Bulletin de l'Association Guillaume Budé Ulrich von Wilamowitz-Moellendorff Pie
Bulletin de l'Association Guillaume Budé Ulrich von Wilamowitz-Moellendorff Pierre Roussel Citer ce document / Cite this document : Roussel Pierre. Ulrich von Wilamowitz-Moellendorff. In: Bulletin de l'Association Guillaume Budé, n°33, octobre 1931. pp. 17- 23; https://www.persee.fr/doc/bude_0004-5527_1931_num_33_1_6594 Fichier pdf généré le 23/10/2018 ULRICH VON WILAMOWITZ-MOELLENDORFF L'illustre savant, qui vient de disparaître en sa quatre- vingt-troisième année, avait publié en 1928 des Souvenirs qui ne dispenseront point d'écrire sa biographie, mais qui fournissent un précieux témoignage sur ses origines, sa forma¬ tion, ses goûts, son caractère, ses amitiés et ses haines. Il appartiendra à ses compatriotes et amis de nous retracer le tableau intégral de son aclivité scientifique et de dresser la liste de ses ouvrages et de ses articles, dont il déclare avec dédain qu'ils sont comme les dépouilles successives rejetées par le serpent au cours de son développement. Ses disciples immédiats diront l'âpre séduction et l'efEcacité d'un enseigne¬ ment où le maître n'appliquait point les préceptes d'une sagesse didactique, mais jouait, non sans calcul, de toutes les ressources de son érudition et de son tempérament. On se bornera, dans les quelques pages qui suivent, à indiquer les grandes lignes de sa carrière et à illustrer son inlassable activité en même temps que sa concèption de la science philo¬ — ι8 — déplacé que le grec; pourtant Wilamowitz, à la surprise maîtres, y lisait déjà Pindare. Mais lorsqu'il entra à versité de Bonn (octobre 1867), il hésitait encore en philologie grecque et la philologie germanique. L'ens ment d'O. Jahn, la lecture des œuvres de VVelcker f ses hésitations. Dès 1868, avec H. Diels et C. Robert, partie du Philologische Verein où l'ardeur des nou venus apporte une \ie nouvelle. Kékulé l'initie à l'arc gie. Mais la mort de Jahn le détermine à quitter Bon l'automne de 1869. A Berlin, il se hâte de termin études universitaires où il ne trouve pas la complète sa tion de ses aspirations. Sa dissertation doctorale est pr juillet 1870 ; la soutenance solennelle est empêchée guerre franco-allemande. Wilamowitz participe au si Paris et salue avec enthousiasme la naissance de l'e allemand. Au retour de campagne, brûlant d'un zèle pieux p méthode philologique et historique, fier aussi de sa ma précoce, déjà impérieux et abrupt, il lance l'anathème tifique contre Nietzsche, alors professeur à Bâle, qui de publier sa Naissance de la Tragédie ; il engage le fe E. Rohde qui était venu à la rescousse de son ami. Il re plus tard cette manifestation juvénile, mais sans profond tir. Dans la suite de sa carrière, il dédaigna de s'engager des controverses prolongées : par quelques phrases gneuses, par une allusion lourde de mépris, il anéantiss adversaires qu'il n'acceptait pas comme ses égaux. Contr qu'il estimait, la polémique était latente, les noms n'é pas prononcés. Sa vie durant, fidèle à la devise du Ph gische Verein de Bonn, Wilamowitz porta « le glaive d rameau de myrte ». En 1872, il partit pour l'Italie et, comme Goethe et d'autres Allemands, il subit l'attrait de cette terre privil Il y passa des mois heureux, goûtant le climat plus dou ciel plus riant, jouissant de toutes les richesses artistique s'offraient à lui, sans négliger les études d'archéologi — ι9 — travail des bibliothèques, la collation des manuscrits. Dans un premier voyage (mars-mai 1873), il connut la Grèce, où il retourna trois fois par la suite, persuadé que la vision directe des paysages est nécessaire à la compréhension de l'histoire de la Grèce, des hommes qui y vécurent, des chefs- d'œuvre qui s'y créèrent, des dieux qui s'y sont manifestés. Ce fut en Italie que, voyageant avec Mommsen, il engagea un commerce familier avec l'historien dont il épousa en 1878 la fille aînée. Il avait alors commencé sa carrière universitaire à Greifswald (1876-1883), d'où il passa â Gôttingen (i883- ï897) pour venir enfin, non sans quelque regret, à Berlin. Partout son effort tendit à organiser avec ses collègues anciens et nouveaux — ou parfois contre eux — l'étude de l'antiquité. Il se dépensait sans compter, mais aussi il allait sans ménage¬ ment vers le but qu'il se proposait. A Greifswald, l'Université, qui datait du xve siècle, était languissante ; il réussit du moins à fonder avec Kiesslingles Philologische Untersuchungen dont il eut presque toute la charge et où il publia une série de travaux (Aus Kydathen, 1880; Antigonosvon Karjstos, 1881 ; Homerische Untersuchungen, 1884 ; Isyllosvon Epidauros, 1886 ; Die Textgeschichte der Griechischen Bukoliker, 1906). A Gôt¬ tingen, il obtint le remaniement des statuts de la Société des Sciences, qui n'avait plus qu'une ombre d'existence et il mul¬ tiplia le nombre des périodiques publiés par