Annales de l’Université Omar Bongo n° 14 ISSN : 2-912 603-18-8 - ISBN : 978-2-9
Annales de l’Université Omar Bongo n° 14 ISSN : 2-912 603-18-8 - ISBN : 978-2-912603-21-0 - EAN : 9782912603210 Mise en ligne le 27 octobre 2009. LE NEO-REALISME ET L’HUMANITE SUPERIEURE AU RISQUE DE BALZAC : LECTURE PARADOXALE DU PERE GORIOT Max-Médard EYI dép. de Lettres modernes Université Omar Bongo (Gabon) medardeyi2004@yahoo.fr Résumé La découverte de nouvelles techniques narratives par le Nouveau roman a fait passer Balzac au rang de ceux qui clôturent le sens par la mise en jeu d’un univers cohérent et stable. Le mal aimé de la modernité est en réalité postmoderne par son romanesque qui correspond à l’ajournement du sens. La redécouverte de sa littérarité autorise à réévaluer les acquis et les héritages, en interrogeant les paradoxes des nouveaux territoires au détour d’une œuvre se construisant et se détruisant pour braver le finalisme. L’ambition terminale de l’article entend circonscrire le tout Balzac comme l’auteur des dénégations des consistances dans son exploration de nouveaux modèles de descriptions de la véridiction. Mots-clés : Réalisme ; néo-réalisme ; humanité ; ironie ; fondation ; surhomme Summary The discovery of narrative novel methods by the New novel made passed Balzac with the row of those which enclose the direction by the setting concerned of a coherent and stable universe. The liked evil of the modernity is actually postmodern by its romantic which corresponds to the adjournment of the direction, as if the second reading of its literary value revalued the assets and the heritages by destroying the paradoxes of the new territories to the being built turning of a word and destroying itself to face finalism. The final ambition of the article intends to circumscribe the Balzac whole like the author of the denials of consistencies in its exploration of new models of descriptions of the romantic truth. Key Words : realism; neo-realism; humanity; irony; foundation; superman. Annales de l’Université Omar Bongo n° 14 ISSN : 2-912 603-18-8 - ISBN : 978-2-912603-21-0 - EAN : 9782912603210 Mise en ligne le 27 octobre 2009. L’idée de « re-travailler »1 sur la poétique2 de Balzac ressortit à une évidence : par delà l’intérêt épistémologique des différents apports des travaux consacrés à Balzac, tous établissent plus ou moins une filiation avec le réalisme3 - la thématique tournant autour d’une image exacte de la vie, la nomination du vécu brut - passant par-dessus la saillante question de l’ambivalence de son réalisme, son surcroît d’incertitude flottant dans la non-coïncidence et le non-identique qui sous-tend la question essentielle, ontologique qui affecte tous ses textes. Aussi la nécessaire transformation du réel par le romancier induit une tout autre idéalité au réalisme : le néo-réalisme. Il est ce par quoi « Balzac corrige le réalisme par l’introduction d’une histoire qui n’est pas un simple décor, où la destinée, l’âme, Dieu, la création littéraire soutiennent l’édifice romanesque – fruit d’un esprit visionnaire »4. Notre propos circonscrit la question majeure du dire littéraire, notamment celle du néo-réalisme, qui consiste à rompre avec le fixisme du réel réductible à une norme quantifiable5, pour revisiter le caractère inatteignable de l’œuvre, c’est-à-dire une parole fugitive se refusant à toute forme de saisie sur le mode de la maîtrise : « Je disais à l’instant, à propos du savoir, que la littérature est catégoriquement réaliste, en ce qu’elle n’a jamais que le réel pour objet de désir ; et je dirai maintenant sans me contredire parce que j’emploie ici le mot dans son acception familière, qu’elle est tout aussi obstinément irréaliste ; elle croit sensé le désir de l’impossible. »6 Ainsi, établir par hypothèse que le néo-réalisme suppose un cheminement du paradoxe ayant comme mode de pensée terminal l’humanité supérieure, signifierait donc que ce néo- réalisme offre de nouveaux chantiers pour la recherche, où l’éthos du romancier ne s’appréhende précisément qu’en répudiant l’opinion et en maintenant le principe de contradiction comme le commis d’office de la littérarité7. Que cette littérarité soit le paradigme majuscule d’acceptabilité de la postmodernité balzacienne, voilà entrouverts les angles de lecture de l’au-delà du sens du père de la Comédie humaine : « Le Mal Aimé de la Modernité refait surface dans les vingt dernières années dans une gamme d’ouvrages et d’articles où l’œuvre se révèle effectivement postmoderne : discontinue, aporétique, semée de failles, où le 1 Dans un projet pertinent, Albert BEGUIN tente d’inventorier, dans une perspective transversale, les travaux critiques sur le savoir balzacien. Balzac lu et relu, Paris, Seuil, 1965. 2 La poétique s’entend ici comme le nom de tout ce qui a trait à BALZAC tant dans son originalité créatrice que dans sa composition d’ouvrages où le langage est pris à la fois comme substance et moyen. 