L'HOMME ET LE COSMOS À LA RENAISSANCE « Le ciel en nous » dans une lettre de Ma

L'HOMME ET LE COSMOS À LA RENAISSANCE « Le ciel en nous » dans une lettre de Marsile Ficin Ornella Pompeo Faracovi Presses Universitaires de France | « Diogène » 2004/3 n° 207 | pages 64 à 71 ISSN 0419-1633 ISBN 9782130547198 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-diogene-2004-3-page-64.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Ornella Pompeo Faracovi, « L'homme et le cosmos à la Renaissance. « Le ciel en nous » dans une lettre de Marsile Ficin », Diogène 2004/3 (n° 207), p. 64-71. DOI 10.3917/dio.207.0064 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Presses Universitaires de France. © Presses Universitaires de France. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. 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L’homme est un petit monde, dans lequel le cosmos se reflète point par point : « Ne t’étonne pas de m’entendre dire que tout cela est en toi ; comprends que tu es un autre monde en petit (in parvo) et qu’en toi il y a un soleil, il y a une lune, il y a des étoiles 2. » Dans ce singulier passage, l’âme de l’homme se présente comme un miroir du monde visible, lequel n’est à son tour qu’une grandiose allégorie du divin. Dans une image qui n’est pas dénuée de résonances astrologiques, la charnière de la correspondance entre le grand monde et le petit est située dans les corps célestes. Cette image de la correspondance entre l’univers et l’homme, le macrocosme et le microcosme, n’est pas une image nouvelle ni même insolite ; André Festugière la définit au contraire comme étant la plus célèbre de l’Antiquité 3. Dans son livre important sur Pic de la Mirandole, Henri de Lubac a consacré un chapitre à la recherche, dans la tradition antique et médiévale, des témoignages les plus marquants de l’idée de relation entre macro et microcosme, sur laquelle le comte de la Mirandole conclut l’Heptaple : « Il importe de remarquer que le monde est appelé par Moïse “un grand homme”. En effet, si l’homme est un petit monde, assurément le monde est un grand homme, etc. Voyez avec quelle harmonie toutes ces parties du monde et de l’homme se correspondent 4. » Comme De Lubac l’a bien indiqué, on peut retrouver les thèmes de l’harmonie universelle et de la relation macro et microcosme dans les textes et chez les auteurs les plus divers : les écrits hermétiques, les commentaires bibliques de Clément d’Alexandrie, Philon, Chalcidius, Macrobe, saint Augustin et Martianus Capella. Isidore de Séville peut donc la présenter 1. « Ces victimes, cherche-les en toi-même, et tu les trouveras à l’intérieur de ton âme », dans Origène, Homélies sur le Lévitique, traduction, introduction et notes par M. BORRET, Paris, Les Éd. du Cerf, « Sources chrétiennes » 1981, vol. I, p. 211. 2. Ibid., p. 213. 3. A. FESTUGIÈRE, La Révélation d’Hermès Trismégiste. I, L’astrologie et les sciences, Paris, J. Gabalda 1950 2, p. 92. 4. H. DE LUBAC, Pic de la Mirandole, Paris, Aubier Montaigne 1974, p. 160-169. Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 93.0.89.93 - 05/07/2018 13h59. © Presses Universitaires de France Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 93.0.89.93 - 05/07/2018 13h59. © Presses Universitaires de France L’HOMME ET LE COSMOS À LA RENAISSANCE 65 comme une idée bien établie dans la culture antique, « s’il est vrai qu’en grec “monde” se dit “cosmos”, et l’homme, à son tour, “microcosme”, c’est-à-dire “petit monde” 5 ». Ainsi l’évêque espagnol a-t-il transmis le thème au Moyen Âge latin, où Hildegarde de Bingen et Bernard Sylvestre, parmi bien d’autres, lui feront subir des réélaborations suggestives, avant d’arriver au cœur de la culture de la Renaissance avec le De coniecturis de Nicolas de Cuse et les écrits de Pic. Le thème, on l’a dit, a connu des développements et des implica- tions diverses suivant les auteurs. Dans de nombreux textes chrétiens, il devait converger avec l’idée que l’homme, étant la première et la plus excellente des