08/06/2019 Nicole Oresme : Un regard lucide sur l'astrologie - par Patrice Guin

08/06/2019 Nicole Oresme : Un regard lucide sur l'astrologie - par Patrice Guinard cura.free.fr/docum/03oresme.html 1/7 Le Manifeste | Le Dominion | Textes et Articles | Historique | Liens | ACCUEIL (FR) | HOME (EN) Nicole Oresme : Un regard lucide sur l'astrologie par Patrice Guinard N. Éd.: Ce texte est paru dans la revue de Eric Weil, La Tradition (N° 23, Oct. 2000, Genève). "Ceux qui se donnent de la peine pour examiner les règles des jugements astrologiques et pour en trouver de nouvelles, sont à aimer et à rémunérer." (Nicole Oresme : Le livre de divinacions) Nicole (ou Nicolas) Oresme (1322?-1382) est né en Normandie. Il suit les cours, à Paris, du célèbre philosophe et physicien Jean Buridan, originaire de Béthune et théoricien de l'impetus. Il enseigne la théologie à Paris entre 1358 et 1361. L'archidiacre de Bayeux est nommé évêque de Lisieux en 1377.[1] Oresme est un esprit universel : théologien, philosophe, économiste, géomètre, physicien. Il traduit pour Charles V divers traités d'Aristote, dont la Politique, les Économiques et la première traduction de l'Éthique à Nicomaque en langue vernaculaire, et commente le traité De l'âme.[2] Les problèmes économiques ne le laissent pas plus indifférent que Copernic : il montre dans son Tractatus de origine, natura, jure et mutationibus monetarum (~1355) les conséquences néfastes des fluctuations monétaires et de ce qu'il appelle la "sophistication" des monnaies.[3] Il discute la géométrie euclidienne et, précurseur de Descartes, préconise un système de coordonnées orthogonales, la longitudo et la latitudo, afin de mesurer les variations d'intensité d'une valeur donnée.[4] Il s'intéresse à la physique d'Aristote qu'il commente, et dont il traduit, vers 1377, le traité Du Ciel. Précurseur de l'héliocentrisme, il avance des arguments décisifs en faveur de la rotation de la terre sur elle-même, qu'il abandonne ensuite pour des raisons théologiques.[5] Oresme est l'auteur de divers textes manuscrits épi-astrologiques.[6] Son court Tractatus contra judiciarios astronomos (1349) a été repris et augmenté dans son Livre de divinacions (~1362) dont je donne ci-dessous la transcription de l'introduction et des deux premiers chapitres d'après Coopland.[7] Il aura fallu attendre six siècles avant que soit édité, outre-Atlantique, ce texte historiquement et philologiquement fondamental, l'un des premiers essais en langue française. Le titre retenu se réfère explicitement au traité De la Divination de Cicéron. Nicole Oresme : Le livre de divinacions (extraits) N. Éd. : A cette transcription de l'introduction et des 2 premiers chapitres du traité d'Oresme, s'ajoutent, en italiques, mes notes, et entre crochets, la pagination du manuscrit de la Bibliothèque Nationale, suivie de celle de l'édition Coopland : Nicole Oresme, Le livre de divinacions (~1362), B.N. ms fr 1350, fols.39-61; in George Coopland, Nicole Oresme and the astrologers : A study of his Livre de divinacions, Cambridge (Mass.), Harvard University Press, 1952, p.50-56. 08/06/2019 Nicole Oresme : Un regard lucide sur l'astrologie - par Patrice Guinard cura.free.fr/docum/03oresme.html 2/7 [39 r.1; p.50] Ci commence le livre Maistre Nichole Oresme de divinacions. Mon entencion a l'aide de Dieu est moustrer en ce livret, par experience, par auctoritez, par raison humaine, que fole chose, mauvaise, et perilleuse temporelment, est mettre son entente [N. Éd. = entendement] a vouloir savoir ou deviner les aventures et les fortunes avenir, ou les choses occultes, par astrologie, par gromance [N. Éd. = géomancie], par nigromance, ou par quelxconques tielx ars, se on les doit appeller ars, mesmement telle chose est plus perilleuse a personnes d'estat [39 r.2] comme sont princes et seigneurs auxquels appartient le gouvernement publique. Et pour ce ay ja compose ce livret en francois affin que gens lays le puissent entendre, desquels, sicomme j'ay entendu, plusieurs sont trop enclins a telez fatuitez. Et autrefois ay je escript en latin de ceste matiere [N. Éd. : Tractatus contra judiciarios astronomos] et se aucun veult reprouver ce que je diray quant a ma principal entencion, si le face en appert, et par raison, nom pas en detraction et escripse encontre. Et je respondray, se je puis, car ainsi pourroit on trouver la verite. Toutesvoies, quoique je dy, je le soubmet a la correction de ceulx a qui il appartient et supplie que on me ait pour excuse de la rude maniere de parler, car je n'ay pas aprins de (estre) acoustume de riens baillier ou escripre en francois. Ci apres s'ensuivent les chapitres du livre. Le premier, est [39 v.1] des ars par quoy on enquiert des choses occultes et avisees. Le second, combien il a de verite es parties d'astrologie. Le