POINTS DE SUSPENSION CHEZ RACINE : ENJEUX DRAMATIQUES, ENJEUX ÉDITORIAUX Michae
POINTS DE SUSPENSION CHEZ RACINE : ENJEUX DRAMATIQUES, ENJEUX ÉDITORIAUX Michael Hawcroft Presses Universitaires de France | Revue d'histoire littéraire de la France 2006/2 - Vol. 106 pages 307 à 335 ISSN 0035-2411 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-d-histoire-litteraire-de-la-france-2006-2-page-307.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Hawcroft Michael, « Points de suspension chez Racine : enjeux dramatiques, enjeux éditoriaux », Revue d'histoire littéraire de la France, 2006/2 Vol. 106, p. 307-335. DOI : 10.3917/rhlf.062.0307 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Presses Universitaires de France. © Presses Universitaires de France. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 189.254.201.18 - 14/07/2014 17h05. © Presses Universitaires de France Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 189.254.201.18 - 14/07/2014 17h05. © Presses Universitaires de France POINTS DE SUSPENSION CHEZ RACINE : ENJEUX DRAMATIQUES, ENJEUX ÉDITORIAUX MICHAEL HAWCROFT* Les trois points en disent plus que toute l’élo- quence du monde. Flaubert. Pourquoi chercher des points de suspension chez Racine ? En premier lieu, parce que, malgré tout l’intérêt que la critique récente a porté à la ponctuation des éditions originales de Racine, les points de suspension n’ont fait l’objet d’aucun commentaire1. Ensuite, parce que les interrup- tions signalées par la présence des points de suspension, associées à des effets dramatiques distinctifs, ont été relativement négligés2. De plus, parce que l’étude des points de suspension chez Racine qui suivra, et qui RHLF, 2006, n° 2, p. 307-335 * Keble College, Oxford G.-B. 1. Voir Racine, Œuvres complètes, I Théâtre – Poésie, éd. Georges Forestier, Paris, Gallimard, 1999 (Bibliothèque de la Pléiade), p. LIX-LXVIII (« Lire Racine ») ; Sabine Chaouche, « La Poésie racinienne : chant ou déclamation ? », in Racine Poète, éd. Bénédicte Louvat et Dominique Moncond’huy, La Licorne, 1999, p. 235-256 (repris dans son livre L’Art du comédien. Déclama- tion et jeu scénique en France à l’âge classique (1629-1680), Paris, Champion, 2000) ; Julia Gros de Gasquet, « Les Enjeux de la ponctuation du vers racinien : étude comparée de deux tirades de Bajazet », in Racine Poète, La Licorne, 1999, p. 219-234 (repris dans sa thèse de doc- torat, « L’Oralité de l’alexandrin classique : l’acteur et son art XVIIe-XXe siècle », Université de Paris IV, 2002) ; Michael Hawcroft, « Reading Racine : punctuation and capitalization in the first editions of his plays », Seventeenth-Century French Studies, 22 (2000), p. 35-50 ; Eugène Green, La Parole Baroque, Paris, Desclée de Brouwer, 2001, p. 107-110. 2. Voir Peter France, Racine’s rhetoric, Oxford, Clarendon Press, 1965, qui esquisse l’étude dramaturgique des types d’interruption marqués par les points de suspension (p. 179-180). Deux autres ouvrages sur Racine considèrent l’apport dramaturgique des interruptions, mais sans réfé- rence aux points de suspension : Richard Parish, « “Un calme si funeste” : some types of silence in Racine », French Studies 34 (1980), p. 385-400 ; Henry Phillips, Racine : language and theatre, University of Durham, 1994 (voir, sur le silence, p. 47-52). Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 189.254.201.18 - 14/07/2014 17h05. © Presses Universitaires de France Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 189.254.201.18 - 14/07/2014 17h05. © Presses Universitaires de France REVUE D’HISTOIRE LITTÉRAIRE DE LA FRANCE 308 3. Voir Malcolm B. Parkes, Pause and effect : an introduction to the history of punctuation in the west, Aldershot, Scolar Press, 1994 ; Nina Catach, La Ponctuation (histoire et système), Paris, Presses Universitaires de France, 1994 (Que sais-je ?) ; l’article de Russell Goulbourne, « The Sound of silence… : points de suspension in Baudelaire’s Les Fleurs du Mal », Australian Journal of French Studies, 36 (1999), p. 200-213, donne des références fort utiles aux textes du XVIIIe siècle ; et l’article de Anne Henry, « The remarkable rise of “…” : reading ellipsis marks in literary texts », in Ma(r)king the text : the presentation of meaning on the literary page, éd. Joe Bray, Miriam Handley, Anne C. Henry, Aldershot, Ashgate, 2000 (p. 120-142), bref mais très per- tinent, donne des exemples exceptionnels de l’usage de ce signe de ponctuation tirés de textes anglais. 