Histoire littéraire : Le personnage de roman Objectifs : Comprendre comment
Histoire littéraire : Le personnage de roman Objectifs : Comprendre comment le romancier construit ses personnages : quelles sont leurs caractéristiques, leurs fonctions, les valeurs qu’ils incarnent ? Comprendre comment le personnage de roman a évolué au cours des siècles. Introduction Dans un roman, les personnages jouent un rôle essentiel : ils accomplissent ou subissent les actions qui alimentent l’intrigue. Ils incarnent les manières d’être et les valeurs d’un milieu, d’une société, d’une époque. Ils affectent la sensibilité du lecteur qui projette en eux ses désirs, ses rêves, ses angoisses. Alors que les personnages sont de créatures fictives, des « êtres de papier », le romancier fait croire à leur existence réelle en les caractérisant et en les faisant vivre par divers procédés. Car le personnage est une création concertée par le romancier, dans la logique de l'univers qu'il fait naître et du regard qu'il est décidé à porter sur le monde. Avec lui se vérifie l'avertissement d'Albert Thibaudet : « Le romancier authentique crée ses personnages avec les directions infinies de sa vie possible, le romancier factice les crée avec la ligne unique de sa vie réelle. Le vrai roman est comme une autobiographie du possible, [...] le génie du roman nous fait vivre le possible, il ne fait pas revivre le réel." (Réflexions sur le roman). Ces précautions prises, on verra comment le romancier s'ingénie à faire oublier cette irréalité du personnage pour le doter au contraire de tout ce qui est de nature à entraîner l'illusion du lecteur. I. La caractérisation du personnage La caractérisation du personnage peut être explicite (le narrateur indique les marques de l'état-civil qui fixent les distinctions sexuelles et sociales, il brosse les portraits ou analyse les ressorts psychologiques qui dépeignent un caractère), mais elle est plus souvent implicite : les connotations attachées aux noms mêmes, les combinaisons narratives, les discours et les relations sociales complètent indirectement notre connaissance du personnage. La désignation : Démiurge, le romancier est attentif à la vraisemblance du monde qu'il a créé. Ainsi Balzac souhaitait « faire concurrence à l'état-civil » et la puissance de son imagination anime un univers semblable au nôtre. Dans cette entreprise de "mimesis" du réel, un personnage « existe » par des indices explicites, relativement faciles à identifier, ceux que fournit d'abord son nom. Associé éventuellement à un prénom, le nom du personnage signale en effet l'écart qui sépare la création romanesque de la vie réelle. Car si, dans celle-ci, un jeune homme fin et racé peut s'appeler Marcel Bouffartigue (par exemple !), il ne saurait en être question dans le roman : ici le nom résulte d'un choix concerté. Ce sera donc Raphaël de Valentin (par exemple !). Le nom du personnage ne doit pas jurer en effet avec les qualités ou les défauts qu'on lui prête, il peut au contraire les signaler de manière explicite. Le nom du personnage livre aussi quelques informations : il trahit une origine sociale (cf. Manon Lescaut, Félix de Vandenesse, Octave Mouret, Angelo Pardi), ou, de manière implicite, signale une profession voire un caractère. Les connotations doivent ici être étudiées de près. Pourquoi, par exemple, voulant dénommer une mère ou une marâtre cruelle et tyrannique, la comtesse de Ségur, Jules Renard et Hervé Bazin aboutissent-ils, chacun de leur côté, à des noms aux sonorités agressives ou chuintantes : Mme Lepic, Mme Mac Miche, Folcoche ? Les modes de présentation : Caractérisation explicite : Le romancier donne au personnage une identité qu'il souhaite rendre crédible et significative. La description est ici un moyen privilégié de caractérisation explicite : le point de vue omniscient permet de dévoiler le passé du personnage, de révéler ses pensées, en somme d'organiser un portrait détaillé. - sur le plan physique : le personnage est solidement campé dans un corps avec ses traits caractéristiques, choisis pour le pittoresque mais aussi en fonction de détails particuliers susceptibles de suggérer des traits psychologiques (ainsi les personnages de Balzac); - sur le plan moral : le romancier s'attache à l'expression des sentiments, s'intéresse à leurs manifestations extérieures (larmes, sourires, gestes significatifs). Le caractère du personnage peut le situer en individu particulier, voire le signaler comme un héros d'exception; il peut au contraire faire de lui un simple exemplaire d'une espèce sociale (cf. les employés chez Balzac); - sur le plan social : le personnage reflète un milieu par ses vêtements, sa profession, son langage, son idéologie (les personnages de Zola ou Balzac sont parfois de simples exemplaires des milieux