créatures, enferme en lui tous les aspects du monde ; parfois, il se limita au sentiment d’une proxi- mité fraternelle entre l’homme et le reste de la création, expres- sions l’un et l’autre du même amour de Dieu, qui dicta à François d’Assise, entre autres, les louanges du frère Soleil et de la sœur Lune 6. Dans le milieu stoïcien, il s’était lié au thème de la sympatheia universelle, tandis que dans les textes hermétiques il s’était spécifié à travers la liste ordonnée des chaînes de rapports qui lient ponctuellement à chacun des corps célestes, et en premier lieu aux astres errants, une série précise d’animaux, de végétaux et de minéraux. Dans l’ouverture de la Iatromathématique d’Hermès Trismégiste à Ammon l’Égyptien, il est développé dans le sens d’une liaison systématique entre chacun des astres et les diverses parties du corps humain (melothesia) – ce qui est une référence obligée pour la longue tradition de la médecine astrologique. Les savants disent, ô Ammon, que l’homme est un univers, parce qu’il est fait, dans sa constitution, à la ressemblance de l’univers. En vérité, dans la génération de semence humaine, dans toutes les parties qui constituent le corps humain, se sont mêlés les rayons des sept astres, tout comme à l’acte de la naissance en vertu de la disposition des douze signes. On dit que le Bélier est la tête tandis que les facultés perceptives qui sont dans la tête sont attribuées aux sept astres errants : l’œil droit au Soleil, le gauche à la Lune, les oreilles à Saturne, le cerveau à Jupiter, la langue et la luette à Mercure, l’odorat et le goût à Vénus et tout ce qui est sanguin à Mars 7. La relation entre macro et microcosme passe ici à travers les planètes et les signes du Zodiaque et s’exprime sous une forme astrologique : les astres dirigent chacune des parties du corps et 5. Isidore DE SÉVILLE, De natura rerum, IX, 2 (éd. franc. Isidore DE SÉVILLE, Traité de la nature, éd. J. FONTAINE, Bordeaux, Féret et Fils 1960). 6. Voir à ce propos l’étude récente de P. DRONKE, « Sole e Luna nell’immaginario poetico dal II al IX secolo », Micrologus, XII, Il Sole e la Luna, Florence, Sismel- Edizioni del Galluzzo 2004, p. 275-290. 7. « La iatromatematica di Ermete Trismegisto ad Ammone egizio », dans G. BEZZA, Arcana Mundi. Antologia del pensiero astrologico antico, vol. I, Milan, Rizzoli 1995, p. 695. Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 93.0.89.93 - 05/07/2018 13h59. © Presses Universitaires de France Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 93.0.89.93 - 05/07/2018 13h59. © Presses Universitaires de France ORNELLA POMPEO FARACOVI 66 l’étude du thème natal permet de diagnostiquer les prédispositions pathologiques de chaque individu. Ainsi est-il possible au médecin de préparer les remèdes appropriés en tenant également compte des divers moments de la vie, étudiés sur la base des transits 8. Le lien entre la théorie de la correspondance homme-cosmos et les techniques astrologiques est fréquent encore au Moyen Âge et à l’aube des temps modernes. Mais il ne faut pas y voir pour autant un rapport nécessaire. Dans la majorité des textes chrétiens, d’une part, la description de la correspondance homme-monde ne com- porte pas la reprise du vocabulaire astrologique, mais cherche plutôt à illustrer de façon générale l’harmonie et le symbolisme de la création. D’autre part, les techniques astrologiques impliquent une référence non pas à la complexe relation macro-microcosme, mais au plus simple lien de synchronicité : autrement dit, elles se fondent sur l’hypothèse implicite qu’il est possible, à chaque instant, de supposer les positions célestes significatives des événements terrestres concomitants. C’est dans ce cadre qu’elles furent employées en milieu mésopotamien, avant et indépen- damment de la rencontre avec la philosophie grecque, autour de laquelle se forge, à partir de Bérose (fin du III e siècle avant uploads/Litterature/ l-x27-homme-et-le-cosmos-a-la-renaissance.pdf

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