Dr. PALANGUE Kouassi Abraham Spécialité : Littérature latino-américaine Départe

Dr. PALANGUE Kouassi Abraham Spécialité : Littérature latino-américaine Département d’Etudes Ibériques et Latino-américaines Email : palangueabraham@gmail.com INTRUSION DE LA LANGUE LOCALE DANS LES ŒUVRES DE DEUX AUTEURS CONTEMPORAINS : LE NAHUATL DE JUAN RULFO ET LE MALINKÉ DE d’AHMADOU KOUROUMA Résumé Le présent article est une étude des langues locales dans les œuvres littéraires, en l’occurrence le nahuatl du mexicain Juan Rulfo, et le malinké de l’auteur ivoirien Ahmadou Kourouma. Il s’agit de montrer comment les langues maternelles sont valorisées par le moyen de la littérature. Le mélange du nahuatl avec l’espagnol et le malinké au français est un véritable facteur de multiculturalité. Mots-clés : Langue, nahuatl, malinké, espagnol, français. Resumen Este artículo es un estudio de las lenguas locales en las obras literarias, en ocurrencia el náhuatl del mexicano Juan Rulfo, y el malinké del autor marfileño Ahmadou Kourouma. Se trata de mostrar en qué medida las lenguas maternas son valorizadas a través de la literatura. La mezcla del náhuatl al español y el malinké al francés es un verdadero factor de multiculturalidad. Palabras clave : Lengua, náhuatl, Malinké, español, Francés. 1 Introduction La langue locale est l’un des éléments essentiel sur lequel se reposent les œuvres du mexicain Juan Rulfo et de l’ivoirien Ahmadou Kourouma. Il est difficile de justifier le succès de ces deux romanciers en dehors d’une telle remarque qui les singularise parmi les auteurs latino-américains et africains. Sans se déconnecter de leurs milieux socioculturels, ils ont su imposer « leur respective langue étrangère, l’espagnol et le français »1, un langage adapté à leur langue maternelle, le nahuatl et le malinké. L’intérêt des deux auteurs est qu’ils ont cherché à valoriser leurs langues d’origine en les introduisant dans leurs productions littéraires. En ce qui concerne les œuvres sur lesquelles porte l’étude des langues locales, il s’agit de Pédro Páramo et El llano en llamas de Juan Rulfo et Les soleils des indépendances d’Ahmadou Kourouma. La plus grande réussite de ces deux auteurs réside dans l’expressivité de leur langage qui associe tradition et modernité. Ils posent donc le problème de la valorisation des langues locales à travers les œuvres littéraires espagnoles et françaises. Notre objectif est de déterminer les différents types de langages employés par les deux auteurs de différentes cultures, aztèque et ivoirienne. Nous utilisons une méthode comparative puisqu’il s’agit de l’étude de deux auteurs, l’un mexicain et l’autre ivoirien. Nous présenterons d’abord le nahuatl et le malinké ; ensuite les mots et les néologismes utilisés par Rulfo et Kourouma. I. Le nahuatl et le malinké Le langage littéraire utilisé par Rulfo tire son origine du nahuatl et de l’espagnol, tandis que celui de Kourouma est un mélange du malinké et du français. 1. Le nahuatl au Mexique La langue espagnole est arrivée au Mexique avec les conquérants espagnols. Aujourd’hui, il s’agit de la langue la plus répandue au Mexique puisque 99% des Mexicains l’utilisent. Néanmoins, pendant la conquête, il y a eu certains missionnaires espagnols qui ont appris les langues des Indiens afin de rendre plus facile le processus d’évangélisation. Cela a contribué à la continuité du nahuatl et au contact entre les deux langues. Mais, à partir de l’année 1696, où le roi d’Espagne Carlos II a décrété que l’espagnol serait la seule langue 1 Betina, Bégong-Bodoli, « Juan Rulfo et Ahmadou Kourouma : de le mexicanisation de l’espagnol à l’africanisation du français », Langues et Littératures, Saint-Louis (Sénégal), Université G. B. de Saint-Louis, no 6, 2002, p. 92. 2 employée dans les affaires officielles, les missionnaires ont renoncé à étudier les langues autochtones. L’indépendance de Mexico accordée, le gouvernement commence un plan d’hispanisation afin d’adopter la langue espagnole et d’éliminer les différences ethniques. Cependant, en dépit de la tentative d’intégrer les Indiens à la nation, on ne respecte pas leurs cultures ancestrales. Malgré cela, aujourd’hui des mots d’origine préhispanique persistent dans le vocabulaire national : en particulier pour désigner des objets d’origine mésoaméricaine qui n’existaient pas en Espagne ; mais aussi il y a beaucoup de mots d’origine nahuatl qui ont été adoptés par l’espagnol : guacamole, aguacate, chocolate, chile, Cacahuate, etc, « […] las huellas de las lenguas precolombinas parecen evidentes y numerosísimas. Sobre todo en el terreno léxico: el vocabulario del español americano se muestra esmaltado, a los ojos de casi todos los investigadores, por abundantes indigenismos»2. En 1992, la Constitution Mexicaine a été modifiée afin de reconnaître le caractère multiculturel du pays car, actuellement au Mexique, soixante-deux langues autochtones sont parlées et font partie d’un important