François Secret Guillaume Postel, le Pantopaeon In: Revue de l'histoire des rel
François Secret Guillaume Postel, le Pantopaeon In: Revue de l'histoire des religions, tome 165 n°2, 1964. pp. 203-235. Citer ce document / Cite this document : Secret François. Guillaume Postel, le Pantopaeon. In: Revue de l'histoire des religions, tome 165 n°2, 1964. pp. 203-235. doi : 10.3406/rhr.1964.8016 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhr_0035-1423_1964_num_165_2_8016 Guillaume Postel le Pantopaeon Dans un récent catalogue de livres rares, on pouvait lire, à propos d'un De accenlibus el orthographia linguae hebraicae, de .1. Reuchlin, marqué 1 800 F : « Précieux exemplaire ayant appartenu à G. Postel. Il porte cette inscription : « Utebatur G. Postellus ». Il passa ensuite dans les mains d'un humaniste allemand qui mit sa signature Rorispergius, et quelques notes л1. Postel aurait admiré cet avatar posthume, lui qui tenait que « Gomer, la povre mérétrice espousée par Hosée... fille de Dibellaim, qui sont deux masses ou petits cabas de figues pour monstrer que ceste masse ou église ou gent de Gomer est et consiste de deux peuples, du Gomerique ou Cymbrique, qui est l'Allemand et du Gallike »2, et qui avait offert la monarc hie universelle à l'empereur Ferdinand, parce qu'il n'avait été écouté des rois de France, descendants de Gomer, fils de Japhet, auxquels elle revenait par droit de primogeniture. L'ami des savants éditeurs Daniel Bomberg, Jean Oporin et des Giunta, aurait cependant rappelé à leur lointain des cendant qu'il avait pris le soin d'écrire, sous le titre de Roris pergius, sa raison en hébreu : Pus ou Pos, Tal ou Tel, le dispensateur de la rosée, selon la méthode « émithologique »3, qui retrouvait la vérité (Emeth) de la langue sainte, employée par Adam pour nommer les êtres, et qu'avait obscurcie l'étymologie dans la métathèse furtivement opérée par les Grecs. Et il l'eût renvoyé au titre du dernier ouvrage qu'il 1) Catal. 184, Lib. P. Jammes, p. 16. Un De orbis lerrae concordia, p. 31, « 1.600 f. ». 2) Cf. L'émilhologie, V. Conv. int. di studi umanist, 1960, p. 407. 3) Cf. Vérnilhologie, p. 404. 204 REVUE DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS publia à Paris, en 1579, deux ans avant sa mort : Les premiers éléments d'Euclide chreslien, pour raison de la divine et éternelle vérité demonslrer, escrits en vers par (iuillaume Postel, diet fíorisperye. Doyen des Lecteurs du Roy. Cette confusion symbolise, à son niveau, l'embarras des historiens devant un personnage, qui aima se draper de vêtements et de supervètements tissés de tous les fils de son érudition latine, grecque, hébraïque, chaldaïque, syriaque, et qui multiplia des écrits devenus fort rares ou qui ne furent même jamais publiés. Car le personnage est célèbre, surtout chez les historiens du xvie siècle1, qui le rencontrent à bien des carrefours. C'est le « docte et fol » Postel. Le docte Postel qui, choisi pour accompagner La Forest à Constantinople, où seront signées les premières Capitulat ions, y apprend l'arabe et le turc, tout en traitant avec Ibrahim Bassa, avec le même génie qui l'a fait s'initier sans maître à l'hébreu. Il y fréquente le médecin favori de Soliman, Moïse Amon, le mécène du Pentateuque polyglotte de Constant inople2, rencontre Pierre du Chastel, qui voyage à ses frais au Levant, et se hâte de regagner Paris, où il va devenir l'anagnoste de François Ier. Postel, lui, au retour, s'attarde à Venise, et rencontre chez Bomberg des savants : c'est Elias Lévita3, qui a été plus de dix ans dans la maison du cardinal Gilles de Viterbe, et qui a enseigné, entre autres Chrétiens, Georges de Selves, évêque de Lavaur, ambassadeur à Venise, grand ami de Postel ; c'est le chanoine de Latran Teseo Ambrogio, qui fut le maître en syriaque de Widmanstetter. 1) Cf. la dernière bibliographie in W. J. Bouwsma, Concnrdia mundi. The career and thought о/ G. Postel, Cambridge (Mas.), 1957. 2; Linguarum dundetim... alphabetum, 1538 (non paginé) « quandam Cabalani, cuius mihi copiara fecit Mose Almuli medicus re^ius Iudaeus apud Constantino- polim ». Sur Moses Hamon (Amon) cf. Jew Enc, s. v. ; L. Bouvat, Essai sur les rapports de la Perse avec l'Europe, Rev. du monde musulman, 46, p. 6G ; Ciiarrière, Corresp., II, 108 ; A. Tausserat-Radel, Corresp. pol. de G. Pellicier, 1899, p. 340; P. Grunebaum, R.E.J., XXVII, 132; M. Franco, Essai sur l'histoire des Israélites de l'empire ottoman, 1897, p. 46. 