1 Gael Cérez – école de Journalisme de Toulouse – 2010/2013 Le fait-diversier e

1 Gael Cérez – école de Journalisme de Toulouse – 2010/2013 Le fait-diversier et ses interlocuteurs « Depuis que le début de l'humanité a commencé par une escroquerie à la pomme, s'est poursuivie par le meurtre d'un frère par son père, a failli s'interrompre sur une catastrophe météorologique, le fait divers est le reflet de la vie et l'image d'une société. » Pierre Viansson-Ponté Janvier 2013 – Septembre 2013. 2 3 Sommaire Présentation ....................................................................................................................... 5 1. Le fait-Divers ................................................................................................................. 6 1.1. Définitions et structure du fait-divers ............................................................................ 6 1.1.1. De multiples définitions ............................................................................................ 6 1.1.2. Citations littéraires : .................................................................................................. 7 1.1.3. Le fait divers vu par Roland Barthes ......................................................................... 8 1.1.4. Le traitement des faits divers ................................................................................... 9 1.1.5. Le rôle essentiel de l’image ....................................................................................... 9 1.1.6. Du fait divers au fait de société .............................................................................. 11 1.2. Le fait divers à Ouest-France ........................................................................................ 12 1.2.2. Les grands principes ................................................................................................ 12 1.2.2. Publier l'identité ? ................................................................................................... 13 2. Le fait-diversier .......................................................................................................... 14 2.1. La journée d'un fait-diversier à Ouest-France. ............................................................ 14 2.2. Des relations privilégiées .............................................................................................. 14 2.2.1. Une relation personnelle ........................................................................................ 14 2.2.2. Interlocuteurs différents, rapports différents ........................................................ 16 2.3. Une communication plus contrôlée ............................................................................. 17 2.3.1 Des rapports qui évoluent ....................................................................................... 17 2.3.2 Un accès à l'information plus compliqué ................................................................. 18 2.3.3 Des relations qui se tendent .................................................................................... 19 2.3.4. Le Parquet, le nouvel interlocuteur incontournable .............................................. 20 4 3. Les interlocuteurs du fait-diversier ................................................................ 22 3.1. Le journaliste, un mal nécessaire ................................................................................. 22 3.1.1. L'intrus ..................................................................................................................... 22 3.1.2. Que dire au journaliste ? ......................................................................................... 23 3.1.3. Une relation de confiance à cultiver ....................................................................... 25 3.2. Conseils de comportement sur le terrain .................................................................... 25 3.2.1. Pour les pompiers ................................................................................................... 26 3.2.2. Pour les gendarmes ................................................................................................ 27 Conclusion .......................................................................................................................... 28 Annexes ............................................................................................................................... 29 Les entretiens avec les journalistes ...................................................................................... 29 Les entretiens des interlocuteurs ......................................................................................... 38 Présentation de Ouest France et charte des faits divers ..................................................... 47 5 Présentation - « Vous vous occupez des chiens écrasés ? » Sourire goguenard. - « Les chiens non. Les humains oui. Et dis-moi ce que tu veux, je suis sûr que c’est la première chose que tu lis dans le journal après la rubrique Obsèques. » Dialogue imaginé mais si plausible. Le fait-divers, décrié, déprécié… mais tellement lu. « Une grand-mère qui tombe dans la rue, on en fait une brève », me demandait un chef de local. « C’est notre priorité. » À Ouest-France, comme ailleurs, le fait-divers est un incontournable. Mais attention, le plus grand quotidien de France dispose bien sûr d’une charte qui encadre spécifiquement ce domaine journalistique. Car l’exercice est périlleux. Les chausse-trappes nombreuses. Les non-dits monnaie courante. Un vrai jeu de poker menteur en fait. C’est dire qu’il faut s’y connaître pour traiter cette matière avec professionnalisme. Grades, procédures, mode d’interventions, vocabulaires, horaires décalés, tout concourt dans le fait-divers à spécialiser le journaliste qui s’y dédie. Vieux routard, jeune loup aux dents longues, débutant ne sachant pas dire non aux collègues blasés que le FD ennuie, le fait-diversier a un poste à part dans une rédaction. Lui seul rencontre avec autant de régularités des interlocuteurs extérieurs tels que les policiers, les gendarmes, les pompiers ou les parquetiers. Avec eux, il développe une relation particulière : privilégiée ou subie, cordiale ou tendue. Tout dépend des interlocuteurs, des situations et des humeurs. Dans le métier, nombreux sont les journalistes à penser que les relations avec leurs interlocuteurs traditionnels se sont fortement dégradées ces dernières années. Ont-ils tort ou raison ? Fantasment-ils un passé radieux ? Pour le savoir, je me suis entretenu avec les interlocuteurs du fait-diversier dans le pays lorientais. De la police à la gendarmerie en passant par les pompiers, les réponses qu’ils apportent sont instructives. Elles montrent la complexité d’une relation et les limites à ne pas franchir selon eux. Libre à nous, journalistes fait-diversiers, de suivre ses réflexions ou de s’en affranchir. 