cette compagnie. Mais ce fut à Berlin surtout, où il remplaça Curtius (1897), que de lourdes tâches l'attendaient ; il ne cherchait point d'ailleurs à les décliner, mais les eût plutôt sollicitées parce qu'il pouvait ainsi imprimer en diverses places la marque de son activité féconde et fière. Comme condition à son départ de Gôttingen, il avait posé la création, à côté du « séminaire philologique » dirigé par Yahlenet Kirchhoff, d'un « Institut pour l'étude de l'antiquité » où Diels enseignerait avec lui. Cette opposition avait la valeur d'un programme sur lequel il faudra revenir. Dans cet institut, Wilamowitz formait les étudiants à sa guise. Mais il eût voulu les atteindre avant même qu'ils entrassent à l'Université. C'est ainsi qu'il composa - 20 - en 1902 le Griechische Lesebuch, destiné à montrer aux él des classes supérieures des lycées que, durant une périod l'histoire, la langue grecque avait été l'organe de l'es humain. Il voulait essentiellement être professeur; ma assumait d'autres fonctions. Membre de la direction de l'I titut archéologique, il donnait son attention au développem des Instituts de Rome et d'Athènes. En 1900, il entr l'Académie; auparavant déjà, il participait à la commis qui préparait l'édition des Pères de l'Eglise. Il eut ensui diriger la publication du Corpus des inscriptions grecqu il collabora à celle des papyrus de Berlin. A l'étranger, o renommée s'était répandue, on sollicitait ses avis, le sec de son érudition inépuisable, parfois ses conférences. H recourut à sa collaboration pour quelques volumes des pa rus d'Oxyrhynchos. Du champ immense de l'hellénisme, aucune partie ne était étrangère. C'était son ambition ; c'est aussi ce qui l'incomparable originalité de son œuvre. Certes, il n'est le premier qui ait assigné comme but à la science phil gique la résurrection de la civilisation d'un peuple. M nul n'a insisté plus que lui, dans son enseignement, dans ouvrages, dans ses discours, sur la nécessité d'avoir une aussi complète que possible de la civilisation grecque p éclairer les points particuliers sur lesquels se porte plus cisément l'attention. Il réclamait d'abord du philologu maîtrise par faite de la langue : c'était la chose essentielle ; m il fallait plus. D'Homère au triomphe de christianisme civilisation grecque s'oflre à nous dans un développem continu : chacune de ses manifestations ne peut être comp que par rapport à cet ensemble. Mais, réciproquement, la ténue de ces manifestations apporte un élément qui aid la compréhension de l'ensemble Ainsi le travail minut de reconstitution des textes, de restauration des monume les disciplines ardues de l'épigraphie, de la papyrologie, d paléographie, l'étude d'une particularité grammaticale, d détail d'institution, tout ce labeur patient et ingrat pr — 21 - une valeur singulière, si celui qui s'y adonne se représente en son âme la réalité vivante où s'intégrèrent jadis les débris desséchés sur lesquels il se penche. Wilamowitz pratiqua cette méthode — cette appellation ne l'eût guère satisfait — avec une virtuosité incomparable. Il a attribué à ses multiples occupations le fait qu'avant igi3, il n'avait publié nul ouvrage qui ne fût né d'une circonstance extérieure. Mais en réalité, il se plaisait à prendre dans l'ana¬ lyse d'un texte, dans l'étude d'un document récemment mis au jour un point de départ pour exposer de vastes théories ou de larges conclusions qui illuminaient l'histoire d'une période ou d'une forme littéraire. Ce n'est point par hasard qu'une étude sur les origines et la nature de la tragédie attique se présente comme une préface démesurée à une édition de VHéraklès d'Euripide. La découverte d'un papyrus qui portait l'Athénaiôn politeia le détermine à donner deux volumes où l'exposé des institutions athéniennes se mêle à l'examen de la tradition historique dont se nourrit Aristote. L'édition des Perses de Timothée, qu'un autre papyrus avait rendus, fut un événement notable dont l'empereur lui-même apprécia l'importance. Jusqu'au bout de sa vie, Wilamowitz fut en quête de pâture nouvelle : en 1927, il commente les lois sacrées, gravées sur une stèle de Cyrène, et une inscription locrienne que venait de publier un savant grec. Eu 1929, il donne d'un fascicule de V Exploration archéologique de Délos, consacré aux sanctuaires du Cynthe, un compte rendu nourri d'observations exactes et d'appréciations pénétrantes. La guerre de 191/1, le deuil qu'elle lui apporta par la mort d'un de ses fils, l'effroyable déception où le jeta l'issue du conflit n'abattirent point son ardeur. On n'insistera pas sur les levains de rancune que la guerre fit naître uploads/Litterature/ pierre-roussel-ulrich-von-wilamowitz-moellendorff.pdf
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- Publié le Jul 08, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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