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Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l'Université de Montréal, l'Université Laval et l'Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. Érudit offre des services d'édition numérique de documents scientifiques depuis 1998. Pour communiquer avec les responsables d'Érudit : erudit@umontreal.ca Compte rendu par André Berthiaume Études littéraires, vol. 1, n° 3, 1968, p. 429-430. Pour citer ce compte rendu, utiliser l'adresse suivante : URI: http://id.erudit.org/iderudit/500043ar DOI: 10.7202/500043ar Note : les règles d'écriture des références bibliographiques peuvent varier selon les différents domaines du savoir. Ce document est protégé par la loi sur le droit d'auteur. L'utilisation des services d'Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d'utilisation que vous pouvez consulter à l'URI http://www.erudit.org/apropos/utilisation.html Document téléchargé le 16 September 2013 12:11 Ouvrage recensé : Michel Butor, Essais sur les « Essais », Paris, Gallimard, collection les Essais, 1967, 218 p. COMPTES RENDUS 429 Michel BUTOR, Essais sur les « Essais », Paris, Gallimard, collection les Essais, 1967, 218 p. On sait que Michel Butor aborde avec un égal bonheur le roman et la critique. Il semble qu'il faille re- monter jusqu'à Gide pour trouver pareille réussite. Il est vrai que Butor ne fait pas une distinction très nette entre la critique et la création. Dans un excellent article qu'il a donné à la revue Critique, Butor affirme que «toute invention est une critique» et que, réciproquement, «toute critique est une invention 1 ». Toutefois, dans l'esprit de Butor, ce point de vue, qui correspond à l'« une des caractéristiques fonda- mentales de l'art contemporain », n'exclut pas le respect de l'œuvre: « Le plus grand critique, le plus inventeur, est le plus modeste. Lorsque nous le lisons, il nous donne immédiatement envie de revenir au texte même ». C'est dans cette perspective qu'il convient de lire les Essais sur les « Essais ». Le titre est légèrement ambigu, car Butor ne donne visi- blement pas au mot « essai » sa signification montanienne; on constate qu'il « résout » plus volon- tiers qu'il n'« essaye ». Le ton est assez souvent polémique, ce qui d'ailleurs ne gâte rien. Quoi qu'il en soit, l'idée était bonne de réunir en un seul volume des textes pénétrants qui avaient déjà servi de préfaces à une récente édition des Essais2. On peut évidemment regretter que Michel Butor ne nous apporte rien de vraiment inédit sur Montaigne, d'autant qu'il y a encore beaucoup à dire. L'auteur de la Modification exploite habilement — un peu trop, parfois — des idées relativement connues. Il a surtout 1 « La critique et l'invention », Critique, n" 247, décembre 1967, pp. 983-995. 2 L'édition de l'Union générale d'éditions en 4 vol., collection 10/18, Paris, 1964. l'immense mérite de nous donner un Montaigne rajeuni, dépoussiéré, libéré de son carcan scolaire. Rejetant tous les poncifs, il dit ce qu'il faut penser, par exemple, du conservatisme douillet de Mon- taigne : « Rechercher sa tranquillité » n'avait pas du tout la même résonance pour un gentilhomme gascon aux idées étranges en pleine peste et guerre de religions, et pour un bourgeois parisien de 1930 ou de 1964. L'incapacité de certains spécialistes, par ailleurs fort respec- tables, à imaginer effectivement les conditions d'une autre époque, provoque des erreurs d'interprétation d'autant plus regrettables qu'elles vont toujours dans le sens d'un rétrécissement de l'auteur étudié ». Dans sa tentative pour saisir le dessein fondamental de Montaigne, Michel Butor met pertinemment en lumière les différents motifs qui ont présidé aux retraites successives dans une « librairie » qui prit pro- gressivement l'allure d'une « place forte». Il respecte scrupuleusement la complexité mouvante des Essais, ce qu'il appelle les « alluvionnements successifs ». Il retrace minutieuse- ment leur évolution sans recourir aux lieux communs du stoïcisme, du scepticisme et de l'épicurisme. Il accorde toute son importance au chapitre « De la présomption », où Montaigne nous donne