6 1. Le fait-Divers « Cataclysmes, meurtres, crimes, accidents, suicides, scandales, événements extraordinaires de la vie exercent sur nous une trouble attraction. Ils mettent en scène nos fantasmes, réveillent nos pulsions, suscitent terreur et pitié comme les contes de notre enfance. Ils nous renvoient à nos désirs de transgresser les normes et d’enfreindre les interdits. Ils pimentent notre quotidien et nous offrent aussi les ingrédients d’un roman policier ou d’un feuilleton. Ouvrons les pages d’un périodique, et c’est à cette kyrielle d’émotions fortes que nous convie la lecture des faits divers. » Daniel Salles. 1.1. Définitions et structure du fait-divers Avant de parler des relations entre le fait-diversier et ses interlocuteurs, parlons du fait-divers. Faute de temps, je n'ai absolument pas cherché à en consulter les nombreuses études et publications traitant du fait-divers. J'aurai pu lire Essais critiques, l'ouvrage de Roland Barthes, publié en 1964, dont la partie « Structure du fait divers » est constamment citée. Mais non. Ma seule référence est l'important (et excellent) travail réalisé par Daniel Salles pour l’exposition « La Presse à la Une, De la Gazette à Internet » présentée du 11 avril 2012 au 15 juillet 2012 à la Bibliothèque nationale de France. J'en reprends ici les grandes lignes. 1.1.1. De multiples définitions « Accident, délit ou événement de la vie sociale qui n'entre dans aucune des catégories de l'information. » Glossaire des termes de presse « Sous cette rubrique, les journaux groupent avec art et publient régulièrement les nouvelles de toutes sortes qui courent le monde : petits scandales, accidents de voiture, crimes épouvantables, suicides d'amour, couvreur tombant d'un cinquième étage, vol à main armée, pluie de sauterelles ou de crapauds, naufrages, incendies, inondations, aventures cocasses, enlèvement mystérieux, exécutions à mort, cas d'hydrophobie, d'anthropophagie, de somnambulisme et de léthargie, les sauvetages y entrant pour une large part et les phénomènes de la nature tels que veaux à deux têtes, crapauds âgés de quatre mille ans, jumeaux soudés par la peau du ventre, enfants à trois yeux, nains extraordinaires. » Grand Dictionnaire Larousse du XIXe siècle Daniel Salles Professeur documentaliste après avoir été 30 ans professeur de lettres classiques mais surtout formateur en éducation à l’image et aux médias et auteur d’articles et d’ouvrages pédagogiques sur ce thème. Webmestre du site 7 « Nouvelles peu importantes d'un journal. »Petit Robert, 1983. « Les événements du jour (ayant trait aux accidents, délits, crimes) sans lien entre eux, faisant l'objet d'une rubrique dans le journal. » Petit Robert, 1995. « L'ambivalence est au cœur du fait divers, cette catégorie qui n'en est pas une, où l'on range en vrac tout ce qui dérange et intrigue, fascine et effraye, parce que s'y dévoile brusquement l'envers trouble et mystérieux de l'humanité. » Edwy Plenel. 1.1.2. Citations littéraires : « Il est impossible de parcourir une gazette quelconque, de n'importe quel jour, ou quel mois, ou quelle année, sans y trouver, à chaque ligne, les signes de la perversité humaine la plus épouvantable, en même temps que les vanteries les plus surprenantes de probité, de bonté, de charité, et les affirmations les plus effrontées, relatives au progrès et à la civilisation. Tout journal, de la première ligne à la dernière, n'est qu'un tissu d'horreurs. Guerres, crimes, vols, impudicités, tortures, crimes des princes, crimes des nations, crimes des particuliers, une ivresse d'atrocité universelle. Et c'est de ce dégoûtant apéritif que l'homme civilisé accompagne son repas de chaque matin. Tout, en ce monde, sue le crime : le journal, la muraille et le visage de l'homme. Je ne comprends pas qu'une main puisse toucher un journal sans une convulsion de dégoût. » Charles Baudelaire, Mon cœur est mis à nu. « En m'éveillant je me disposais à répondre à Henri van Blarenberghe. Mais avant de le faire, je voulus jeter un regard sur Le Figaro, procéder à cet acte abominable et voluptueux qui s'appelle lire le journal et grâce auquel tous les malheurs et les cataclysmes de l'univers pendant les dernières vingt-quatre heures, les batailles qui ont coûté la vie à cinquante mille hommes, les crimes, les grèves, les banqueroutes, les incendies, les empoisonnements, les suicides, les divorces, les cruelles émotions de l'homme d'État et de l'acteur, transmués pour notre usage personnel à nous qui n'y sommes pas intéressés, en un régal matinal, s'associent excellemment, d'une façon particulièrement excitante et tonique, à l'ingestion recommandée de quelques gorgées de café au lait. Aussitôt rompue d'un geste indolent, la fragile bande du Figaro qui seule nous séparait encore de toute la misère du globe et dès les premières nouvelle sensationnelles où la douleur de tant d'êtres « entre comme élément », ces nouvelles sensationnelles que nous aurons tant de plaisir à communiquer tout à l'heure à ceux qui n'ont pas encore lu le journal, on se sent soudain allègrement rattaché à l'existence qui, au premier instant du réveil, nous paraissait bien inutile à ressaisir. » Sentiments filiaux d’un parricide. Article de Marcel Proust. Le Figaro. 1er février 1907 8 1.1.3. Le fait divers vu par Roland Barthes Le mot « fait divers » apparait en 1838. Il désigne l’événement, l’information qui le relate et la uploads/Litterature/ le-fait-diversier-et-ses-interlocuteurs-a-ouest-france.pdf

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