Le cas Nietzsche: Par Karl Schlechta Author(s): Jean Wahl Source: Revue de Méta

Le cas Nietzsche: Par Karl Schlechta Author(s): Jean Wahl Source: Revue de Métaphysique et de Morale , Juillet-Septembre 1961, 66e Année, No. 3 (Juillet-Septembre 1961), pp. 306-311 Published by: Presses Universitaires de France Stable URL: https://www.jstor.org/stable/40900616 JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact support@jstor.org. Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at https://about.jstor.org/terms Presses Universitaires de France is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Revue de Métaphysique et de Morale This content downloaded from 90.211.137.255 on Sun, 04 Oct 2020 06:26:39 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms ÉTUDES CRITIQUES Le cas Nietzsche par Karl Schlechta 1 Puisqu'on a jugé bon de traduire le pamphlet de Schlechta, qu'on no permette de dire ce que nous en pensons. On sait que Schlechta est l'é teur des œuvres de Nietzsche sous la dernière forme sous laquelle elle sont présentées au public. Le livre qui est devant nous est constitué d cinq études. La première s'appelle VŒuvre et son intention. Elle est c sacrée aux ouvrages édités par Nietzsche lui-même, avec cette rése cependant que le point de vue adopté et le point de départ sont tirés Humain trop Humain. Il est curieux de voir, dès l'abord, l'éditeur déc rer, à propos des ouvrages qu'il examine, qu'ils font preuve d'une « rem quable monotonie ». Autre idée : il n'y a aucun système chez Nietzsch Problème à partir de là : d'où vient la « monotonie en question » ? Remarqu incidente : tout ce qui est dans Zarathoustra se trouve déjà dans a Hum trop Humain » (tout cela serait à discuter.) Affirmation : « II y a une furieu dégringolade » de la pensée nietzschéenne. Le résumé donné pages 25, est plus satisfaisant. Mais, dès la page 32, Schlechta oppose, à nouveau Nietzsche des affirmations qu'il ne fonde guère. Il conclut que ch Nietzsche, « tout en fin de compte est hypothèse », même semble-t- l'effort de Nietzsche vers l'objectivité. Il insiste justement sur l'effro qui affleure parfois dans l'œuvre nietzschéenne (p. 45 et suivante sur le rôle donné à l'apparence (p. 47). Nous nous acheminons vers un affirmation du nihilisme de Nietzsche. Lisons le bas de la page 55 qui co titue à peu près la conclusion. « Le cri le plus étrange, le plus surprena échappe au saisissement de Zarathoustra : " Le monde est parfait " n'y a plus de place pour la pensée et l'action. Mais l'instant de bonheu est déjà passé : le vieux jeu d'obstination recommence. » C'est ce qui pf 1. Traduit de l'allemand par André Cœuroy. Un volume in-12 de 169 pages, Pa Gallimard, 1960. 306 This content downloaded from 90.211.137.255 on Sun, 04 Oct 2020 06:26:39 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms Le cas Nietzsche met à l'auteur de reprendre le mot qu'aurait dit Elisabeth d'Autriche : « Nietzsche s'est jeté en holocauste dans l'abîme du temps. L'abîme s'est refermé. Maintenant, nous pouvons le franchir. » Mais, déjà par cette première étude, nous sommes mis en méfiance vis-à-vis de l'éditeur-com- mentateur. La seconde étude est plus satisfaisante ; elle concerne les rapports de Nietzsche avec l'histoire. Elle s'appuie en particulier sur les Consi- dérations Inactuelles. Mais elle s'appuie aussi sur quelques notes des cahiers posthumes. Il s'agit des « conséquences nihilistes de l'his- toire ». Là encore des réserves sont nécessaires. On nous dit que, « en gros, Nietzsche, jusqu'à 1875 environ, a nié l'histoire, spécialement l'histoire en tant qu'histoire d'historisme parce que c'est l'expression d'un instinct nihiliste ; il a au contraire approuvé l'historisme à partir de 1876 parce qu'il conduit au nihilisme ». Observons que ces deux dates sont très rapprochées l'une de l'autre et que le problème a été sans doute présent à la pensée de Nietzsche dès les Considérations Inactuelles. L'auteur a beau recourir à une lettre de 1874, il a beau invoquer ce qu'il appelle un retournement qui aurait lieu dans Aurore, il ne nous persuade pas de sa thèse, d'ailleurs assez confuse. A la page 91, on nous dit que Nietzsche « virevolte avec la tradition ». On recourt (p. 94), pour expliquer les ambivalences de Nietzsche, au sujet de Wagner, au fait qu'il a été à demi aveugle. Qui peut dire qu'il y a là quelque chose de sérieux ? Mais l'auteur, du moins, se prend au sérieux : « Je suis au bout de mon sujet, mais étant professeur, j'ai une mission pédagogique et je me demande ce qu'il faut faire pour échapper à l'an- tagonisme qui oppose l'histoire en soi et la tradition ». C'est quand il avance ce qu'il appelle une conjecture qu'il se rapproche du réel. Il rappelle la phrase de Nietzsche : « Ce n'est que quand l'histoire sup- porte d'être transformée en œuvre d'art qu'elle peut sans doute conser- ver les instincts ». La troisième étude est intitulée : Légende et Réalité. C'est à partir de là que l'on peut saisir le but essentiel du livre ; il veut justifier la façon dont Schlechta a constitué son édition, consacrant deux volumes aux textes publiés par Nietzsche lui-même, et le troisième aux écrits posthumes : « J'ai en vue ce que l'on dénomme la Volonté de Puissance qui ne saurait en aucune façon être considérée comme un ouvrage de Nietzsche. » « Ce ne sont que des papiers posthumes, banalement pos- thumes, rien de plus. » II y aurait une « inventrice » de la Volonté de Puis- sance, la sœur de Nietzsche. « La Volonté de Puissance en particulier doit son origine non seulement à une erreur d'interprétation, mais à la complète ignorance de Mme Foerster touchant l'œuvre et la pensée de son frère... Il lui fallait un ouvrage systématique capital. N'en trouvant pas, elle l'inventa... Elle requit l'aide nécessaire de Peter Gast, le disciple à tous crins, l'apôtre de fondation. » Mais nous nous permettrons d'in- 307 This content downloaded from 90.211.137.255 on Sun, 04 Oct 2020 06:26:39 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms Jean Wahl terrompre ici ; car on sait que Nietzsche a donné tous les manuscrits de ses dernières œuvres publiées à réviser à Peter Gast. De plus, on ne découvre aucune différence notable dans le texte des derniers fragments publiés par Schlechta et le texte publié par Peter Gast et Mme Foerster ; peut-être faut-il en conclure que Peter Gast étant le lecteur privilégié des manuscrits nietzschéens, Schlechta, sans trop regarder à l'exactitude du contenu, s'est fié, probablement à juste titre à la lecture de Peter Gast et a simplement changé l'ordre des aphorismes suivant celui des cahiers. Schlechta dénonce chez la sœur de Nietzsche « un manque considérable d'honnêteté intellectuelle. Mais comment être honnête quand on ne com- prend rien à la question ? ». Pour fortifier ses affirmations, il fait allusion aux falsifications faites par la sœur ; mais notons que ces falsifications consistent à avoir changé le nom de la destinataire des lettres qui était la mère de Nietzsche en son propre nom. L'auteur conclut : « Ma démonstra- tion a enlevé aux légendes créées par la sœur de Nietzsche leur dernier fondement. » Et c'est tout pour le point fondamental. Les enseignements thérapeutiques de Nietzsche sont désavoués par la catastrophe qui est maintenant derrière nous (mais est-elle vraiment derrière nous ?). Si Nietzsche a là sa part de responsabilité, c'est au premier chef parce que la sœur ivre d'ambition, a brandi dès l'abord, au moment qui lui parut opportun, l'étendard du frère sur les débuts du Reich qui devait durer mille ans. » Que reste-t-il donc de Nietzsche ? « Des notions vagues comme le Surhomme, le Grand Midi, l'Éternel Retour, la Volonté de Puissance errent comme des fantômes sans que puisse être prise la moindre con- science de ce que présupposent ces notions désolées et néfastement mises en jeu. » Inutile de continuer ce paragraphe de plus en plus confus ; il est rare de voir un éditeur aussi étranger à la pensée profonde de son auteur. A la page 110, il reprend son offensive contre les éditions antérieures, particulièrement l'édition « grand in-octavo » ; « elle a été commencée avant le tournant du siècle et pourvue, dans les volumes de posthumes, d'introductions, de références et d'annotations critiques ». Schlechta ne nous dit pas, et c'était pourtant le plus essentiel (il est vrai qu'il revien- dra sur ce point dans la dernière « étude » du volume) qu'elle était égale- ment pourvue de plans écrits par Nietzsche lui-même. Il continue : « Une lecture même rapide de ces commentaires aurait dû rendre évident que, au jugement même de l'éditeur, l'édifice de ces volumes destinés à soutenir la légende n'a pas la moindre solidité. Mais qui a jamais apporté assez d'attention à sa lecture, à uploads/Litterature/le-cas-nietzsche.pdf

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