sociaux systématiquement décrits dans leur entreprise réaliste). Il devient ainsi un type (« Un type [...] est un personnage qui résume en lui-même les traits caractéristiques de tous ceux qui lui ressemblent plus ou moins, il est le modèle du genre », dit Balzac dans sa préface d'Une ténébreuse affaire), voire un mythe (la Carmen de Mérimée). Les écrivains du XIXe siècle vont même s'appliquer à observer et à examiner les caractères d'après le physique des individus d'où les nombreuses comparaisons animales qui émaillent les œuvres de Balzac ou de Zola. Le portrait peut prendre des formes très différentes : Il peut être positif ou négatif, faire l'éloge ou le blâme d'un personnage. Il peut être purement narratif et renseigner simplement sur le héros. Il peut témoigner, en donnant le point de vue en focalisation interne d'un personnage. Il peut être purement documentaire et révéler les conditions de vie difficiles ou aisées des protagonistes. Il peut être imaginaire et poétique, par exemple dans l'évocation d'un personnage rêvé, mort, irréel ou encore absent. Il peut aussi être réaliste et contribuer à rendre vraisemblable un type de personnages. Enfin le portrait se doit d'être au service du langage : décrire, c'est savoir manier le détail à la nuance près, avec art. Disons donc que le portrait a toujours un objectif et une fonction. Il est le reflet, la traduction des intentions de l'auteur ou du personnage qui l'emploient et il est indispensable pour bien comprendre le récit qui l'utilise et dans lequel il est inséré. - Les fonctions du portrait : Elles sont différentes selon les buts du romancier. En outre un même portrait peut remplir plusieurs fonctions. Fonction référentielle : Le portrait a pour but de permettre au lecteur de se forger une idée précise du personnage, de le visualiser en le rendant vraisemblable. Fonction narrative ou explicative : Elle sert à mettre en valeur un personnage à un moment précis de son histoire. Fonction symbolique : Elle montre la portée sociale, morale ou psychologique d'un personnage. Fonction esthétique : Elle offre une galerie de personnages beaux ou laids selon les critères esthétiques de l'époque. Caractérisation implicite : Le personnage peut encore être cerné par le truchement d'une caractérisation implicite : il se révèle en effet au lecteur par ce qu'il fait (actions, comportement) et par la façon dont il agit (mimiques, gestes, apparaissant notamment dans les incises du dialogue). Il peut encore se révéler à nous par ce qu'il dit (vocabulaire, niveau de langue, teneur du discours), voire par un objet qui lui appartient ou par un lieu qui lui est coutumier. Le point de vue des autres personnages contribue de même à sa caractérisation. Les éléments pertinents du portrait ne sont donc pas des signes facilement localisables : ils parcourent l'ensemble du récit. D'autre part, le personnage n'est jamais donné comme une entité définitive : il évolue, se transforme, parcourt un itinéraire d'apprentissage qui nous force à recenser dans un roman tous les signes actifs et à construire de nos propres armes une créature qui, pour une bonne part, a échappé au romancier lui-même. Les techniques de caractérisation diffèrent donc, exprimées par le degré de focalisation narrative et commandées par les choix idéologiques : - le narrateur, en focalisation 0, éclairera-t-il les personnages de l'intérieur en expliquant tous leurs ressorts psychologiques ? C'est le point de vue de toute la tradition classique. - au contraire, en focalisation interne, restera-t-il fidèle au mystère de la vie en respectant l'opacité des êtres et l'étrangeté de leurs mobiles ? (présenté par le point de vue d’un autre personnage ou nous livre des infos sur lui- même). C'est la tendance qu'ont prise les romanciers au détour du XIXème siècle, jusqu'au Nouveau Roman. Enfin, le narrateur peut choisir de nous faire découvrir un personnage en focalisation externe, c’est-à-dire uniquement par la description « objective » des actions qu’il accomplit : là encore il restera fidèle au mystère de la vie en respectant l'opacité des êtres et l'étrangeté de leurs mobiles. II. Le système des personnages Le personnage de roman se définit dans un système de relations, dans un jeu de forces dont il est l'élément moteur. On a coutume de l'appeler héros (héroïne) lorsqu'il occupe une place centrale dans le récit : ce sera le plus souvent le premier nommé, le premier vu ou décrit, parfois celui qui donne son titre au roman (personnage éponyme). Mais le héros se définit ainsi uniquement uploads/Litterature/ histoire-littraire-le-personnage-de-roman.pdf
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- Publié le Dec 24, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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