Bulletin d’études orientales Tome LVIII (Septembre 2009) Années 2008-2009 .....

Bulletin d’études orientales Tome LVIII (Septembre 2009) Années 2008-2009 ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Mohamed Bakhouch Le calife ‘Umar b. ‘Abd al-‘Azīz et les poètes ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Avertissement Le contenu de ce site relève de la législation française sur la propriété intellectuelle et est la propriété exclusive de l'éditeur. 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Référence électronique Mohamed Bakhouch, « Le calife ‘Umar b. ‘Abd al-‘Azīz et les poètes », Bulletin d’études orientales [En ligne], T ome LVIII | Septembre 2009, mis en ligne le 01 septembre 2010, consulté le 12 octobre 2012. URL : http:// beo.revues.org/69 ; DOI : 10.4000/beo.69 Éditeur : Institut français du Proche-Orient http://beo.revues.org http://www.revues.org Document accessible en ligne sur : http://beo.revues.org/69 Ce document est le fac-similé de l'édition papier. © Institut français du Proche-Orient LE CALIFE ‘UMAR B. ‘ABD AL-‘AZĪZ ET LES POÈTES Mohamed BAKHOUCH IFPO/Université de Provence Le présent article rentre dans le cadre d’une recherche dans laquelle nous entreprenons l’étude des rapports entre l’homme de pouvoir (le calife, le prince, le gouverneur, etc.) et le poète. Nous nous intéresserons dans des travaux à venir à quelques-unes des grandes figures du pouvoir politique, dans leurs relations avec la poésie et les poètes, au cours de la période qui court du début de l’islam à la fin de l’époque umayyade. Pour le médiéviste intéressé par la poésie, al-Ši‘r wa l-šu‘arā’ 1, l’ouvrage du célèbre poéticien abbasside Ibn Qutayba (m. 889), demeure une source inépuisable de renseignements non seulement sur la création poétique, mais également sur les conditions de vie des poètes, et ce de l’époque antéislamique au IXe siècle 2. La notice consacrée par ce savant à Kuṯayyir ‘Azza (m. 723) est une de celles qui recèlent d’importantes informations, notamment sur les relations entre les poètes et les princes. Dans cette notice, l’auteur relate les péripéties de trois poètes, Kuṯayyir ‘Azza, al- Aḥwaṣ (m. 723) et Nuṣayb (m. 726), qui décident de se rendre auprès du calife umayyade ‘Umar b. ‘Abd al-‘Azīz (m. 720) juste après son avènement, et ce dans le but de lui présenter des panégyriques à sa gloire avec l’espoir d’obtenir des récompenses en échange de leur poésie 3. Nous nous proposons dans cet article de mettre en lumière les rapports du calife ‘Umar b. ‘Abd al-‘Azīz avec les poètes et la nature du statut qu’ils induisent et ce principalement à partir de l’anecdote d’Ibn Qutayba, mais également de quelques autres de la même teneur et relatant des faits en étroite relation avec notre sujet. Signalons d’emblée que R. Blachère, qui se réfère à la version qu’en donne l’auteur d’al- Aġānī, trouve l’anecdote relative à nos trois poètes « très suspecte 4 ». 1. IBN QUTAYBA, al-Ši‘r wa l-šu‘arā’ , éd. Dār al-Ma‘ārif, Le Caire, 1966 (2 tomes). 2. Nous connaissons mieux aujourd’hui « la condition de poète » à l’époque abbasside, notamment grâce au tra- vail de J. E. Bencheikh. Cf. J. E. BENCHEIKH, Poétique arabe, précédée de Essai sur un discours critique, éd. Gallimard, 1989, plus particulièrement le chapitre II, « Le poète dans la cité », p. 19 à 43. Des études similaires sur les époques qui précèdent restent à faire. 3. IBN QUTAYBA, al-Ši‘r wa l-šu‘arā’, op. cit. La notice consacrée par l’auteur à Kuṯayyir figure au tome I, p. 503–517. Le lecteur trouvera les notices relatives à al-Aḥwaṣ et Nuṣayb respectivement aux pages 518–521 et 410-412. 4. R. BLACHÈRE, Histoire de la littérature arabe des origines au XV° siècle, éd. Librairie d’Amérique et d’Orient Adrien 162 MOHAMED BAKHOUCH En effet, dans le passage qu’il consacre à al-Aḥwaṣ dans son Histoire de la littérature arabe des origines au XVe siècle, Régis Blachère écrit : « [...], al-’Aḥwaṣ fut banni à Dahlak, une île de la Mer Rouge ; cinq années durant il subit cet exil en dépit d’interventions à Damas ; sous le règne bref de ‘Umar II, rien ne pouvait être modifié et la donnée reproduite par IBN QUTAYBA qui fait venir le poète auprès de ce souverain est très certainement une affabulation 5. » Il n’en demeure pas moins que ce récit, quand bien même forgé, est, comme nous allons le voir, révélateur d’une