Du même auteur Le Mémorial des saints Seuil, « Points Sagesses » n o 6, 1976 Le
Du même auteur Le Mémorial des saints Seuil, « Points Sagesses » n o 6, 1976 Le Livre de l’épreuve Fayard, 1981 Le Livre des secrets Deux océans, 1985 Le Livre divin Albin Michel, 1990 Étincelles de sagesses Beyrouth, al-Bouraq, 2004 La première édition de cet ouvrage a été publiée en 2002 aux éditions du Seuil, avec des illustrations en couleurs. TITRE ORIGINAL Manteq al-tayr ISBN 978-2-7578-4907-1 © Éditions du Seuil, 2002 et avril 2010 pour la présente édition Cet ouvrage a été numérisé en partenariat avec le Centre National du Livre. Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo. AVANT-PROPOS On ignore presque tout de ce que fut la vie de Farid-ud-Din Attar. On sait qu’il est né à Nishãpũr, en Perse, probablement en 1140, qu’il fut apothicaire, qu’il voyagea beaucoup, qu’il fréquenta des saints et qu’il mourut en 1230, dans sa quatre-vingt-dixième année. On sait surtout qu’il fut l’un des plus grands poètes mystiques de cette époque glorieuse du soufisme où la quête divine atteignit des sommets inégalés. Rûmi, Hallaj, Saadi furent ses pairs, et, comme la traversée terrestre de ces êtres aimés, la sienne fut vêtue de légendes. Il en est toujours ainsi de ceux qui exaltent durablement les âmes. On raconte qu’au temps où il n’était encore qu’un jeune marchand d’encens et d’herbes médicinales, un mendiant fit halte, un jour, devant sa boutique et lui demanda l’aumône. Attar avait l’esprit ailleurs. Il ne l’entendit pas. Le pauvre hère alors lui demanda crûment : – Tu mourras, comme tous. Mais comment ? Le sais-tu ? Attar lui répondit : – Pas plus que toi, l’ami. – Moi, je sais, lui dit l’autre. Il se coucha par terre et là rendit l’esprit. Le parfumeur, dit-on, en fut tant éprouvé que de ce jour étrange il ne fut plus occupé que du mystère de la vie. On dit aussi qu’il périt sous le sabre d’un des Mongols de Gengis Khan qui ravageaient sa ville, qu’il prit sa tête sous le bras et chanta la gloire de Dieu. Et l’on raconte enfin qu’un jeune noble mourut peu de temps après lui, et qu’on voulut l’enterrer aux pieds du bien-aimé poète. Le père du défunt, affirment les conteurs, refusa que son fils fût mis en terre au voisinage de ce vieillard qu’il considérait comme un bavard impénitent. Or, la nuit venue, ce père vit en songe une foule de saints autour du tombeau du vieil Attar, et il vit aussi son fils en larmes d’avoir été privé de la présence de ces bienheureux. Le lendemain matin, le jeune homme fut mis où il désirait être. Voilà ce que le temps a voulu que l’on retienne, outre quelques-uns de ses ouvrages, de la vie de Farid-ud-Din Attar. Il écrivit beaucoup. Le Mémorial des saints, le Livre divin, le Livre de l’épreuve sont de ses œuvres majeures. La Conférence des oiseaux est assurément la plus accomplie. Elle relate le voyage de la huppe et d’une trentaine de ses compagnons en quête de Simorgh, leur roi. D’innombrables contes, anecdotes, paroles de saints et de fous les accompagnent. « Lis ce livre, chercheur, tu sauras où aller, dit le poète. Savoure-le longtemps et tu seras nourri. Car il a de quoi t’étonner. Tu le lis une fois et tu crois le connaître, mais non ! Lis-le cent fois, cent merveilles nouvelles ébahiront ton œil. Le voile de l’épouse ne s’écarte que peu à peu devant le sein dissimulé ! » Autant dire que La Conférence des oiseaux est de ces livres qui se savourent et se fréquentent comme des amis nourriciers. Il est de ces compagnons qu’on n’aime pas quitter. La raison en est simple : l’amour seul est sa religion. HENRI GOUGAUD LOUÉ SOIT LE TRÈS-HAUT, LE MISÉRICORDIEUX, NOTRE DIEU BIEN-AIMÉ CRÉATEUR DE LA VIE DE L’ÂME DANS LE CORPS ET DE LA FOI DANS L’ÂME ! Sur les premières eaux Il posa Ses deux pieds. Aux êtres d’ici-bas Il offrit l’air du monde. Il fit le ciel puissant et sans cesse mouvant, Il voulut que la terre obéisse à Ses lois et déploya sur elle une voûte semblable à une tente bleue sans cordes ni piquets. En six jours et deux lettres entre toutes sacrées Il pétrit les neuf cieux avec les sept planètes. Comme Il aurait lancé mille dés hasardeux sur la table des nuits, de son gobelet d’or roulèrent mille étoiles. À notre corps, ce piège, Il donna cœur et foie. Notre âme, cet oiseau, Il la voulut poudrée d’étouffante poussière. Les chevaux océans courbèrent devant Lui leur crinière écumante, et les monts pris d’effroi par l’éclat de son œil furent pétrifiés. Il assécha le sable aux rives de la mer. Il changea en rubis les pierres des chemins, du sang Il fit le musc, d’une poignée de terre Il fit l’âme vivante, à la raison rebelle Il opposa l’Islam, et le corps s’échauffa au souffle pur de l’âme et l’âme ouvrit sa porte à la grâce d’En Haut. À la fière montagne insurgée contre Lui Il offrit la cuirasse et la pique pointue. Il advint que d’un feu Il fit un champ de roses et qu’Il jeta des ponts sur la face des eaux. Il advint qu’Il posa sur le front de Nemrod, son ennemi juré, un moustique assoiffé qui lui rongea les sangs quatre siècles durant. Il advint qu’un beau jour Il fit à l’araignée tisser son fil ténu à l’entrée de la grotte où se cachait du mal le noble Mohammed. Il advint qu’Il offrit au puissant Salomon l’amour d’une fourmi à la taille menue, qu’Il la vêtit de noir, comme le fut Abbas, qu’Il bénit son manteau, sa bonté, sa vaillance. Et il advint enfin que des amoureux fous suivirent le chemin des hautes vérités. Que découvrirent-ils au bout de leurs errances ? Le regret, l’impuissance et la perplexité. Vois notre père Adam. Sa longue vie ne fut qu’un fleuve de chagrins. Vois Noé sur les eaux. Mille ans il endura l’insulte des impies. Vois Abraham. Son cœur fut arraché du corps et jeté vif au feu. Vois l’enfant Isaac qui ouvrit sa chemise au couteau de son père avant qu’un bélier blanc soit égorgé pour lui. Vois Jacob l’accablé. Il pleura tant son fils qu’il en perdit les yeux. Vois Joseph dans son puits, meurtri, perdu, esclave avant que son destin daigne s’ensoleiller. Vois Job l’infortuné qui subit l’injustice et la hargne des loups. Vois Jonas l’égaré sur le chemin du ciel, tombé des hauteurs bleues aux profondeurs marines. Vois le sage Moïse. Il naquit pharaon et fut jeté à l’eau dans un berceau d’osier. Vois David. Les soupirs qui embrasaient son cœur amollissaient le fer de sa cotte de mailles. Vois le roi Salomon. Son empire sombra sous les coups du démon. Vois Zacharie. Son cœur était empli de Dieu. La lame sur le cou il resta bouche close. Vois le bon Jean-Baptiste et sa tête tranchée qui se vidait de sang sur son plateau d’argent. Vois Jésus sur la Croix. Vois enfin Mohammed. Pense à ce qu’il souffrit des foules mécréantes. Allons, crois-tu vraiment que tout cela se fit sans effroi, sans horreur ? Qui veut aller à Lui doit oublier la vie. Que puis- je dire encore, amis qui m’écoutez ? Il n’est plus une fleur sur mon arbre à palabres ! Point de remède au doute. On ne peut que subir. Ô saints auprès de qui je ne suis qu’un enfant, ma raison s’épouvante à chercher vos empreintes ! Comment pourrais-je, moi, atteindre vos hauteurs ? Seigneur, aucun savoir ne peut Te contenir. Les affaires du monde, auprès de Ta splendeur, que sont-elles ? Mirages, errances de fourmis ! Moïse et Pharaon sont à Tes yeux de même et minuscule taille. L’un ne T’a rien donné, l’autre ne T’a rien pris. Seigneur, Tu es la vie. Nul n’existe que Toi. Que dire après Ton nom ? Tu es l’Un, voilà tout. Ôte donc de Ton front ce voile qui Te couvre, cesse de consumer mon âme inassouvie. Regarde-moi, perdu dans l’océan du doute. Délivre Ton amant de son égarement. Loin de Toi, mal vivant dans mon frêle bateau je ne sais où aller. Ôte-moi de ces lieux où Tu m’as déposé. La main qui m’a lâché peut aussi me reprendre ! Hélas, un diable avide est assis sur mon cœur. Si Tu ne m’aides pas j’étouffe, je me meurs. Je ne peux supporter l’absurde sentiment qui me tient en ce monde. Il m’avilit, m’encrasse. Ô Dieu, purifie-moi, lave-moi, par pitié, ou si tu ne veux pas entendre ma prière, au moins massacre-moi, que je tombe en poussière et me disperse au vent ! Tu inspires la crainte aux peuples d’ici-bas. Moi je n’ai d’autre peur que des nuits de mon âme, car de Toi ne me vint jamais que pur amour. Que suis- je ? Un presque mort qui foule obstinément les durs cailloux des routes. Ô Seigneur, source vive, inonde-moi de vie ! Croyants et mécréants pleurent le même sang. uploads/Litterature/ farid-ud-din-attar-la-conference-des-oiseaux-jericho.pdf
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- Publié le Aoû 17, 2022
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