NeHeT Revue numérique d'Égyptologie (Paris-Sorbonne - Université Libre de Bruxe

NeHeT Revue numérique d'Égyptologie (Paris-Sorbonne - Université Libre de Bruxelles) Volume 1 2014 La revue Nehet est éditée par Laurent Bavay Nathalie Favry Claire Somaglino Pierre Tallet Comité scientifique Florence Albert (Ifao) Laurent Bavay (ULB) Sylvain Dhennin (Ifao) Sylvie Donnat (Université de Strasbourg) Nathalie Favry (Université Paris-Sorbonne) Hanane Gaber (Collège de France) Wolfram Grajetzki (UCL) Dimitri Laboury (ULg – F.R.S.-FNRS) David Lorand (ULB-F.R.S.-FNRS) Juan-Carlos Moreno Garcia (CNRS-UMR 8167) Frédéric Payraudeau (Université Paris-Sorbonne) Tanja Pommerening (Université de Mayence) Lilian Postel (Université Lyon 2) Chloé Ragazzoli (Université Paris-Sorbonne) Isabelle Régen (Université Montpellier 3) Claire Somaglino (Université Paris-Sorbonne) Pierre Tallet (Université Paris-Sorbonne) Herbert Verreth (KULeuven) Ghislaine Wiedmer (Université Lille 3) Contact : revue.nehet@gmail.com Couverture : Le cours du Nil à Tombos, Soudan (© Pierre Tallet) I SOMMAIRE Laurent Bavay, Nathalie Favry, Claire Somaglino, Pierre Tallet Éditorial .....................................................................................................................................III Claire Somaglino, Pierre Tallet Une campagne en Nubie sous la Ire dynastie. La scène nagadienne du Gebel Sheikh Suleiman comme prototype et modèle .....................................................1 - 46 Camille Gandonnière Chasseurs et équipes de chasseurs de l’Ancien au Nouvel Empire ........................... 47 - 69 Nathalie Favry L’hapax dans le corpus des titres du Moyen Empire ................................................... 71 - 94 Adeline Bats La loi-hp dans la pensée et la société du Moyen Empire .................................... 95 - 113 Frédéric Payraudeau Retour sur la succession Shabaqo-Shabataqo ......................................................... 115 - 127 Félix Relats-Montserrat Le signe D19, à la recherche des sens d’un déterminatif (I) : la forme d’un signe ..................................................................................................... 129 - 167 Résumés anglais ......................................................................................................... 169 - 170 71 L’HAPAX DANS LE CORPUS DES TITRES DU MOYEN EMPIRE Nathalie Favry * Nehet 1, 2014 A u sein de l’État égyptien du Moyen Empire, quelque 2000 titres administratifs, civils, religieux et militaires définissent les fonctions, les charges et les missions assumées par les membres de son administration ou encore les artisans de sa société1. Dans le cadre des études prosopographiques modernes, la notion de « titre régulier » permet de réunir les titres exprimant des fonctions clairement définies. Dans son étude Famille royale et pouvoir sous l’Ancien Empire égyptien, M. Baud signale à ce sujet que « la notion comporte, pour le chercheur une dimension numérique : en deçà d’un seuil d’attestations minimal, on considère, peut-être à tort, que le titre ne peut remplir les critères établis plus haut, en particulier rendre compte d’une position dans l’État »2. C’est en fait sur l’expression de ce regret que nous souhaitons nous attarder ici. La recherche quantitative sur les titres de fonctions, titres exprimant une mission temporaire ou encore titres désignant plus particulièrement un métier manuel, menée depuis plusieurs années dans le cadre du programme CAPÉA a révélé l’existence d’une très importante proportion d’hapax au sein du corpus de titres3 puisqu’ils représentent à ce jour près de 40 % de l’ensemble des titres recensés. Pour limiter immédiatement l’impact d’une telle statistique, il convient d’invoquer ici les aléas de la découverte archéologique. Un titre connu à ce jour par un seul document pourrait, dès demain, voir son nombre d’attestations multiplié par la mise au jour ou la publication d’une stèle sur laquelle plusieurs individus porteraient ce même titre. Cette constatation vaut bien entendu pour l’ensemble des attestations actuellement connues. Toutefois, nous nous proposons de passer outre cette restriction documentaire et de réfléchir à un ensemble de cas dans lesquels l’attestation unique aurait une véritable raison d’être. La structure du titre unique obéit au même schéma défini pour tout titre : « en préfixe, un grade, une dignité, un commandement », suivi de la mention du « domaine d’exercice des compétences » et facultativement « en postfixe un lieu géographique ou une institution de référence »4. Les 1  Les titres sont principalement recensés dans les ouvrages suivants : W.A. Ward, Index of Egyptian Administrative and Religious Titles of the Middle Kingdom, Beyrouth, 1982 ; H.G. Fischer, Egyptian Titles of the Middle Kingdom. A Supplement to W. Ward’s Index, New York, 1997 (2e éd.) ; St. Quirke, Titles and Bureaux of Egypt 1850-1700 BC, GHP Egyptology 1, 2004. 2  M. Baud, Famille royale et pouvoir sous l’Ancien Empire égyptien I, BiEtud 126/1, 1999, p. 237. 