patrimoine culturel. De celles-ci, la principale est le nahuatl : Hoy la familia náhuatl es la que posee más hablantes de todas las lenguas indígenas de México: más de un millón y medio, distribuidos en la Ciudad de México y los estados de Durango, Guerrero, México, Michoacán, Morelos, Oaxaca, Puebla, San Luis Potosí, Tabasco, Tlaxcala y Veracruz.3 2. Le malinké en Côte d’Ivoire La population ivoirienne est généralement repartie en quatre ensembles ethnolinguistique historiquement localisés dans des aires géographiques précises du pays: les Akan (38,1%) occupant le Centre, l’Est et le Sud-est; les Voltaïque (21,2%) occupant la plus grande partie 2 Lope Blanch, cité par Lucía Navarro Brotons, « Traduire la langue, traduire la culture. Le cas des proverbes multiculturels mexicains ayant des voix du nahuatl », Synergies Tunisie, n° 3, 2011, p. 126. Notre traduction: […] les traces des langues précolombiennes semblent évidentes et très nombreuses. Surtout sur les champs lexical : le vocabulaire de l’espagnol américain se montre émaillé, aux yeux de presque tous les investigateurs, par d’abondants indigénismes. 3 Rodríguez Valle, « Refranes con palabras de origen náhuatl », Revista de literaturas populares, Núm. 2, Julio- Diciembre 2005, p. 176. Notre traduction: Aujourd’hui la famille nahuatl est celle qui possède le plus de parleurs parmi toutes les langues indigènes du Mexique : plus d’un million et demi, repartis dans la ville de Mexico et les États du Durango, Guerrero, México, Michoacán, Morelos, Oaxaca, Puebla, San Luis Potosí, Tabasco, Tlaxcala et Veracruz. 3 du Nord ; les Mandé4 et les Krou (11,3%) s’étendant sur la plus grande partie de l’Ouest et du Sud-ouest ; La présente fiche opère un focus sur les Malinké (Mandé du Nord), sous-groupe Mandé le plus important démographiquement en Côte d’Ivoire. L’identité Malinké repose non seulement sur un socle linguistique (la langue malinké) et historico-politique, mais surtout sur des réalités socio-économiques et religieuses. D’un point de vue historique et politique, les Malinké réclament une origine commune, l’Empire mandingue, fondé au XIIIe siècle par Soundjata Keïta. Ce dernier a alors fédéré un ensemble de clans en instituant une charte connue sous le nom de « Charte de Kouroukan Fouga »5. Cette Charte a servi de Constitution à l’empire tout en régulant les rapports sociaux entre les différents clans. II. Emploi de mots locaux et création de néologismes La langue locale est l’une des ressources les plus utilisés par Juan Rulfo et Ahmadou Kourouma dans la création de leurs œuvres littéraires. Les deux auteurs soutirent leurs mots, expressions et tournures idiomatiques de l’expérience vitale du monde du monde rural dont ils se postulent les porte-parole. Rulfo et Kourouma ont mis un grand soin à reproduire le langage utilisé quotidiennement autour d’eux. 1. Usage de mots locaux 1.1. Juan Rulfo Rulfo utilise plusieurs mots locaux dans ses productions littéraires. Nous avons par exemple : Mezcal (eau-de-vie de gave) ; milpa (Champs de maïs) ; chachalacas (ortalide, oiseau gallinacé du Mexique) ; petate (natte) ; borlote (tumulte ou grand bruit), etc. Il crée des mots à partir de la structure de la langue maternelle, nous citons : penar (ramasser) ; desmañanarse (être matinale) ; mercar (acheter) ; tatemar (griller) ; tilcuatazos (coups donnés par el tilcuate). 1.2. Ahmadou Kourouma 4 Les Mandé du Nord (19%) essentiellement composés des ethnies Malinké reparties sur une partie du Nord (Nord-ouest et Nord-est), les Mandé du sud (9,1%) occupant une partie de l’Ouest. 5 Lemassou Fofana, Côte d’Ivoire : Islam et société, Contribution des musulmans à l’édification de la nation ivoirienne (Xe- XX siècle), Abidjan, Les Editions du CERAP, 2007, p. 154. 4 Chez Kourouma, nous notons l’usage de certains termes d’origine malinké comme gnamokodé (injure), dolo (bière de mil), tô (patte à base de maïs ou de mil), tara (lit), foutou (boulette de banane, de manioc, d’igname ou de taro servie avec des sauces), fonio (céréale de la famille des poacées cultivé sur le continent africain), balafon (instrument de musique africain), togobala (village malinké), etc. D’autres termes ont été créés par l’auteur ivoirien et apparaissent le plus souvent dans ses écrits : guenilleux (qui est vêtu de guenilles), besaciers (personne qui porte une besace), maraboutages (action d’ensorceler), nuiter (passer une nuit dans un lieu), tomassini (Thomas en malinké), Matali (Nathalie). 2. Création de néologismes L’un des aspects les plus créatifs de Juan Rulfo et d’Ahmadou Kourouma est la création de néologismes à partir de mots, d’une part espagnols ou français, et d’autre part nahuatls ou malinkés. Pour rester fidèles à leurs lieux natifs, au lieu d’utiliser totalement les mots locaux, se valent des mots d’origine uploads/Litterature/ la-langue-locale-dans-les-oeuvres-de-deux-auteurs-contemporains 1 .pdf

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