Commentaire composé Elsa au miroir Louis Aragon 1 C’était au beau milieu de not
Commentaire composé Elsa au miroir Louis Aragon 1 C’était au beau milieu de notre tragédie Et pendant un long jour assise à son miroir Elle peignait ses cheveux d’or Je croyais voir Ses patientes mains calmer un incendie 5 C’était au beau milieu de notre tragédie Et pendant un long jour assise à son miroir Elle peignait ses cheveux d’or et j’aurais dit C’était au beau milieu de notre tragédie Qu’elle jouait un air de harpe sans y croire 10 Pendant tout ce long jour assise à son miroir Elle peignait ses cheveux d’or et j’aurais dit Qu’elle martyrisait à plaisir sa mémoire Pendant tout ce long jour assise à son miroir À ranimer les fleurs sans fin de l’incendie 15 Sans dire ce qu’une autre à sa place aurait dit Elle martyrisait à plaisir sa mémoire C’était au beau milieu de notre tragédie Le monde ressemblait à ce miroir maudit Le peigne partageait les feux de cette moire 20Et ces feux éclairaient des coins de ma mémoire C’était un beau milieu de notre tragédie Comme dans la semaine est assis le jeudi Et pendant un long jour assise à sa mémoire Elle voyait au loin mourir dans son miroir 25 Un à un les acteurs de notre tragédie Et qui sont les meilleurs de ce monde maudit Et vous savez leurs noms sans que je les aie dits Et ce que signifient les flammes des longs soirs Et ses cheveux dorés quand elle vient s’asseoir 30 Et peigner sans rien dire un reflet d’incendie. Louis Aragon, La Diane française, « Elsa au miroir », 1945. 1 Une moire : tissu précieux Louis Aragon est un écrivain français qui avec André Breton sera l’un des chefs de file du mouvement surréaliste. Né en 1897, il participa activement en qualité de médecin militaire aux deux grandes guerres. Il en fut profondément marqué. Suite à la capitulation de l’armée française, en 1940, démobilisé, il mit sa plume au service de la résistance notamment en écrivant des poèmes engagés. Dans « Elsa au miroir » nous pouvons nous interroger sur la portée symbolique du miroir ? Aussi nous analyserons tout d’abord de que façon, la femme aimée est représentée dans son intimité. Puis, nous tenterons de comprendre en quoi la représentation de la guerre témoigne d’une vision patriotique et militante de l’auteur. Première partie qui n’est pas à faire Phrase de transition Aragon dans ce poème lyrique, en évoquant l’amour qu’il porte à sa femme, chante également son amour pour la France. En effet, ce poème composé de quatre quintiles et de cinq distiques traite aussi de la guerre, de ses souffrances et de son cortège d’atrocités. Dès le début, L’auteur semble nous emmener au théâtre antique dont le dénouement est souvent tragique. Cette référence se retrouve aussi dans le mot « acteurs ». Nous assistons à une représentation macabre, signifiée par le champ lexical de la guerre : « un incendie » qui se répète trois fois ; (vers 4) (vers 14) (vers 30) qui a été déclenché par « les flammes des longs soirs » qui est ici une métaphore des bombes. Le miroir pourrait être le symbole de la scène théâtrale, où évoluent les acteurs. Il s’agit d’un miroir « maudit » (vers 19) puisque les acteurs meurent. « Elle voyait au loin mourir dans son miroir « Un à un les acteurs de notre tragédie » (vers 25). Dans ces deux vers, Aragon dénonce l’assassinat des résistants. Etant avec son épouse, fortement engagé dans le mouvement de la résistance, il connaît très bien le sort réservé aux résistants arrêtés. Implicitement, Aragon rend hommage aux résistants morts pour défendre la France. « Et qui sont les meilleurs de ce monde maudit Et vous savez leurs noms sans que je les aie dits » Nous pouvons noter d’emblée qu’à aucun moment, le mot « guerre » n’apparaît. Le poème est donc codé, certainement pour échapper à la censure. Cependant, des indices, notamment de temps « comme dans la semaine est assis le jeudi » nous mettent sur la voie. La guerre débutant en 1939, nous en déduisons que nous sommes en 1942, puisque le jeudi est le quatrième jour de la semaine. Nous avons également un second indice temporel, « au milieu de notre tragédie », l’année 1942 étant bien le milieu de cette guerre. Par la répétition du premier vers, « C’était au beau milieu de notre tragédie », le poète nous signifie l’extrême gravité de la situation. Il nous indique de même que nous sommes tous concernés par ces horreurs, « notre tragédie » quand bien même c’est du passé : « c’était ». Il s’agit également d’un devoir de mémoire, afin que les générations futures, n’oublient jamais ce moment douloureux de notre Histoire. Aragon, dans la tradition de la poésie lyrique, exprime ses sentiments « Je croyais voir » (vers 3), « J’aurais dit » (vers 7 et vers 11). L’image de la harpe « Qu’elle jouait un air de harpe » (vers 9) renforce la musicalité de ce poème qui a été beaucoup travaillé. L’auteur a choisi de s’appuyer sur deux rimes, respectivement « i » : tragédie, incendie, dit, maudit, jeudi et « oir » : miroir, voir, moire, mémoire, soir, asseoir. En adoptant le son aigu « i » pour le registre de la guerre, le poète au-delà des mots, accentue ce sentiment de malaise et de souffrance. La rime en « oir » quant à elle, évoque un temps plus long et appelle une fois de plus, à un devoir de mémoire. « Et pendant un long jour » repris à cinq endroit, montre la souffrance morale du poète face à cette guerre qui semble ne pas vouloir s’arrêter. En effet, 1942 est une année d’incertitude, l’armée allemande a accumulé les victoires jusqu’à présent…. Le désespoir s’accroit au fil du temps qui parait interminable. De plus par cet oxymore, « Qu’elle martyrisait à plaisir sa mémoire » nous remarquons que par un geste doux, des souvenirs funestes ravivent la mémoire du poète. Ainsi, par une succession d’antithèse : « patientes, calmer/ incendie », « jouer un air de harpe/ sans y croire », « ranimer l’incendie », « les fleurs/ de l’incendie », le poète indique que même si son couple formé avec Elsa n’est pas au front, il se solidarise avec les personnes qui souffrent, il a de l’empathie et veut leur apporter de l’espoir. Il souhaite à travers un vocabulaire choisi, leur apporter de l’apaisement et leur dire que malgré la guerre qui fait rage, il y a encore de la beauté dans le monde. Dans ce poème qui est une ode d’amour à sa muse, Aragon qui est farouchement antifasciste et qui souffre atrocement de cette situation, veut transcender sa propre souffrance et se fait le messager d’une patrie envahie par l’ennemi. En effet, nous sommes dans la période d’occupation nazie et le poète a choisi de se battre à travers une résistance intellectuelle. Il a d’ailleurs opté pour la poésie car elle n’est pas censurée. Il écrira et publiera ces poèmes pour montrer la nécessité de lutter contre l’occupant. On dira de lui qu’il a été le poète national de la résistance. uploads/Litterature/ elsa-au-miroir.pdf
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- Publié le Jul 02, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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