ambiance et d’une tendance générale qui, à l’époque qui nous concerne, va constituer un véritable retour en arrière pour le statut de la poésie et des poètes 6. Nous allons donc, dans ce travail, prendre cette anecdote pour ce qu’elle est, un récit qui est pour partie fictif, mais qui indique l’émergence d’un nouvel état d’esprit et d’une nouvelle attitude de l’homme au pouvoir vis-à-vis du poète. Pour mieux cerner la nature des rapports de ‘Umar II avec les poètes, nous étudierons, en plus de l’anecdote consacrée à notre trio, un autre ḫabar relatif à un quatrième poète moins célèbre, un faiseur de raǧaz (ceci expliquant peut-être cela), dont le nom est Dukayn (m. 727) 7 et dont la notice figure également dans al-Ši‘r wa l-šu‘arā’ 8, ainsi que l’anecdote relative à Maisonneuve, Paris, 1966, vol. III, p. 668, note 3. Toutefois, le savant français semble quand même valider l’anecdote, du moins en ce qui concerne Kuṯayyir. En effet, il écrit (p. 611) : « [...] sous le règne de Walîd 1er et de Sulaymân, son activité comme poète officiel ne nous est pas attestée ; toutefois sous ‘Umar b. ‘Abd al-‘Azīz, on assiste à une tentative d’ailleurs malheureuse pour reprendre sa place auprès du souverain [...] ». Pour illustrer son propos, R. Blachère cite les pièces 124 et 125 du dīwān (édition Pérès). Ses deux pièces figurent respectivement dans les pages 120–127 et 127-129. La seconde pièce est un riṯā’ (un thrène) de deux vers (et effectivement il n’est plus question pour le poète de reprendre sa place auprès du souverain). Le premier poème est celui-là même qui est cité par Ibn Qutayba dans la notice qu’il consacre au poète. La seule différence est que dans la version d’Ibn Qutayba le poème comporte 20 vers, alors que dans la version que nous trouvons dans le dīwān il en compte 30. De plus, pour introduire cette pièce, l’éditeur du recueil reprend le ḫabar que nous trouvons dans al-Ši‘r wa l-šu‘arā’ et cite nommément cet ouvrage comme source (cf. p. 118–120 et note 4, p. 118). Kuṯayyir ‘Azza, Dīwān, accompagné d’un commentaire arabe, éd. Jules Carbonel (Alger) et Paul Geuthner (Paris), 1930 (2 volumes). Enfin, sur les relations entre Kuṯayyir et les deux autres poètes cités, R. Blachère note (p. 615) : « [...] ce que nous savons sur ses rapports avec NUṢAYB ou AL-’AḤWAṢ est fantaisie dans le détail et l’ «accessoire», mais valable quant à l’évocation du milieu.» R. BLACHÈRE, Histoire de la littérature arabe, op. cit., p. 615. 5. Ibid., p. 627, vol. III. Cette assertion de Blachère est confirmée par un passage de Ansāb al-Ašrāf d’al-Balāḏurī, dans lequel cet auteur affirme que ‘Umar II n’autorisa pas al-Aḥwaṣ à revenir à Médine de son exil. Cf. AL-BALĀḎURĪ, Ansāb al-Ašrāf, éd. Dār al-Yaqaẓa l-‘arabiyya, Damas, 2000, vol. VII, p. 128-129. 6. D’ailleurs, Blachère va dépeindre cette ambiance il écrit à ce propos : « Dans le monde de Médine et de la Mekke la vieille hostilité des contemporains du Calife ‘Umar se maintient à l’égard de cette survivance du Paganisme que représente le Poète et son art ; [...]. » Ibid., p. 666. 7. La date de sa mort n’est pas certaine. Dans son Mu‘ǧam al-šu‘arā’ al-muḫaḍramīn wa l-Umawiyyīn, Dār Ṣādir, Bey- routh, 1989, p. 141, ‘Azīza Fawwāl BĀBTĪ donne l’an 723 comme date de sa mort. D’autre part , elle indique qu’outre ‘Umar b. ‘Abd al-‘Azīz, ce poète aurait également rendu visite à Muṣ‘ab b. al-Zubayr en Iraq et il aurait fait son éloge [selon l’éditeur de al-Ši‘r wa l-šu‘arā’ (cf. infra note 8) il s’agirait plutôt d’un autre Dukayn !]. L’auteur nous apprend également qu’il aurait fait une urǧūza (un poème composé sur le mètre raǧaz) consacrée à la description de son cheval. Dans al-Mawsū‘a al-ši‘riyya, cédérom édité par al-Muǧamma‘ al-ṯaqāfī, Abu Dhabi, 3e édition 1997–2003. À l’entrée « Dukayn b. Sa‘īd al-Dārimī », les dates du décès sont : 109 de l’hégire et 727 de l’ère chrétienne. Les auteurs préci- sent que ce poète était un familier de ‘Umar b. ‘Abd al-‘Azīz, lorsque celui-ci était gouverneur de Médine. 8. Op. cit., p. 610–612. Signalons ici que l’éditeur précise que l’auteur confond dans sa notice deux Dukayn, tous les deux des rāǧiz, Dukayn b. Raǧā’ al-Fuqaymī, qui est un poète muḫaḍram, il a connu la fin de la période uploads/Litterature/ bakhouch-mohamed-le-calife-umar-b-abd-al-aziz-et-les-poetes.pdf

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