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Tous droits réservés © Université Laval, 2009 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Document généré le 14 oct. 2020 20:37 Études littéraires Baudelaire, artiste moderne de la « poésie-journal » Alain Vaillant Penser la littérature par la presse Volume 40, numéro 3, 2009 URI : https://id.erudit.org/iderudit/039243ar DOI : https://doi.org/10.7202/039243ar Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Département des littératures de l'Université Laval ISSN 0014-214X (imprimé) 1708-9069 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Vaillant, A. (2009). Baudelaire, artiste moderne de la « poésie-journal ». Études littéraires, 40 (3), 43–60. https://doi.org/10.7202/039243ar Résumé de l'article Depuis les premières années de la Monarchie de Juillet jusqu’aux avant-gardes fin-de-siècle, la poésie a dû trouver un asile précaire dans les journaux parisiens et dans la petite presse littéraire. Or, le support médiatique n’offre pas seulement aux poètes un mode de diffusion conforme aux attentes culturelles de l’époque, mais il marque de son empreinte particulière et reconnaissable l’esthétique de la littérature post-romantique, l’infléchissant dans une direction qui aurait été inimaginable sans lui, la « modernité ». Telle est l’hypothèse que cet article se propose d’étayer, grâce à l’étude exhaustive de toutes les prépublications en périodiques des futurs poèmes des Fleurs du mal de Baudelaire. Cette étude permettra de tirer un double enseignement. Sur le plan diachronique, elle changera sensiblement la physionomie et le sens de l’oeuvre baudelairienne, l’inscrivant dans une dynamique historique et collective qui fait évidemment défaut aux recueils de 1857 et de 1861. iiiiiiiiiii Baudelaire, artiste moderne de la « poésie-journal » Alain Vaillant Histoire et poétique de la « poésie-journal » Afin de qualifier les évolutions de la littérature désormais étroitement dépendante de la librairie et de sa logique commerciale, Victor Hugo forge, dans Les misérables, le néologisme « littérature-librairie1 ». Sur le même modèle et pour la même époque, je propose d’appeler « poésie-journal » la production poétique qui trouve un lieu de publication dans la presse périodique sous toutes ses variantes (revues, journaux politiques, petits journaux artistiques et littéraires) : non pas, comme le fait Hugo, pour stigmatiser les nouvelles contraintes éditoriales et économiques qui pèsent sur l’activité littéraire, mais au contraire pour souligner la nouveauté et l’originalité littéraires d’une production poétique qui prend ainsi le risque de se mêler à la prose du quotidien. D’abord, la chose est en effet nouvelle. Jusque-là, la poésie connaissait deux types de diffusion par l’imprimé2 : soit l’impression et la mise en vente de recueils individuels (presque toujours, hier comme aujourd’hui, du fait de l’auto-édition de minces recueils au tirage confidentiel), soit la publication dans des revues littéraires qui, nombreuses sous la Restauration, rassemblaient des articles de critique au style académique ou professoral et des poèmes perpétuant les genres traditionnels3, plus ou moins mâtinés de sensibilité romantique. Dans les deux cas, le poète et son œuvre apparaissent soit isolés, soit intégrés à un ensemble textuel très homogène. Or, on sait que les premières années de la Monarchie de Juillet sont marquées par 1 Voir Victor Hugo, Les misérables, III, 5, 2 (« Marius pauvre »), 1985, p. 539. Sur le rapport entre Hugo et cette « littérature-librairie », voir Alain Vaillant, « Victor Hugo, acteur et témoin de la littérature-librairie (1830-1848) », Revue d’histoire littéraire de la France, vol. 86, no 6 (1986), p. 1052-1064. 2 Il ne faut pas oublier, en effet, que les poèmes font presque toujours l’objet de lectures privées, à l’intérieur de cercles plus ou moins étroits, ou de circulation manuscrite, notamment par le biais de la correspondance épistolaire. Il reste encore à écrire une histoire moderne de la communication littéraire privée. 3 Sur cette presse littéraire de la Restauration, voir Charles-Marc Des Granges, La presse littéraire sous la Restauration (1815-1830), Paris, Mercure de France, 1907. On se fera par ailleurs une assez bonne idée du ton de cette presse en parcourant quelques-uns des périodiques engagés dans la querelle romantique : Le Conservateur littéraire ou La Muse française de Hugo, les Lettres champenoises, La Minerve littéraire, les Annales de la littérature et des arts, Le Mercure du XIXe siècle. 44 • Études littéraires – Volume 40 No 3 – Automne 2009 une crise profonde de l’édition poétique. Non seulement les livres ne se vendent plus — ce qui, somme toute, ne serait pas si grave économiquement, s’il reste des auteurs pour payer —, mais surtout, cette production versifiée apparaît en déphasage avec les nouveaux désirs de lecture, qui portent sur le divertissement, l’information ou la polémique et que la presse, jouissant d’un régime relativement libéral (même après les restrictions apportées par les lois de 1835), peut satisfaire beaucoup plus commodément que le livre. Cette crise culturelle et économique de l’édition poétique est une donnée fondamentale de l’histoire littéraire du XIXe siècle. Elle a été abondamment commentée, illustrée et fictionnalisée par les premiers intéressés, qui ont popularisé le destin malheureux d’un Chatterton pour Vigny (Stello, Chatterton) ou d’un Lucien de Rubempré pour Balzac (Illusions perdues). Mais, au-delà des stéréotypes, vrais ou faux, sur la souffrance des poètes inconnus, miséreux ou méprisés, l’essentiel est la brutale disqualification culturelle de la poésie, dont témoigne notamment, au cours des années 1840, la prudente retraite des grands noms du romantisme (Hugo, Lamartine, Vigny). Cela ne signifie pas qu’on cesse de faire des vers : la versification, enracinée par les usages scolaires, reste une pratique très partagée, davantage même depuis la vague romantique, qui a fait du vers le moyen d’expression légitime des états d’âme (et des frustrations) intimes. On versifie donc, mais cette métromanie persistante, comme le montre très bien Balzac dans Illusions perdues, à la fois se provincialise et se féminise : deux signes inquiétants de sa marginalisation littéraire, dans le contexte de l’époque. Dès la fin des années 1820 — mais plus encore à partir de la décennie suivante, où, d’une part, va s’imposer le nouveau modèle journalistique inventé par Émile de Girardin et où, d’autre part, les débats politiques laisseront une place grandissante aux questions culturelles —, il est donc clair que le sort de la littérature se joue dans la presse : plus exactement dans la presse parisienne, une presse ironique, malicieuse, joyeusement bavarde, bien plus tournée vers la réalité sociale que ne l’était le journalisme sentencieux et oratoire de la Restauration4. Pour que la poésie reste visible et reçue par cette nouvelle culture médiatique issue de la révolution libérale de 1830, il lui faut, à son tour, prendre pied dans le monde du journal et s’y faire accepter. C’est dans ce contexte qu’il convient de comprendre et d’interpréter le phénomène des « petits romantiques » : si ces « petits romantiques » sont restés « petits », c’est précisément parce qu’ils ont développé leur œuvre à l’ombre, protectrice mais compromettante, de la presse parisienne, qu’ils lui ont emprunté la pratique systématique de l’ironie et de l’autodérision et que, enfin, cette œuvre, n’ayant de sens et d’intérêt que comme production collective, perturbe les orientations fondamentalement monographiques et singularisantes de l’histoire littéraire traditionnelle. Il n’empêche. Ce n’est évidemment pas un hasard si les poètes qui, ayant débuté sous la Monarchie de Juillet, sont parvenus à se faire une place dans le 4 Ce journalisme avait cependant sa vraie grandeur. Voir Corinne Pelta, Le romantisme libéral en France, 1815-1830. La représentation souveraine, Paris, L’Harmattan, 2001. Baudelaire, artiste moderne de la « poésie-journal »… d’Alain Vaillant • 45 panthéon littéraire, ont tous été, sans exception, des poètes-journalistes : c’est le cas, en particulier, de Nerval, de Gautier, de Leconte de Lisle, de Banville, de Baudelaire. Ce lien historiquement indiscutable entre la poésie et le journal ne doit pas intéresser que les sociologues ou les spécialistes de l’édition et des médias. En effet, la presse ne constitue pas seulement un support nouveau, qui offre aux poètes un mode de diffusion plus conforme aux habitudes culturelles modernes, mais elle exerce une influence décisive dans leurs orientations formelles et thématiques, et c’est à ce titre que, dans la perspective d’une poétique historique des formes et des genres, elle concerne l’historien de la littérature. Telle est du moins l’hypothèse que cet article visera à préciser et à étayer : que le média journalistique a marqué de son empreinte particulière et reconnaissable l’esthétique de la littérature post-romantique, l’infléchissant dans une direction qui aurait été inimaginable si, pendant une vingtaine d’années, la poésie, déplacée de son lieu habituel et institutionnel qu’est le recueil, n’avait été obligée d’accepter l’asile précaire et hétéroclite du journal5. L’idée est d’ailleurs déjà bien établie et prouvée en ce qui concerne le poème en prose. On sait que l’esthétique de ces textes brefs, faits de courts paragraphes descriptifs ou narratifs, mais toujours visant à condenser une impression où l’imagination uploads/Litterature/ article-baudelaire-poesie-journal.pdf
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- Publié le Nov 07, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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