3  Le programme CAPEA « Corpus et Analyse Prosopographique en Égypte Ancienne » est développé depuis 2007 au Centre de Recherches Égyptologiques de la Sorbonne (Université de Paris-Sorbonne). Il réunit à ce jour 1326 titres portés par 5247 individus principament datés de la XIe à la XIIIe dynastie. La liste des titres, encore en cours d’étude, n’est pas exhaustive et leur nombre sera amené à fortement évoluer dans un futur proche. 4  M. Baud, op. cit., p. 246. 72 deux premières composantes de la structure établie par M. Baud étant indispensables, nous proposons de les réunir sous l’appellation « titre-“racine” », que nous définissons alors comme un titre qui existe par lui-même et se suffit à lui-même. Le titre-racine seul ne peut être unique, mais l’adjonction d’un nom de lieu, d’un toponyme, ou d’une institution, peut parfois le rendre unique. L’analyse de plusieurs études de cas tentera de répondre finalement à cette question : est-ce que l’attestation unique d’un titre prouve l’existence du titre unique ? Constatations chronologiques XIe dynastie(a) Antef II Antef III Montouhotep II Montouhotep III Montouhotep IV 19 1 (11)(b) 1 (1) 17 (64) 3 (11) 9 (34) 1 (9) Fin XIe dynastie - Début XIIe dynastie 3 XIIe dynastie Amenemhat Ier Sésostris Ier Amenemhat II Sésostris II Sésostris III Amenemhat III Amenemhat IV 21 25 (103) 92 (300) 19 (129) 1 (31) 11 (76) 26 (200) 3 (51) 3 (35) 4 (21) 12 (74) 3 (21) 8 (55) 12 (62) Fin XIIe dynastie - début XIIIe dynastie 19 XIIIe dynastie Khendjer Ouserkarê Sobekhotep Sékhemrê Séouadjtaouy Néferhotep Khasékhemrê Sobekhotep Khanéferrê Ibia Ouahibrê 23 6 (60) 11 (95) 17 (111) 6 (71) 1 (12) 1 (23) 1 (15) 6 (84) (a) Nombre d’attestations uniques d’un titre datées de la dynastie, sans précision de règne. (b) À côté du nombre d’attestations uniques d’un titre est noté, entre parenthèses, le nombre de titres actuellement connus sous le règne. Tableau 1. Répartition chronologique des références uniques datées 73 Sur un très large échantillon de 1326 titres administratifs, militaires et religieux, 556 d’entre eux ne sont référencés qu’à une seule reprise ce qui correspond, statistiquement parlant, à plus de 41 % de l’ensemble des attestations. 300 d’entre elles ont pu être datées plus précisément d’un ou plusieurs règnes de souverains des XIe, XIIe et XIIIe dynasties (cf. tableau 1). L’observation des données statistiques montre que la proportion des références uniques est spécialement importante à la XIIe dynastie puisqu’elle réunit exactement 73 % des exemples retenus pour l’ensemble des trois dynasties (contre 10,67 % pour la XIe dynastie et 16,33 % pour la XIIIe dynastie). En outre, les trois premiers règnes de cette dynastie sont sont des témoins privilégiés de ce phénomène puisque 173 références uniques sont datées d’Amenemhat Ier, Sésostris Ier et Amenemhat II, soit 79 % des titres de la XIIe dynastie et 57,67 % de l’ensemble des titres datés des trois dynasties. Enfin, avec 92 hapax, le seul règne de Sésostris Ier prédomine. Ce souverain réunit en effet, à lui seul, 30,67 % de l’ensemble des hapax connus aux XIe, XIIe et XIIIe dynastie et même 42,01 % de ceux de tous les hapax de la XIIe dynastie. Il semble évident que les durées respectives des règnes entrent largement en ligne de compte pour expliquer les disparités observées : long de 45 ans, le règne de Sésostris Ier possède naturellement une part bien plus importante de titres que celui de Sésostris II (8 ans) ou encore celui de Sésostris III (19 ans). Toutefois, la durée d’un règne ne saurait à elle-seule expliquer l’ensemble des phénomènes observés. Ainsi, lorsque l’on compare simplement les deux règnes — de longueur identique —, de Sésostris Ier et d’Amenemhat III, on observe des données bien différentes. Alors que pour le règne de Sésostris Ier on a comptabilisé 92 attestations uniques (soit 30,67 % des 300 titres connus sous le règne), on n’en recense que 26 pour le règne d’Amenemhat III (soit seulement 13 % des 200 titres référencés). Une dernière statistique confirme encore un peu plus ce constat : alors que la part des hapax dans le total des 1326 titres choisis au départ de l’étude est de 1,97 % pour le règne d’Amenemhat III, elle atteint presque 7 % pour celui de Sésostris Ier. C’est en fait le seul règne à présenter une proportion aussi élevée d’hapax. Par comparaison, le règne d’Antef II, long de 49 ans, ne réunit que 0,08 % d’attestations uniques de titres5. Les données statistiques rejoignent assez clairement nos connaissances historiques de la période. En effet, aussi bien Montouhotep II, qu’Amenemhat Ier, Sésostris Ier et Amenemhat III sont connus pour avoir joué, chacun à leur façon, un rôle particulièrement actif dans le développement administratif de l’Égypte au cours du Moyen Empire. Cet impact transparaît encore une fois à travers la part de nouveaux titres recensés au cours de leurs règnes respectifs : Sésostris Ier (6,94 %), Amenemhat III uploads/Litterature/ nehet-1-03-favry.pdf

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