tiers, quelle verite il a es ars dessus dis. Le quart, d'une response a une objection. Le quint, des argumens que les princes doivent estudier en telles sciences. Le sixieme, des argumens que savoir par ce les choses avenir soit possible. Le septieme, des argumens que c'est chose prouffitable et possible. [39 v.1; p.52] Le VIIIe, de vraye probacion du contraire par experience. Le IXe, sera de mon propos par auctoritez. Le Xe, sera de probacion du propos par raisons. Le XIe, sera que en tielx ars n'a pas certainnete. Le XIIe, sera comment on est deceu par tielx ars. Le XIIIe, sera comment les princes se doivent avoier a telles sciences. Le XIVe, sera comment on respondra aux argumens du quart chappitre. Le XVe, sera des [39 v.2] responses aux argumens du quint chappitre. Le XVIe, sera des responses aux argumens du VIe chappitre. Le XVIIe, sera des recapitulacions et conclusions omnium capitulorum. [N. Éd. = de tous les chapitres.] Est finis prologi libelli. [N. Éd. = Fin du prologue] PREMIER CHAPPITRE. Plusieurs ars ou sciences sont, par lesqueles on seult enquerir des choses avenir, ou occultes, secretes, mucies, ou qui a ce peuent estre appliquees. L'une est astrologie, laquelle, ce me samble, a aussi comme six principales parties. La premiere determine principalement des mouvemens, des signes, et des mesures des corps du ciel, par laquelle avec les tables on puet savoir les constellacions et les eclipses avenir et samblables choses. La second est des qualitez, des influences et des puissances naturelles des estoilles, des signes, des degrez, des signes du ciel, et de telles choses; comme une estoille en une partie du ciel signifie [40 r.1] ou a vertu de causer chault ou froit, sec ou moiste; et aussi des effects naturels. Et ceste partie est introductoire pour descendre aux jugemens. La tierce est des revolucions des astres et des conjonctions des planetes, et est appliquee a trois manieres de jugemens. Premierement, a savoir par les grans conjoncions les grans avantures du monde, comme sont pestilences, mortalitez, famines, deluges, grans guerres, mutacions de royaulmes, apparicions de prophetes, sectes nouvelles, et telles mutacions. Secondement, a savoir la qualite de l'air, les mutacions du temps du chault en froit, de sec en moiste, des vens, des tempestes, et de telles mouvemens de choses. Tiercement, a jugier des humeurs des corps humains et des choses comme de prandre medicine ou [40 r.1; p.54] de choses samblables. La quarte [40 r.2] partie est de nativitez, a jugier principalment de la fortune de un homme par la constellacion et figure de sa nativite. La quinte est de interrogacions a jugier et respondre d'une question par la constellacion qui est ou ciel en l'eure de la demande. 08/06/2019 Nicole Oresme : Un regard lucide sur l'astrologie - par Patrice Guinard cura.free.fr/docum/03oresme.html 3/7 La sixte est de elections pour eslire heure de commencier un voyage ou une besongne, et soubz ceste partie est contenue celle qui enseigne a faire ymages, carettes, aneaux, et telx choses. Les autres sciences sont geomance, ydromance, et telx sors, cyromance, experimens, supersticions, et d'euspicies d'esternuer, de encontres, d'argumens par le chant des oyseaux, par les membres des bestes mortes, ars magian, nigromance, interpretacions de songes, et plusieurs autres vanitez qui ne sont pas sciences fors a parler improprement. [40 v.1] LE SECOND CHAPPITRE. La premiere partie d'astrologie est speculative et mathematique, tres noble et tres excellente science, et baillie es livres moult soubtilment et la puet on suffisament savoir, mais ce ne puet estre precisement et a point, si comme j'ay declaire en mon traictie de la Mesure des Mouvemens du Ciel [N. Éd. : Tractatus de commensurabilitate vel incommensurabilitate motuum celi] et l'ay prouve par raison fondee sur demoustracion mathematique. La seconde est speculative naturelle et est moult belle science et possible a savoir, quant est de sa nature, mais on en scet trop peu mesmement, car le plus des regles qui sont es livres sont faulses, comme dit Averrois, et petitement ou nullement prouvees. Item, aucunes avoient lieu ou paiz ou au temps qu'elles furent faites qui sont faulses ailleurs et maintenant. Car les estoilles fichees [N. Éd. = fixes] qui sont [40 v.2] de grant influence selon les anciens, (non sunt nunc ubi tunc fuerunt) [N. Éd. = ne sont plus à présent à la place où elles furent. Cette expression du texte latin manque dans les mss français étudiés par Coopland. C'est le fameux argument de la précession des Équinoxes.] d'apres s'appliquent a la pratique des jugemens. Et la tierce en trois manieres dessus uploads/Litterature/ nicole-oresme-un-regard-lucide-sur-l-x27-astrologie-par-patrice-guinard.pdf

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