4. Voir Yves Giraud, « Lire Racine, vraiment ? », Revue d’Histoire littéraire de la France, 101 (2001), p. 303-309, qui critique l’attitude respectueuse envers la ponctuation originale adoptée par Georges Forestier dans son édition du théâtre de Racine ; la réplique de Forestier dans le même numéro de la revue (p. 310-311) ; et l’article, extrêmement érudit, de Alain Riffaud, « Édi- tion critique et description matérielle : un enjeu mineur ? L’exemple de la ponctuation dans le théâtre imprimé », Littératures classiques, 51 (2004), p. 17-42. 5. Publius Terentius, Andria. The First Comoedie of Terence, in English, traduit par Maurice Kyffin, London, T. E[ast] for T. Woodcocke, 1588. Voir l’article de Henry, p. 122. sera contextualisée par rapport à la pratique cornélienne, constituera une contribution à l’histoire d’un signe de ponctuation ayant une histoire propre, plutôt esquivée par les historiens de la ponctuation3. Enfin, parce qu’une étude précise et détaillée d’une marque de ponctuation dans toutes les éditions du théâtre de Racine revues par l’auteur, et (le plus souvent) dans un nombre considérable d’exemplaires de chaque édition, peut apporter une contribution nouvelle et toute particulière aux débats sur le rôle de la ponctuation originale, devenus quelque peu polémiques4. Le premier exemple de ce que Anne Henry, qui s’est le plus penchée sur l’histoire de ce signe de ponctuation, appelle non pas « points de sus- pension » mais « ellipsis marks », figure dans une traduction anglaise de l’Andrie de Térence publiée en 15885. Le signe y apparaît trois fois, sous forme de traits d’union plutôt que de points, en deux occurrences pour indiquer le fait qu’un personnage interrompt le discours de son interlocu- teur, et en dernier lieu le fait qu’un personnage interrompt son propre dis- cours. Anne Henry choisit d’utiliser le terme assez général de « ellipsis marks » en raison de la relative instabilité entre l’usage des traits d’union et celui des points, qui n’était pas, dans l’imprimerie pré-moderne, aussi nettement distinct qu’il allait le devenir. Elle note, cependant, qu’en France on adopta rapidement les points pour figurer ce signe de ponctua- tion, et affirme que cette standardisation est due à l’influence de l’Imprimerie Royale au milieu du XVIIe siècle (p. 126). La question du nom à donner à ces petits points peut légitimement être posée, car au XVIIe siècle, alors qu’ils existaient bel et bien, ils n’avaient tout de même pas été baptisés officiellement. Dans leurs traités linguis- tiques parus respectivement en 1669 et 1689, Mauconduit et Andry de Boisregard évoquent le point, la virgule, le point-virgule, les deux points, Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 189.254.201.18 - 14/07/2014 17h05. © Presses Universitaires de France Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 189.254.201.18 - 14/07/2014 17h05. © Presses Universitaires de France POINTS DE SUSPENSION CHEZ RACINE 309 6. Louis de Lesclache de Mauconduit, Traité de l’orthographe (1669), Genève, Slatkine Reprints, 1972, p. 140-154 ; Nicolas Andry de Boisregard, Réflexions sur l’usage présent de la langue françoise (1689), Genève, Slatkine Reprints, 1972, p. 423-33. 7. Antoine Furetière, Le Dictionnaire universel (1690), 3 vol., Paris, S.N.L.-Le Robert, 1978. 8. Jean Léonor Le Gallois sieur de Grimarest, Traité du récitatif (1707), in Sept Traités sur le jeu du comédien et autres textes. De l’action oratoire à l’art dramatique (1657-1750), éd. Sabine Chaouche, Paris, Champion, 2001 (p. 310). 9. Je reproduis ces vers tels qu’ils paraissent dans la première édition de l’ouvrage de Grimarest (Paris, Jacques Le Fevre & Pierre Ribou, 1707), p. 67. Dans son édition moderne, Sabine Chaouche réduit à trois les quatre points et les six points employés par Grimarest dans les première et deuxième occurrences respectivement. Voir, plus bas, notre discussion du nombre de points utilisé. le point d’exclamation (ou le point admiratif), le point d’interrogation, le tiret (ou la liaison), l’apostrophe, et le tréma (ou les deux petits points). Mauconduit ajoute à sa liste la parenthèse, et Andry de Boisregard les accents, mais ni l’un ni l’autre ne mentionne ce qu’on appellera plus tard les points de suspension6. En revanche, le concept des points de suspen- sion, sinon le nom, existe dans le Dictionnaire universel de Furetière. Dans son article « Point », il donne cet exemple de l’usage du mot : « Quand on met plusieurs points après un mot, c’est signe que le sens est imparfait, qu’il y a quelque lacune, ou quelque chose à adjoûter »7. C’est Grimarest qui, en 1707, uploads/Litterature/ hawcroft-points-de-suspension.pdf
Documents similaires










-
29
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Fev 23, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
- Taille du fichier 0.1018MB