La résilience La résilience est la capacité de se défendre et de riposter face
La résilience La résilience est la capacité de se défendre et de riposter face au malheur. On devine donc dans la résilience propre à l’individu le degré de sa force de vivre. 1. Le déni est un mécanisme de défense d’urgence qui limite les dégâts psychiques du choc. Il consiste à nier l’importance du choc afin de garder une image solide de soi-même, ou d’éviter l’abondance d’émotions négatives. Il s’agit de l’étape primitive du deuil qui permet en quelque sorte de s’anesthésier, d’entrer dans une bulle et de préserver ses forces afin de mieux rebondir. Si rester dans le déni ne permet pas de digérer le choc, il laisse au moins le temps de préparer la riposte. Hugo, lorsqu’il apprend la mort de sa fille, témoigne de cette mise à distance provoquée par une intense douleur : Et je n’y croyais pas, et je m’écriais : Non ! […] Il me semblait que tout n’était qu’un affreux rêve » IV- IV Certains paysans de Tchernobyl, qui ne peuvent se résoudre à quitter leur terre et toute la vie qui gravite autour, en viennent également à nier l’existence du drame : « Je crois qu’il n’y a pas eu de Tchernobyl. Qu’on a tout inventé… […] « Il faut bien vivre » p. 60 Le refus de penser à la mort, s’en aveugler, est une forme de déni qui préserve l’envie de vivre : « Je ne veux pas penser à la mort » p. 231 2. La révolte est la force qui agit contre l’accablement dû à la souffrance. La révolte montre que le traumatisme n’est pas digéré. Néanmoins, elle est l’une des premières et plus vives réactions de la force de vivre face au sentiment d’impuissance et d’injustice soulevé par le malheur. La mort des enfants semble profondément injuste car elle va à l’encontre l’ordre naturel des choses. Elle suscite une grande révolte dont Hugo se fait le porte- parole : « Pour le faire mourir, pourquoi l’avoir fait naître ? » « Puis je me révoltais » IV-IV La révolte des parents de Tchernobyl les pousse à se battre pour la reconnaissance des morts. Ce qui contraste avec le sentiment d’impuissance et de résignation de beaucoup de témoins « Non ! Je ne peux plus continuer ! [] Je veux témoigner que ma fille est morte à cause de Tchernobyl » p. 46 La révolte est selon Nietzsche le signe d’un esprit libéré. Le révolté refuse « l’anéantissement des passions et le silence de la volonté » (§ 326) prôné par la morale « commune ». Il est contre la pensée dominante qui étouffe la force de vivre 3. La quête de sens permet de remédier à la désorganisation psychique causée par le choc. Chercher un sens au malheur est une manière de le rendre compréhensible, de l’intégrer dans une suite logique afin de tourner la page. Hugo symbolise cette quête par la recherche d’un astre qui pourrait le guider dans ses ténèbres : « Je cherche autre chose en ce ciel vaste et pur. » IV-X Il finit par concevoir l’existence comme une lutte entre le bien et le mal. Cette organisation symbolique du monde donne sens au malheur et force à sa vie. Accuser la science ou parler de l’action de Dieu sont des moyens détournés de donner sens au drame de Tchernobyl : « Pourquoi Tchernobyl a sauté ? Certains disent que c’est la faute des scientifiques. Ils attrapent Dieu par la barbe Mais pour de nombreuses victimes, cette quête de sens est vouée à l’échec. En effet les causes et conséquences de Tchernobyl restent des plus mystérieuses : « Nous ne savons pas comment tirer le sens de cette horreur » p. 93 « Tchernobyl a ouvert un abîme »p 182 Pour comprendre et se soigner, l’Homme doit se confronter à lui-même, à ce qu’il ressent : « Le problème de Tchernobyl est d’abord celui de la connaissance de soi-même » p. 134 Aux yeux de Nietzsche, si nous voulons transformer nos expériences en « gai savoir » ; il ne faut pas chercher la vérité a tout prix. Il faut vivre pleinement et ne pas gaspiller sa vie dans des hypothèses car cela ne va rien changer 4. L’humour et la gaieté font partie des mécanismes de résilience les plus surprenants de l’Homme face au malheur. C’est une manière de dédramatiser et de dévaluer son importance par rapport à ce qui compte dans la vie. Faire preuve d’humour, c’est aussi mettre la souffrance à distance. Voire la vaincre, en convertissant son énergie négative en plaisir. L’humour est enfin un moyen efficace de se changer les idées. L’humour est fréquent dans les témoignages de La supplication. Il permet de regarder l’horreur