3 D’après Jean d’Ormesson, réduire Balzac à un romancier réaliste serait une funeste erreur dans le temps où la clé de sa compréhension serait non dans l’observation, mais l’imagination : il est moins témoin qu’un poète : « Comment voulez-vous, disait-il lui-même, que j’aie le temps d’observer ? J’ai à peine celui d’écrire. », in Une autre histoire de la littérature française tome 1, Mesnil-sur-L’Estrée, Nil Editions, collection « Points », 1997, p. 196. 4 FLORIAN BRATU, Le réalisme français. Essai sur Balzac et Stendhal, Paris, Editions des Ecrivains, 1999, p. 22. 5 Signalons que Pierre Barbéris a eu le mérite de préciser la signification du réalisme. Pour lui, « Réalisme ne signifie jamais en effet que contre idéalisme ou irréalisme, c’est-à-dire trahison ou refus de réel. Mais de quel réel ? Littérature réaliste, à certains moments de l’Histoire, signifie littérature qui force à admettre non tant certaines réalités documentaires que certains problèmes et tensions », cité par FLORIAN BRATU, Le réalisme français. Essai sur Balzac et Stendhal, op. cit., p. 32. 6 ROLAND BARTHES, dans sa leçon inaugurale au Collège de France, in Théorie-Littérature-Enseignement, (sous la direction de Renaud Zuppinger), Paris, Presses et Publications de l’Université de Paris VIII Vincennes à Saint-Denis, 1983, p. 35. 7 La littérarité, (sous la direction de Louise MILOT et Fernand ROY), Laval, Presses de l’Université de Laval, 1991, p. 32-35. Annales de l’Université Omar Bongo n° 14 ISSN : 2-912 603-18-8 - ISBN : 978-2-912603-21-0 - EAN : 9782912603210 Mise en ligne le 27 octobre 2009. Balzac naïvement réaliste, secrétaire de la société française, est difficilement repérable. Cet autre Balzac, moins sûr de lui-même, est intéressant, et à mon avis nécessaire, précisément parce qu’il surgit de la prise en compte de la littérarité de l’œuvre, de l’articulation entre, d’une part, une subjectivité prégnante et de l’autre une matérialité incontournable »8. Aussi, l’archéologie de la conjonction « et » marque l’affinité supplétive entre le néo- réalisme balzacien et son point d’orgue, l’humanité supérieure. Or, de ce que cette humanité supérieure s’infinitise dans le primat du questionnement et/ou de l’étirement de l’interrogation, elle a partie liée avec la postmodernité. Christian Ruby9 note que l’homme post-moderne se fait l’herméneute du monde de l’instabilité et de l’explosion. Le bouleversement imprévisible, l’irruption du naufrage et de l’abattement inconditionnel, disposent la société à reconnaître « de façon toujours plus explicite l’état d’imprévisibilité du monde, une insécurité structurelle qui soutient tout système de relation individuelle ou interpersonnelle : l’homme a appris que la réalité se démêle à partir d’un enchevêtrement de motivations insensées »10. Nous savons que l’objet littéraire demeure toujours déjà ouvert à son altérité propre, et que devant un texte où sens et langage s’entremêlent pour épeler un nouveau type de savoir, la vérité advient comme une forme subjective, variable et indéterminée. Dès lors, l’idée qui consiste exclusivement à assujettir le texte balzacien à l’illusion référentielle induisant une reproduction mimétique du réel, du massif des faits, semble minorer l’économie propre à la pensée balzacienne. Car en nommant le prisme des figures qui la configurent, la pensée balzacienne se déploie vers une « littérarité composite »11 l’inscrivant comme une pensée dissidente, orientée vers une transdisciplinarité qui récuse l’essentialisme avec lequel on voudrait cerner sa diction, alors que celle-ci est toujours et déjà lointaine. Tel est l’objet de cet article. Il s’agit de repérer les enjeux de l’écriture balzacienne dont l’ultime ambition est le « poétiser »12 de notre monde avec ses symptômes riennistes, la démythisation des idéologies, pour s’identifier finalement à une écriture qui expérimente l’au-delà de la volonté de survie. I. UN REALISME IRONIQUE Comment localiser l’absence de réalisme dans une littérature considérée comme réaliste ? L’intensité d’une telle question résiste au modèle de réflexivité qui fait de la pensée de Balzac un système ayant pour unique secours le réel, c’est-à-dire une écriture qui s’autorise à faire du vrai l’objet même d’une écriture sans compromission, entendu que « la littérature réaliste est un discours 8 LEE SCOTT, Traces de l’excès. Essai sur la nouvelle philosophie de Balzac, Paris, Honoré Champion Editeur, collection « Romantisme et Modernités », 2002, p. 12-13. 9 CHRISTIAN RUBY, Le champ de bataille post-moderne/néo-moderne, Paris, L’Harmattan, collection « Logiques sociales », 1990, p. 34. 10 Achille Bonito Olivera, cité par CHRISTIAN RUBY, Le champ de bataille post-moderne/néo-moderne, op. cit., p. 34. 11 Cette nouvelle forme de littérarité se clarifie dans sa précellence pour uploads/Litterature/ neorealisme-humanite-superieure-balzac.pdf
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- Publié le Mai 29, 2022
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