son « premier portrait en pied ». Butor souligne aussi le rôle primordial des citations. Comme Jacques Amyot sut recréer son Plutarque, Montaigne insuffla une nouvelle vie aux textes qu'il empruntait aux anciens. On peut même dire que dans les Essais les citations ont souvent un relief et une saveur qu'elles n'avaient pas dans le contexte original. Comme le dit si bien Butor, «tout rajeunit, mord, menace » sous la plume de Montaigne. Butor signale au passage la désinvolture de Montaigne à l'égard ÉTUDES LITTÉRAIRES/DÉCEMBRE 1968 430 de la Bible; il a relevé bon nombre de citations fausses assorties de références tout aussi fausses. Butor accorde à la rencontre et à la mort d'Etienne de La Boétie une importance que d'aucuns jugeront excessive. Il estime que le jeune auteur du Discours de la servitude volontaire fut pour Montaigne rien moins qu'« une planche de salut au milieu de la désolation, de la sottise qu'il trouve au parlement». On sait que les avis sont partagés là-dessus, certains tenant La Boétie pour un être presque insignifiant, d'autres, Simone Weil par exemple, voyant en lui « un être pur et sans lequel [Montaigne] serait sans doute demeuré dans la médiocrité ». Avec un peu plus de vraisemblance, Butor montre bien, textes et dates à l'appui, la solidité et la constance de la dévotion de Montaigne pour La Boétie. Butor a bien raison de voir dans les Essais « un monument à La Boétie, son tombeau ». Sensible à la « puissante symétrie » de la composition des Essais, Butor entend montrer comment les chapitres « se répondent de part et d'autre du centre ». Cette partie de son étude où il s'emploie laborieuse- ment à dégager « les subtilités de ce merveilleux encadrement maniériste » est sujette à caution. Que Montaigne ait été hanté par le thème de l'unité, cela est fort plausible, mais on peut douter qu'il ait savamment agencé ses chapitres selon la théorie de la «guirlande circulaire». Un Montaigne maniériste est aussi contestable qu'un Montaigne baroque. Dans ce petit livre stimulant, la langue est alerte et les formules heureuses abondent. Par exemple, le voyage en Italie est pour Mon- taigne une occasion de « prendre un peu de distance pour voir venir ». La formule est belle et appropriée. Cette idée féconde de la « distance » montanienne avait d'ailleurs été remarquablement exploitée par Jean Starobinski 3. Michel Butor reprend quelques idées déjà avancées par Albert Thibaudet. Celui-ci avait vu dans les Essais « un substitut de l'ami perdu »; il avait aussi remarqué « la loi des couples sur laquelle Mon- taigne bâtit tant de chapitres », de même qu'il avait signalé l'importance de la « boîte » contenant l'argent de Montaigne et que les Essais allaient en quelque sorte remplacer. Autant d'idées que nous retrouvons dans les Essais sur les « Essais ». Cette référence ne déconsidère pas Michel Butor, bien au contraire, car on doit sans doute à Thibaudet le meilleur livre qu'on ait écrit jusqu'à maintenant sur Montaigne. Il est tout de même réconfortant de voir des contemporains éminents se passionner pour Montaigne. L'humanisme n'est pas mort pour tous. André BERTHIAUME □ D □ Jacques MOREL, Rotrou dra maturge de l'ambiguïté, Paris, A. Colin, 1968,343 p. Pour qui chercherait à se dispenser de lire les trente cinq pièces qui composent l'œuvre de Rotrou, cet ouvrage ne serait pas d'une grande aide: l'auteur écarte d'emblée (p. 8, note 1) l'idée d'une biographie intellectuelle et le titre, loin de dissimuler une monographie sur l'homme et l'œuvre, est bien l'idée maîtresse de cette esthétique du théâtre de Rotrou que nous présente J. Morel. C'est à peine si on trouvera ça et là le résumé d'une intrigue (pp. 169-170, la Belle Alphède; pp. 171 -172, Dom Bernard de Cabrere) ou l'analyse suivie d'une pièce (pp. 126-131, Saint Genest; pp. 147-148, les Sosies). 3 « Distance et plénitude », Mercure de France, n° 1197, juillet 1963, pp. 400-409. uploads/Litterature/ butor-essais-sur-les-essais-resena.pdf
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- Publié le Jul 12, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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