HOMME OU HOMARD ? Christiane Alberti L'École de la Cause freudienne | « La Caus

HOMME OU HOMARD ? Christiane Alberti L'École de la Cause freudienne | « La Cause du Désir » 2017/1 N° 95 | pages 33 à 36 ISSN 2258-8051 ISBN 9782905040985 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-la-cause-du-desir-2017-1-page-33.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour L'École de la Cause freudienne. © L'École de la Cause freudienne. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. Powered by TCPDF (www.tcpdf.org) © L'École de la Cause freudienne | Téléchargé le 31/07/2021 sur www.cairn.info (IP: 188.77.46.168) © L'École de la Cause freudienne | Téléchargé le 31/07/2021 sur www.cairn.info (IP: 188.77.46.168) La Cause du désir no95 33 VIRILITÉS PLURIELLES HOMME OU HOMARD ? Christiane Alberti a virilité est par excellence un fantasme. L’aspiration à la virilité se joue sur cette scène, en ce qu’elle repose sur le comblement de la castration (- f) par a : « c’est cela même l’institution du sujet cernée par Freud, soit le caractère radical de l’institution phallique du sujet par le biais d’un fantasme lequel est toujours phallique 1 ». Le fantasme est donc machine à viriliser les êtres parlants, mâles ou femelles. Cet usage du terme de virilité par Jacques-Alain Miller comme élévation fantasma- tique du phallus2, nous incite à interroger les ressources de cette mention spécifique. Carapace virile Freud fait de la quête de la virilité (das Streben nach Männlichkeit) un obstacle à la fin de l’analyse. Il mentionne la rébellion contre la passivité en terme de « se hérisser3 » (straüben) devant la crainte de voir un autre homme le féminiser. La « protestation virile 4 », Freud le souligne, ne doit pas nous orienter vers la notion d’une passivité en termes de rôle, puisqu’elle est tout à fait compatible avec un assujettissement, voire un masochisme envers la femme. L’homme ne se défend de la féminisation que dans le rapport à l’homme : il n’est en fait question de rien d’autre que de l’angoisse de castration. Le viril s’aperçoit ici, dans cette temporalité de la fin de l’analyse, comme refus de la féminité : le viril surgit toujours en rapport avec ce trou. L Christiane Alberti est psychanalyste, présidente de l’École de la Cause freudienne. 1. Miller J.-A., « L’orientation lacanienne. L’Un tout seul » (2010-2011), enseignement prononcé dans le cadre du département de psychanalyse de l’université Paris VIII, cours du 9 février 2011, inédit. 2. C’est d’ailleurs à ce titre que l’obstacle fantasmatique peut être surmonté, dépassé, traversé. 3. La notion de « se hérisser », « se carapacer », a évoqué pour nous le jeu de mot que J.-A. Miller relève dans un passage de Madame Bovary repéré par Rose-Marie Bognar : « N’oublie pas le homard, amour d’homme ». 4. Freud S., « L’analyse avec fin et l’analyse sans fin » (1937), Résultats, Idées, Problèmes, t. II, Paris, PUF, p. 268. © L'École de la Cause freudienne | Téléchargé le 31/07/2021 sur www.cairn.info (IP: 188.77.46.168) © L'École de la Cause freudienne | Téléchargé le 31/07/2021 sur www.cairn.info (IP: 188.77.46.168) Virilités plurielles Par procuration : toujours le père Dans les années 1950, Lacan situe d’emblée l’assomption du sexe dans la dimension éthique : ce que le sujet est prêt à payer de sa personne pour la rançon du désir. Réduire ce problème à un rôle viril ou féminin à tenir s’apparente à un abandon, une lâcheté morale. Lacan indique comment la mascarade s’établit côté homme : la question du danger qui menace est résolue par identification au père. Viril, un homme ne l’est jamais que « par procuration », que par « une série indéfinie de procurations, qui lui viennent de tous ses ancêtres mâles » : une satisfaction s’obtient dans la mascarade virile par « identifica- tion pure et simple à celui qui en a les insignes5 ». Il n’y a de virilité que jaugée à l’aune de celle imaginée, postulée, du père. À l’ho- rizon, s’inscrit un « tout homme » ou « tout phallique » d’une vie par procuration, qui s’oppose en tout point au désir, ou qui en constitue un ravalement. Désir versus virilité absolue Inversement, sur le plan du désir, c’est pour autant que sa satisfaction se trouve dans le rapport à une femme, qu’un