmes alimentaires, énergétiques et chimiques (2011) 224. Jean-Paul LAUMOND La robotique : une récidive d’Héphaïstos (2012) 225. Jean-Noël ROBERT La hiéroglossie japonaise (2012) 226. Serge ABITEBOUL Sciences des données : de la logique du premier ordre à la Toile (2012) 227. Manuela CARNEIRO DA CUNHA Savoirs autochtones : quelle nature, quels apports ? (2012) 228. Jean-Pierre BRUN Techniques et économies de la Méditerranée antique (2012) 229. Bernard CHAZELLE L’algorithmique et les sciences (2012) 230. Karol BEFFA Comment parler de musique ? (2012) Les Leçons inaugurales du Collège de France Depuis sa fondation en 1530, le Collège de France a pour principale mission d’enseigner, non des savoirs constitués, mais « le savoir en train de se faire » : la recherche scientifique et intellectuelle elle-même. Les cours y sont ouverts à tous, gratuitement, sans inscription ni délivrance de diplôme. Conformément à sa devise (Docet omnia, « Il enseigne toutes choses »), le Collège de France est organisé en cinquante-deux chaires couvrant un vaste ensemble de disciplines. Les professeurs sont choisis librement par leurs pairs, en fonction de l’évolution des sciences et des connaissances. À l’arrivée de chaque nouveau professeur, une chaire nouvelle est créée qui peut ou bien reprendre, au moins en partie, l’héritage d’une chaire antérieure, ou bien instaurer un enseignement neuf. Chaque année sont pourvues, en outre, cinq chaires thématiques annuelles : Création artistique, Développement durable, Informatique et sciences numériques, Innovation technologique, Savoirs contre pauvreté. Le premier cours d’un nouveau professeur est sa leçon inaugurale. Solennellement prononcée en présence de ses collègues et d’un large public, elle est pour lui l’occasion de situer ses travaux et son enseignement par rapport à ceux de ses prédécesseurs et aux développements les plus récents de la recherche. Non seulement les leçons inaugurales dressent un tableau de l’état de nos connaissances et contribuent ainsi à l’histoire de chaque discipline, mais elles nous introduisent, en outre, dans l’atelier du savant et du chercheur. Beaucoup d’entre elles ont constitué, dans leur domaine et en leur temps, des événements marquants, voire retentissants. Elles s’adressent à un large public éclairé, soucieux de mieux comprendre les évolutions de la science et de la vie intellectuelle contemporaines. Leçon inaugurale prononcée le jeudi 29 novembre 2012 par Alain Supiot, professeur LEÇON INAUGURALE n 231 o Monsieur le Premier Ministre, Monsieur l’Administrateur, Chers Collègues, Mesdames et Messieurs, De 1612 à 1919, le droit n’a cessé d’être enseigné au Collège de France. Après une interruption de soixante-dix ans, cet enseignement a repris avec la chaire de Droit international, occupée par René-Jean Dupuy, puis celle que Mireille Delmas-Marty a consacrée aux Études juridiques comparatives et à l’internationalisation du droit. C’est la poursuite de cette longue tradition que l’Assemblée des professeurs a décidé de me confier. Je ne saurais trop vous dire, mes chers collègues, ma gratitude pour la confiance que vous m’avez témoignée, en même temps que ma sourde inquiétude face à cette lourde responsabilité. « C’est au sommet de la montagne que commence l’ascension » me répète à l’oreille Khalil Gibran. Cet avertissement du poète, je le prends d’autant plus au sérieux que la chaire que nous inaugurons ce soir ne porte sur aucune des trois grandes matières juridiques qui ont été enseignées au Collège de France depuis sa création. Bien qu’il ait des liens avec ces différentes disciplines, son objet propre n’est ni le droit canon, ni le droit international, ni le droit comparé, mais ce que d’un vocable très élastique on appelle « le droit social ». Épaisse forêt de règles disparates qui a poussé avec la révolution industrielle et dont certains annoncent aujourd’hui l’inexorable étiolement. Se trompent-ils ? Certainement non s’ils veulent dire que l’État social n’est qu’un moment dans la longue histoire des solidarités humaines, et que les formes, au demeurant diverses qu’il a pu prendre, ne sont ni assurées ni définitives. Mais ils se trompent certainement s’ils pensent que la justice sociale est une question dépassée. Le doyen Carbonnier, qui a guidé mes premiers pas de chercheur, a pu ainsi écrire que « le seul droit absolument indispensable, c’est le droit du travail, soit le droit social au sens général du terme ». Ainsi que François Ewald l’a montré de façon convaincante, l’État social est né, à la charnière des XIX-XX siècle, avec l’adoption dans tous les pays occidentaux d’un nouveau régime de responsabilité des accidents du travail. L ’un des témoins les plus méconnus et les plus perspicaces de ce tournant juridique a été Franz Kafka, qui consacra toute sa vie professionnelle à la mise en œuvre de la loi sur les accidents du travail que l’Autriche-Hongrie avait ainsi adoptée dès 1887. Ses études de droit lui avaient laissé un souvenir contrasté : « Je me suis nourri spirituellement, écrit-il à son père, d’une sciure de bois que, pour comble, des milliers de bouches avaient déjà mâchée pour moi. Mais en un sens, c’était justement cela qui était à mon goût. » Deux ans après avoir soutenu sa thèse, Kafka entra uploads/Litterature/ alain-supiot-grandeur-et-misere-de-l-etat-social 2 .pdf

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