Pratiques Linguistique, littérature, didactique 137-138 | 2008 La didactique du
Pratiques Linguistique, littérature, didactique 137-138 | 2008 La didactique du français Didactique de l’écriture : enseignement ou apprentissage ? Caroline Masseron Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/pratiques/1153 DOI : 10.4000/pratiques.1153 ISSN : 2425-2042 Éditeur Centre de recherche sur les médiations (CREM) Édition imprimée Date de publication : 15 juin 2008 Pagination : 79-96 Référence électronique Caroline Masseron, « Didactique de l’écriture : enseignement ou apprentissage ? », Pratiques [En ligne], 137-138 | 2008, mis en ligne le 15 juin 2008, consulté le 19 avril 2019. URL : http:// journals.openedition.org/pratiques/1153 ; DOI : 10.4000/pratiques.1153 © Tous droits réservés Enseigner la littérature sera peut-être un jour enseigner à fabriquer du texte dans ce qu’on pourrait appeler des ateliers d’écriture. On y écrira un texte mais en se demandant toujours quels procédés sont employés : l’enseignement sera une production conjointe de prati- que et de théorie. Nous en sommes loin. J. Ricardou, 1975, cité par Jean-François Halté 1989a : 3. Il faudrait donner aux élèves la possibilité de créer des objets com- plets, dans une temporalité longue. Il faudrait presque imaginer que chaque élève va faire un livre et qu’il se pose toutes les tâches néces- saires à sa réalisation. R. Barthes, entretien avec Pratiques, 1975, cité par Jean-François Halté, 1989a : 3. Le savoir écrire est un méta savoir-faire cognitif, il organise, sous l’orientation donnée par le projet d’un scripteur, des savoir-faire disponibles, particuliers et complexes. Il se caractérise par un haut degré d’inventivité. Jean-François Halté, 1989a : 8. La didactique de l’écriture a toujours été au cœur des problématiques abor- dées par Jean-François Halté, et ce pour le double intérêt, pratique et épistémo- logique, qu’elle présente. Qu’il s’agisse en effet de la pédagogie du projet et de l’écriture longue (Halté 1982b) ou, ultérieurement, des visées intégratives et pluridisciplinaires qui fondent une reconfiguration du champ de la didactique du français (Halté 1992 et 2002), c’est bien l’écriture et l’écrit qui sont la source 79 PRATIQUES N° 137/138, Juin 2008 Didactique de l’écriture : enseignement ou apprentissage ? Caroline Masseron Université Paul Verlaine-Metz, CELTED, EA 3474 d’inspiration principale des questions posées et des illustrations apportées. Même s’il convient de nuancer le propos, et d’ajouter que l’écriture s’est vue de bonne heure (Halté 1983) relayée par la problématique, élargie, de la communi- cation, il est manifeste que l’intérêt de J.-F. Halté pour l’écriture ne se sera ja- mais démenti. De fait, le relais opéré par les problèmes communicationnels ne constitue pas, loin s’en faut, un changement radical mais plutôt un complément d’approche, un élargissement nécessaire. Cette réorientation est commandée no- tamment par les notions d’interaction, de problème cognitif à résoudre et de tâche langagière qui subsument – sous les auspices de la communication – une descrip- tion plus strictement linguistique qui aurait pu accompagner par exemple la prise en compte des différences entre l’écrit et l’oral. Le point de vue langagier est inva- riablement privilégié, par rapport aux objets et aux traitements linguistiques. Aussi, davantage que de didactique de l’écriture, c’est d’écriture et d’élabo- ration du texte (Halté 1985 : 363 et sq.) qu’il s’agit. On peut à cet égard rappeler que J.-F. Halté s’est au moins autant intéressé à l’écriture des experts – y compris la sienne, à travers, par exemple, les différentes versions d’un article théorique que l’informatique lui permettait de conserver – qu’à celle des apprenants. De même, il considérait avec un égal intérêt l’écriture théorique et l’écriture de fic- tion, et le sujet scripteur, en tant que concepteur de son écrit – le sujet épistémi- que –, le préoccupait probablement davantage que l’apprenti grammairien au- quel s’adressent les programmes scolaires. Un tel point de vue, si l’on nous auto- rise ce raccourci, nous ferait volontiers identifier le didacticien de l’écriture qu’était J.-F. Halté, à un idéologue (au sens ancien du terme, celui qui s’interro- geait sur la conception des idées dans leurs multiples déterminations) plutôt qu’à un réformateur ou à un politique (celui qui planifie des réformes et des pro- gressions, qui les évalue et les ajuste, ou qui statue sur une terminologie). Et, pour tout dire, c’est peut-être André Petitjean, l’alter ego sur ces questions théo- riques, pratiques et politiques portant sur l’écriture dans l’enseignement du fran- çais, et la place qu’elle occupe dans les démarches d’enseignement et les dispo- sitifs de travail en projet, qui saura, un peu plus tard, endosser le rôle, nécessaire, du réformateur. Il serait difficile en effet de retracer l’émergence d’une pensée didactique ayant pour objet l’écrit scolaire et l’apprentissage continué de l’écri- ture, sans faire une incursion, aussi brève soit-elle, dans l’histoire