et la peur en face en les démystifiant, en les tournant à la dérision : « L’humour était notre seule planche de salut. On racontait des blagues sans arrêt » p. 114 La gaieté d’esprit est essentielle dans l’art de vivre de Nietzsche. C’est la clé du succès de l’Homme qui souhaite vivre et s’enrichir de toute expérience, notamment malheureuse : « Ce qui en est la première et nécessaire condition, la gaieté d’esprit, toute gaieté d’esprit, mes amis ! » Préface § 4 5. Le rêve est un mécanisme de résilience permettant d’échapper à la désolation du réel. A la différence du déni qui cache la réalité, le rêve la met simplement de côté. Il permet de se projeter dans un monde meilleur et d’envisager un lendemain où le traumatisme sera enfin absorbé : Le rêve est récurrent chez les Tchernobyliens. Il représente souvent la seule échappatoire face à une réalité quotidienne insupportable. L’imaginaire a aussi une place centrale, comme le montre le monologue du journaliste Chimanski (p. 130), mais surtout les enfants : « [Les enfants] lisent de la science-fiction. Cela les entraîne dans un monde différent, où l’homme se détache de la terre » p. 123 Nietzsche se montre aussi rêveur. Face au déclin de l’humanité, il aspire à l’élévation du genre humain. Il rêve : « Une noblesse nouvelle, telle que n’en vit et n’en rêva encore aucune époque » § 337 La résilience comme riposte 1. Écrire et parler agit comme une délivrance. L’expression orale ou écrite du traumatisme est souvent le signe que l’individu se libère du poids d’un souvenir douloureux, pour retrouver ses forces Après une « terrible et longue oppression », Le gai savoir est le transfert sur papier du jaillissement de force ressenti par Nietzsche le « ressuscité ». Il traduit une profonde délivrance : « Tout ce livre n'est justement rien d’autre [que] l’exultation de la force qui est de retour » Préface § 1 2. L’art et la création sont révélateurs de la force de vivre(voir) 3. Être exemplaire, montrer la voie peut devenir le but de l’individu résilient. C’est une manière positive de prendre sa revanche sur le malheur, de devenir maître de son destin. À ce titre, par leur témoignage, les 3 auteurs au programme semblent vouloir montrer l’exemple, améliorer la condition de l’humanité, la guider vers un lendemain meilleur. Hugo, progressiste et visionnaire, a lutté pour l’avènement des droits de l’Homme. L’espoir de voir une humanité épanouie nourrit sa force de vivre : « Guider les foules décrépites Vers les lueurs de l’horizon […] Tout penseur suit un but profond Nietzsche, également visionnaire, se projette dans le personnage et prophète Zarathoustra qui a pour tâche de sauver l’humanité du naufrage nihiliste. Il veut montrer l’exemple de son élévation : ! Assombrissons autrui par notre lumière ! » § 321 4 L’altruisme peut être une manière de prendre une revanche sur la vie. Se dévouer aux autres permet de montrer que le mal n’a pas pris le dessus sur soi-même. Réparer les autres, c’est aussi une façon de se réparer soi-même. Hugo a une nature profondément altruiste. Le poème « Les malheureux » montre à quel point il puise sa détermination dans le combat du « bien » contre le « mal » : « Depuis vingt ans, je n’ai, comme aujourd’hui, Qu’une idée en l’esprit : servir la cause humaine » V-III Avec le sacrifice des liquidateurs, l’altruisme prend une forme extrême. Bien que tous ne fussent pas conscients de l’importance et des conséquences de leur dévouement lors des faits, ils le regrettent rarement. Car ils ont agi pour la préservation d’un grand nombre de vies L’altruisme (ou la « pitié ») est selon Nietzsche une manière détournée de s’oublier : s’occuper du malheur d’autrui, c’est éviter l’effort de s’occuper de soi-même. De plus, l’altruiste nie l’utilité « personnelle du malheur » qui permet au malheureux de se surpasser et donc d’accroître ses forces » « nous prenons la fuite pour nous réfugier dans la conscience d’autrui » § 338 5 Partager le malheur est-il possible ? Hugo, Nietzsche, Alexievitch, tous trois partagent une expérience de la souffrance, de la manière de la supporter, de l’affronter, voire de la dépasser : mais est-il seulement possible de partager l’expérience du uploads/Litterature/ la-resilience 1 .pdf
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- Publié le Sep 30, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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