3) J. Perles, Beilrâge zur Ges. der Hebraîs..., 1884, p. 78. GUILLAUME POSTEL LE PANTOPAEON 205 ми familier de Gilles de Viterbe, qui devenu chancelier de Ferdinand procurera, en 1555, la première édition du Nouveau Testament syriaque, auquel d'ailleurs Postel collaborera, quand il sera devenu lui-même professeur royal à Vienne. En atten dant. Postel rentré à Paris, devance Ambrogio, en publiant, en 1538, un Alphabet de 12 langues. Chargé de la plus belle collection de manuscrits orientaux, surtout arabes1, Postel publie la première grammaire arabe, une analyse du Coran sur manuscrits au moment où Oporin réussit, non sans peine, à en éditer la traduction médiévale. Le philologue est passionné de philosophie;, de mathématiques, de médecine, de géographie, et de jurisprudence. Aux médecins ivres de la renaissance de (íalien il rappelle qu'il faut restituer aussi les traductions des médecins arabes. Il a un traité des simples du botaniste de Malaga, Ibn Al-Baytar2, dont le traducteur moderne3, qui utilisa le manuscrit Postel comme le meilleur, a écrit que sa connaissance aurait économisé uni! bibliothèque de gloses sur Dioscoride. Il traduira quelques pages d'une géographie d'Abulfîda pour Ст. В. Ramusio4, qui les publie comme un don du ciel, pour corriger Ptolémée. Il dédie au Roi et à sa sœur Marguerite le premier traité important sur la République, des 1, Sur ce* manuscrits, cf. (1. Postel et les études arabes, Arabica, IX, 1962. Il faut y ajouter Euclidis elemenlorurn lihri V-XV, que M. M. Destombes a bien voulu nous sismaler, (lodices hehraici et arabici Bib. reg. Hafnensis, 1851, p. 63. 2; Ce manuscrit avait été signalé par C. (íesner ; cf. (i. Leví della Vida, Hicerche..., Sludi e Testi, 92, 1939, p. .'521. Eloy, Did. hist, de la médecine, 1 7Г>Г>, I, p. 18s : « Postel... apporta un ouvrage manus. il'Abenbitar... Il était persuadé qu'avec ce secours on pourroit rétablir plusieurs endroits île Dioscoride, de (ialien et d'Oribase », et II, p. 298 : « II apporta un ouvrage man. d'Abenbeitar... composa à l'aide de ce man. un prrand ouvrage rempli d'une infinité de remèdes ». L'abbé Joly enfin dans sa biographie restée manuscrite de Postel [Dijon, Fonds Baudot, 114, p. '.); rapportait une lettre de Michaud f.31 juillet 1757) décrivant un exemplaire du Dioscoride. de Bâle, 1532, in-8° 'alors à la bibl. de Saint-Martin-des- C.hamps' avec des notes de Postel en arabe. Postel y avait noté « Postellus in Aphrica et Asia, variisque locis observationum trratia circum ferebat an. ('. 1536- 37-3* ». Postel ayant noté dans son Duodecim linguarum... alphabelum, à propos de la langue chaldaïque : « Ouosdam etiam ex libris meis arabicis in marjrine dili- trenter hoc caractère notatos habeo », j'ai pu retrouver le ms. arabe 297Я, Bilar simplicia, avec des notes en frrec de Postel. ."îi L. Leclerc, Notices et extraits des manuscrits, XXIII, XXV, XXVI, qui n'avait pas identifié le possesseur, écrivait p. xi : « Une traduction d'Ibn el Baitar leur eût épargne bien des dissertations laborieuses .» I) Cf. Levi пеы.а Vida, op. cit., p. 326. 206 REVUE DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS Turcs, qu'il compare à celle d'Athènes, de Venise et de France, et dont Montaigne se nourrira1. Le docte Postel, fait « lecteur royal en mathématiques et langues peregrines », retournera une seconde fois au Levant, d'où il rapportera encore nombre de manuscrits orientaux, plus spécialement religieux. L'auteur du De orbis lerrae concordia, que le P. Casinius tient pour une œuvre divine, rêve de poly glottes. Le maître d'André Masius, de Jos. Juste Scaliger, des frères Guy et Nicolas Le Fèvre, La Boderie collaborera à la Polyglotte d'Anvers2. Il publiera la première traduction du Protévangile de Jacques3, la première traduction du Livre de In création, avant même l'édition hébraïque, traduira le Sefer Ïla-Bahir, des passages du Commentaire sur la loi de Menahem de Recanate, que Pic de La Mirandole s'était déjà fait traduire par Flavius Mithridates, des passages du Bereshil Rabba, et surtout le Zohar, sans pour autant négliger les travaux de cosmographie. Abraham Ortelius publie de ses cartes, et l'histoire lui fait honneur de la première carte du monde en projection polaire4. Mais Postel l'avait composée pour y situer le Paradis terrestre. (Vest Postel le fol, dont Plantin retranche le nom de l'exemplaire de la Polyglotte5 qu'il envoie à Rome. Celui qui est allé admonester François Ier d'avoir à se réformer, lui, sa ("our et son royaume s'il veut mériter d'être le Monarque de l'univers annoncé par les prophéties. C'est le novice de la naissante compagnie de Jésus, que le P. Ignace écarte à cause de ses révélations. Postel n'a-t-il pas découvert qu'il était le Pape angélique, annoncé par la littérature joachimite6, qui, avec l'aide du roi de France, ramènerait Gentils, Turcs, Juifs 1) Cf. Notes sur G. Postel, В.Н.П., uploads/Litterature/ guillaume-postel-le-pantopaeon 1 .pdf
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- Publié le Fev 22, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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