homme est poussé à chercher le phallus, toujours ailleurs, toujours à l’extérieur du champ de son désir : d’où ses « tendances centrifuges » dans la relation monogamique. De ce fait, un homme « n’est pas lui-même en tant qu’il satisfait » : « il obtient la satis- faction de l’Autre, mais […] ne se perçoit que comme l’instrument de cette satisfac- tion6 ». Il y a donc aussi, côté homme, un profond rejet, en tant qu’être, de ce en quoi il paraît sous le mode masculin. Lacan propose en outre une formulation à propos de l’obsessionnel dont il semble faire une vérité plus courante : « le sujet ne peut vraiment centrer son désir qu’en s’op- posant à ce que nous appellerons une virilité absolue7 ». Faute d’un appui pris dans la référence au désir de l’Autre, la seule chose qui puisse en effet donner à l’obsessionnel un support à son désir, un semblant d’appui, c’est un objet toujours réductible au phallus. Le phallus en place d’objet, telle est l’illusion de la solution « virilité absolue ». La forme du désir mâle C’est dans son écrit « Remarque sur le rapport de Daniel Lagache » que Lacan propose une écriture du désir mâle : F(a), « La fonction F du signifiant perdu, à quoi le sujet sacrifie son phallus8 ». Comment entendre la fonction du « signifiant perdu » ? Sinon qu’il 34 5. Lacan J., Le Séminaire, livre V, Les Formations de l’inconscient (1957-1958), texte établi par Jacques-Alain Miller, Paris, Seuil, coll. Champ Freudien, 1998, p. 351. 6. Ibid. De même qu’une femme « n’est pas elle-même » en tant qu’elle est le phallus : « étrangeté de son être par rapport à ce en quoi elle se doit de paraître ». 7. Ibid., p. 403. 8. Lacan J., « Remarque sur le rapport de Daniel Lagache : “Psychanalyse et structure de la personnalité” », Écrits, Paris, Seuil, coll. Champ Freudien, 1966, p. 683. © L'École de la Cause freudienne | Téléchargé le 31/07/2021 sur www.cairn.info (IP: 188.77.46.168) © L'École de la Cause freudienne | Téléchargé le 31/07/2021 sur www.cairn.info (IP: 188.77.46.168) Christiane Alberti, Homme ou homard ? n’y a aucun signifiant susceptible d’une détermination absolue de l’identité homme, disons « un homme, un vrai ». Au regard du manque-à-être, l’idéal viril s’avère toujours inatteignable. La fonction F est saturée par (a) qui y fait fonction d’argument : elle implique la castration et pousse le sujet à chercher son complément dans (a). Le sujet cède le phallus dans la relation à l’autre sexe et en obtient la position être un homme. Il fait alors couple non pas avec l’autre sexe mais avec un objet prélevé sur le corps de l’autre. De la forme du désir mâle, on peut déduire, comme le propose J.-A. Miller, l’écriture du fantasme côté homme : S ◊F(a) : « le désir masculin se soutient de semblants phal- licisés9 ». Il en ressort une prégnance spéciale du fantasme dans la sexuation côté homme. Effet féminisant dans le discours Dans les années 1970, la référence au discours renouvelle les concepts d’homme et de femme à partir de leur prise dans le discours, au-delà de la métaphore du père. Ce qui pourrait être appelé l’homme nous dit Lacan, disparaît, s’évanouit, de l’effet même de sa prise dans le discours, « de ne s’inscrire qu’en castration10 ». Situé dans le discours du maître, il ne peut être qu’en défaut de toute-puissance. C’est par l’inscription dans le discours, de l’homme comme castré, que s’institue le désir. Lacan souligne l’effet fémi- nisant de cette incidence discursive, l’affect subi, c’est a, comme cause du désir. Les modalités en sont singulières, passage de la jouissance au désir, non sans la médiation de l’amour. La mise en jeu du phallus sur un certain mode, avec la dimension de jeu et de comédie que cela comporte, peut s’alléger de la crainte de la castration imaginaire et ainsi ne pas faire obstacle à ce que la rencontre réelle avec l’Autre se produise, heure de vérité où la prestance virile n’est plus de mise. Virilité au XXIe siècle : la communauté des mâles Dans le Séminaire XVIII, Lacan opposant le mythe d’Œdipe à celui de Totem et Tabou rapproche la construction de ce dernier de la névrose obsessionnelle : les hommes s’in- uploads/Litterature/ homme-ou-homard.pdf

  • 16
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager