LA COMMUNAUTE DU SUD 1 0 . U n e m o r t c e r t a i n e Le grenier était resté
LA COMMUNAUTE DU SUD 1 0 . U n e m o r t c e r t a i n e Le grenier était resté fermé jusqu’ au lendem ain de la mortde ma grand- mère. En ce jour terrible, j’avais trouvé sa cléet je l’avais ouvert, pour y cherche r sa robe de mariée. Complè tement perdue, je m’étais dit qu’on devrait la lui mettre pour ses funérail es. J’avais à peine mis un pieddan s la pièce que je me retourn ai pour ressortir , referma ntla porte derrière moi sans la verrouil ler.Nous étions deux ans plus tard et je la poussai s de nouvea u.Les gonds grinçaient lugubre ment. Comme s’il s’agissa itd’un soir de Hallow een à minuit, plutôt que d’un mercred imatin ensoleil lé à la fin du mois de mai. Les larges planche sdu parquet protesta ient sous mes pieds tandis que jefranc hissais le seuil. Des ombres lugubre s semblai ent surgir tout autour de moi et un parfum fugace de moisiss ure flottaitd ans l’air. Celui des choses ancienn es et oubliées.Lorsq u'on avait rajouté le premier étage à la demeur eStackhouse, des dizaine s d’année s plus tôt, on l’avait divisép our en faire des chambres. Plus tard, au fur et à mesure que les dernières générati ons s’étaien t clairsemées, onavait réservé à peu près un tiers de la soupent e aurange ment. Après la mort de nos parents, lorsque Jason etmoi étions venus vivre ici avec mes grands- parents, on avaitfer mé la porte du grenier à clé : nous aurions pu décider del’ado pter comme salle de jeux mais Gran n’avait aucunei ntention d’y faire le ménage .J’étais mainten ant propriét aire de la maison, et je portais laclé attachée à un ruban autour de mon cou. Il ne restait plusque trois descendants Stackho use : Jason, moi- même, et lefils de feu ma cousine Hadley, un petit garçon du nom deHunt er. J'ai agité la main dans l’obscurité pour agripper la chaîne ettirer dessus : au-dessus de moi, une ampoule a illuminé desgénérations de vieilleries de famille.Juste derrière moi, mon cousin Claude et mon grand-oncleDermot ont pénétré dans la pièce. Dermot a soufflé si fortqu’on aurait presque dit un grognement. Claude avait un air morose. J’étais certaine qu’il regrettait d’avoir proposé dem’aider à vider le grenier pour le nettoyer. Mais je n’allaiscertainement pas le lâcher comme ça, surtout qu’il y avait unautre mâle valide avec nous pour nous assister. Pour l’instant, Dermot suivait Claude à la trace, et j’en avais doncdeux pour le prix d’un. Quant à savoir si la situation allaitdurer, je n’en avais aucune idée.Ce matin, j’avais brusquement réalisé qu'il ferait bientôt tropchaud pour passer du temps sous les toits. Le climatiseur que mon amie Amelia avait fait installer dans l'une deschambres rendait les autres pièces à peu près vivables,mais naturellement nous n’avions jamais gaspil é d’argent àen installer un dans le grenier.— Bon, alors, on fait comment ? m’a interrogée Dermot.Il était blond et Claude brun. Aussi magnifiques l’un quel’autre. Un jour, j’avais demandé son âge à Claude, mais iln’en avait qu’une très vague idée. Les faé n’ont pas lamême notion du temps que nous. Mais il était mon aîné d’aumoins un siècle. Un vrai gamin, comparé à Dermot. Mongrand-oncle, lui, pensait qu’il avait probablement plus desept cents ans. Pas une ride, pas un cheveu gris, ni l’un nil’autre. Et toujours droits comme des I.Pour ma part, je ne comptais qu’un huitième de sang de faé.Et puisqu’ils étaient faé pure souche, nous paraissions tousavoir le même âge - bientôt la trentaine. Cela changeraittoutefois d’ici quelques années. J’aurais l’air plus âgé que mes vénérables parents. Dermot ressemblait énormément àJason, mon frère. Mais j’avais noté la veille de petitespattes-d’oie au coin des yeux de Jason. Dermot ne subiraitmême pas ce signe-là de vieillissement.Revenant sur terre, j’ai suggéré :— Et si on portait tout ça dans le salon ? Il y a plus delumière en bas, ce sera plus facile de voir si on peut garder les choses ou non. Quand on aura tout sorti du grenier, jepourrai le nettoyer quand vous serez partis travailler.Claude était propriétaire d’un bar à strip-tease à Monroe ets’y rendait tous les jours.Quant à Dermot, il allait là ou allait Claude. Commetoujours...— On a encore trois heures, m’a répondu Claude.— Alors c’est parti !Et j’ai accroché mon éternel sourire joyeux à mes lèvres.Une heure plus tard, je commençais à ressentir de sérieuxdoutes. Mais il était trop tard pour me défiler. Et d’ail eurs, lespectacle qu’offraient Claude et Dermot travail ant torse nuétait tout à fait fascinant.Ma famille vit dans cette maison depuis qu’il se trouve desStackhouse dans le Comté de Renard, c'est-à-dire plus decent cinquante ans. Et nous avons entassé bien des choses.Le salon se remplissait à vue d’œil : caisses de livres,valises de vêtements, meubles, vases... La famil e n’avait jamais été riche et, apparemment, nous avions toujoursestimé que chaque objet pourrait servir un jour, même uséou cassé, pour peu qu’on attende assez longtemps. Aprèsavoir manœuvré pour descendre un bureau de bois horriblement lourd dans l’escalier étroit, même les deux faéavaient besoin de se reposer un peu. Nous nous sommestous assis sous la véranda, les garçons sur la rambarde etmoi dans la balancelle.— On pourrait tout entasser dans le jardin et y mettre le feu...a proposé Claude.Ce n'était pas une plaisanterie. Au mieux, son sens del’humour était fantasque. Le reste du temps, il était toutsimplement microscopique.— Mais non, me suis-je exclamée en essayant de réprimer mon agacement. Je sais que tout ce bazar n’a aucunevaleur. Mais si d’autres Stackhouse ont estimé qu’il fallaitgarder tout ça là-haut, la moindre des politesses, c’est d’y jeter un œil, par respect pour eux.— Ma petite-nièce adorée, est intervenu Dermot. Je suisdésolé, mais Claude a raison. « Aucune valeur », c’est encore trop indulgent.Une fois qu’on l’avait entendu parler, il était évident que saressemblance avec Jason n’avait rien de profond.J’ai toisé mes faé d’un air renfrogné.— Pour vous, bien sûr, ce ne sont que des débris. Maispour des humains, ça peut avoir de la valeur. D’ail eurs, jevais peut- être appeler la troupe de théâtre de Shreveport,pour savoir s’ils veulent des vêtements ou des meubles.— Oui, ça te débarrassera un peu, a répondu Claude avecun haussement d’épaules.Mais le gros du tissu ne sera même pas bon pour deschiffons. Quand le salon était devenu impraticable, nous avionsdéposé des caisses dans la véranda et Claude en adésigné une du bout du pied. L’étiquette m’assurait qu’ellecontenait des rideaux. Ils n’avaient toutefois visiblement plusrien de leur jeunesse.— Tu as raison, ai-je soupiré.J’ai repoussé la balancelle et me suis balancée pendant uninstant, un peu mollement.Dermot est allé dans la maison, revenant avec un verre dethé à la pêche bourré de glaçons.Il me l’a tendu silencieusement. Je l’ai remercié, fixanttristement tout ce bric-à-brac qu’on avait autrefois chéri.Puis je me suis rendue à l’évidence :— Bon, d’ accord. On commence un tas à brûler. On mettout derrière, là où je brûle les feuilles ?La dernière fois qu’on avait gravil onné mon allée, l’aire deparking devant ma maison, délimitée par de jolies barrièresde bois, avait également reçu sa part - et j’en étais fière.Les regards de Dermot et de Claude m’ont incitée àchanger d’avis.— OK, ici sur le gravier, ça ira très bien. Après tout, je n'ai jamais beaucoup de visites.Quand Dermot et Claude ont débrayé pour aller se doucher et se changer avant d’aller au travail, l’aire contenait déjà untas très respectable d’objets inutiles qui n'attendaient plusqu’une allumette. Les épouses Stackhouse avaientconservé des draps et des couvre-lits de rechange. Pour laplupart, ils étaient dans le même état que les rideaux. Pireencore, et, à mon grand regret, presque tous les livresétaient moisis ou rinotés ar les souris. En souirant, e les ai ajoutés à la pile, même si la seule idée de brûler deslivres me serrait l’estomac. Ensuite ont suivi meublescassés, parapluies au tissu effrité, sets de table tachés, etune énorme valise de cuir toute trouée... non, personnen’aurait plus jamais besoin de ce fouillis.Nous avions découvert des photos, encadrées, en album outout simplement éparses, et nous les avions rangées dansune boîte dans le salon. Une autre a accueilli tous lesdocuments. J’avais également trouvé de vieil es poupées.Je savais grâce à la télévision que certaines personnes lescollectionnent. Je pourrais peut-être en tirer quelque chose.Il y avait aussi de vieux fusils ainsi qu’un sabre. J’aurais bienaimé que l’équipe d’Antiques Roadshow1 vienne m’aider.Plus tard, au Merlotte, j’ai raconté ma journée à Sam. De taile moyenne, mon patron est pourtant doué d’une forceexceptionnel e. Il se tenait au bar, époussetant les bouteiles.Nous n’avions pas grand monde ce soir-là - à vrai dire, lesaffaires étaient trop calmes, ces derniers temps. Je nesavais pas si la baisse était causée par la fermeture del'usine d’abattage de volail e ou si certains clientsreprochaient à Sam d’être un métamorphe - les hybridesavaient tenté d’imiter les vampires en annonçantpubliquement leur existence, mais n’avaient pas rencontré lemême succès. Pour ne rien arranger, un nouveau bar s’étaitinstallé vers la sortie de l’autoroute, une quinzaine uploads/Litterature/ la-communaute-du-sud-11.pdf
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- Publié le Sep 26, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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