de Pratiques, dont les débuts – au moins jusqu’en 1980, date du numéro 26, « Écrire en classe » – se confondent avec des éditoriaux, des articles et des directions de nu- méros, régulièrement co-signés par Jean-François Halté et André Petitjean (1). La didactique de l’écriture naît, dialectiquement, des remises en cause criti- ques qui sont émises à l’encontre de l’enseignement de la littérature et de la res- ponsabilité que doit endosser notre discipline dans les causes de l’échec scolaire par l’imposition – implicite – de normes (scripturales, langagières, scolaires et sociales) ; lesquelles critiques débouchent sur les influences réciproques de la lecture et de l’écriture et sur les dispositifs innovants du travail en projet et de l’atelier d’écriture. De fait, qu’il s’agisse d’une critique idéologique (le cas Di- derot comme analyseur des manuels de littérature, les Lagarde et Michard) ou d’un renouvellement de contenu plus scientifique fondé sur les apports de la sé- 80 (1) On trouvera le détail de cette collaboration dans l’article bio-bibliographique d’Anne Le- claire-Halté, ici même. miotique narrative (Propp, Greimas, Brémond (2)), l’analyse des textes littérai- res se conçoit dorénavant (1974, 1980, 1989 (3)) dans un double mouvement, de clôture (explicitation de critères internes à l’œuvre) et d’ouverture du corpus étudié (les discours oraux, la presse, les contes merveilleux, Le Chat noir, Ar- sène Lupin). Quant aux critiques adressées au système scolaire et qui ont favori- sé la naissance d’une pensée didactique sur l’écriture, elles peuvent se résumer à l’idée que la rédaction (ou la composition française) de l’époque n’est pas con- çue comme un objet d’enseignement et qu’elle est doublement sclérosée par une idéologie, conservatrice et aliénante, de l’écrit et de l’activité scolaire (Bour- gain 1990, Vourzay 1996). Envisageant intrinsèquement cette fois la question de l’écriture, on dira que la conjonction heureuse des avancées théoriques sur le texte et les processus rédac- tionnels (Charolles 1978 et 1986, Fayol 1984, Garcia-Debanc 1986, Brassart 1989) et d’une conjoncture politique favorable au changement dans le champ sco- laire (Legrand 1977, 1982) facilitera dès lors une conception innovante des situa- tions de travail ; et, tout particulièrement, nous visons ici les démarches qui impul- sent une conception dynamique et motivante de l’écriture, à l’instar de ce qu’ont initié les ateliers d’écriture (Bing 1976, Oriol-Boyer 1980, Petitjean 1980). Nous esquissons dans les pages qui suivent ce qui nous semble avoir marqué une conception propre à J.-F. Halté en matière de didactique de l’écriture, à sa- voir : – Une didactique du français intégrative, autrement dit une implication praxéo- logique de l’écriture à des projets de travail complexes qui visent un savoir (trans- formateur) sur le monde et une expression-communication de soi (un soi socialisé et interagissant) ; l’écriture synthétise – solidarise – les deux dimensions du faire et du comprendre (soi, le monde) : c’est ce qui en fait à la fois la difficulté et la su- périorité sur tous les autres compartiments du français et c’est ce qui rend, littéra- lement, inconcevable une division disciplinaire de la matière. – Une conception linguistique qui privilégie l’intention et le discours (Cha- raudeau 1992, Bronckart 1996), l’appareil formel de la langue et les plans d’é- nonciation (Benveniste 1970, Kerbrat-Orecchioni 1980) et les traces du méta- procédural (le contrôle, coordonné, des segments et des opérations de réécriture, Ricardou 1978, Gombert 1990 et Halté 1989a : 15). L’activité langagière et com- municationnelle dépasse, ou intègre, les faits de langue ; dès lors l’enseignement de la langue – et plus largement toute « grammaire » – est soupçonné de figement conceptuel et d’obsolescence, inapte à régler les problèmes d’écriture dont la dynamique et le renouvellement (l’heuristique) réclament de l’inventivité. Notre contribution, pour comprendre en quoi consiste une didactique de l’é- criture dans l’esprit de J.-F. Halté, s’organise autour des trois idées majeures que sont respectivement le projet d’écriture longue, le texte comme production sco- laire, et la réécriture liée à des choix énonciatifs. Pour finir, nous interrogerons la place de la langue et de la grammaire. 81 (2) On se gardera d’oublier l’importance des apports théoriques de Jean-Michel Adam concer- nant le récit (1985). (3) Pour ne citer ici que trois dates charnières et restituer des intervalles significatifs : l’ana- lyse du Chat noir (n°1/2, 1974), puis les deux numéros de Pratiques sur « Écrire en classe » (n°26, 1980) et sur les « ateliers d’écriture » (n°21, 1989). 1. Praxéologie et pluridisciplinarité : l’écriture comme principe dynamique, implicatif et intégrateur des dimensions cognitives et interactionnelles uploads/Litterature/ didac-de-l-x27-ecriture-masseron.pdf
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- Publié le Mar 08, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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