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Tous droits réservés © TTR: traduction, terminologie, rédaction — Les auteurs, 1996 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Document généré le 4 fév. 2022 11:58 TTR Traduction, terminologie, re?daction Présence et absence de la Description de l’ Afrique de Léon l’Africain dans ses traductions Houria Daoud-Brikci Parcours de traduction Pathways of Translation Volume 9, numéro 2, 2e semestre 1996 URI : https://id.erudit.org/iderudit/037257ar DOI : https://doi.org/10.7202/037257ar Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Association canadienne de traductologie ISSN 0835-8443 (imprimé) 1708-2188 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Daoud-Brikci, H. (1996). Présence et absence de la Description de l’ Afrique de Léon l’Africain dans ses traductions. TTR, 9(2), 13–46. https://doi.org/10.7202/037257ar Résumé de l'article Présence et absence de la Description de l'Afrique de Léon l'Africain dans ses traductions — Le présent article, qui se situe dans une perspective historique, décrit l'itinéraire exceptionnel d'une oeuvre canonique rédigée en arabe en pleine Renaissance et traduite depuis et jusqu'en 1956, avec une réédition en 1981, dans la plupart des langues européennes, dont le latin. Il aborde l'évolution de ces traductions d'un point de vue à la fois synchronique et diachronique et dévoile le phénomène du choc des cultures à travers la pénétration de la Description dans les sociétés européennes. Grâce à l'herméneutique paratextuelle, les configurations épistémologiques, les renversements génériques, la cryptographie militaire, diplomatique, universitaire et ecclésiatique et littéraire sont analysés comme autant de repères dans les manipulations de la Description. En réalité, ce sont autant de politiques intermédiaires pour déjouer la rencontre, rêvée par l'auteur, de l'Orient avec l'Occident. Présence et absence de la Description de VAfrique de Léon l'Africain dans ses traductions Houria Daoud-Brikci Introduction Cet article, qui s'inspire d'une recherche en cours sur les configu- rations épistémologiques multiples qui ont influé sur les diverses traductions de la Description de VAfrique de la Renaissance à nos jours, et celles, souvent les mêmes, que ces traductions ont infléchies à leur tour, est un aperçu global de l'évolution de ces traductions, leurs rééditions et adaptations. La perspective est historique, à la fois synchronique et diachronique. Notre propre choix épistémologique se situe dans la tentative de dévoiler le phénomène traductionnel et editorial d'une œuvre qui s'inscrit dans le répertoire des phénomènes culturels et du choc des cultures. Nous réagissons à l'herméneutique des cultures du tiers-monde telle qu'elle est exercée par le pouvoir traductionnel et editorial des discours hégémoniques eurocentristes. Nous essayerons de montrer comment les traducteurs et les éditeurs sacrifient les ambitions littéraires au profit des ambitions idéologiques, renversant les choix épistémologiques de l'auteur, s'appuyant sur la cryptographie ecclésiastique, militaire, diplomati- que et universitaire, tout en s'inspirant des courants littéraires mis en place comme relais de la propagande idéologique. Nous verrons également comment les systèmes et les valeurs culturels de l'Afrique ne seront ici jamais perçus, transmis et accueillis comme ils sont, 13 mais comme les laissent voir les constellations imaginaires et fan- tasmatiques des traducteurs et des éditeurs, ainsi que l'a très justement perçu O. Zhiri (1991, pp. 25, 223, 225) dans un remarquable ouvrage sur Léon l'Africain, qui s'inscrit dans des tra- vaux d'Humanisme et Renaissance1. Il nous a paru superflu pour les besoins de cette présentation de la Description et de Léon, et en l'absence du manuscrit original en arabe, déclaré défaillant, de nous attarder sur la littéralité et la traduisibilité des textes maintes fois manipulés de la Description. En fait, nous ne nous intéressons ici qu'au paratexte tel que Genette le définit : « Titre, sous-titre, intertitres, préfaces, postfaces, avertissements, avant-propos [...] notes marginales, infrapaginales, terminales, épigraphes, illustrations, jaquette » (1982, p. 9). Ici, il nous faut ajouter les dédicaces à des princes et seigneurs puissants, les allocutions de commanditaires riches et influents, les index, les cartes, les frontispices, les manchettes, les portulans, les vignettes, les cartes et les planches de peintres célèbres. C'est ce paratexte qui finalement est le point de repère de l'évolution de l'œuvre à travers les siècles, de sa pénétration dans les sociétés européennes et de sa survie en tant que texte. L'herméneutique paratextuelle nous permet aussi de saisir la praxis exercée sur le lecteur par les traducteurs et les éditeurs. Comme le note Bourdieu (1982, pp. 9 et 197), le lecteur est mis en garde par la mise en forme d'un discours autorisé destiné à être cru et obéi, une manière de l'empêcher de juger par lui-même. Nous procéderons de la manière suivante : une brève présenta- tion de Léon et de la Description-, puis un aperçu synchronique de la perception et réception de l'œuvre dans les sociétés européennes; enfin, l'analyse diachronique des traductions, rééditions et adaptations de la Description. Nous emprunterons pour les 16e et 17e 1. Voir le chapitre de 90 pages que Zhiri consacre à « Éditions, traductions, trahisons ». Si nous lui empruntons massivement pour la Renaissance, c'est que son travail repose sur des œuvres latines et italiennes de l'époque qui nous sont inaccessibles. 14 siècles à l'ouvrage de Zhiri (1991). Le 18e siècle montrera comment la Description, genre canonique, est réintégrée dans les sociétés eu- ropéennes sous forme trivialisée de vaudevilles des Mille et une Nuits, contes arabes (1928), traduit de l'anonyme Alflaylah wa-lay- lah par Antoine Galland en 1704. Le 19e siècle verra les traductions française et anglaise s'opposer pour des raisons hautement politiques. Le 20e siècle, enfin, sera illustré par une traduction économico-politique essentiellement liée à la littérature coloniale entre les deux guerres. De l'auteur de la Description de VAfrique La Description est l'œuvre d'un Arabe du nom de Hassan Ben Mohammed el-Wezzân ez-Zayyâti, né dans la splendide Grenade andalouse à une date indéterminée entre 1489 et 1495. Réfugié à Fès, au Maroc, après la chute de Grenade et l'avènement des Rois Catholiques, il y fait des études classiques2 et très jeune entreprend de grands voyages comme chargé de missions politiques et commerciales. Il parcourt alors l'Afrique, Constantinople, la Babylonie, les trois Arabies, l'Arménie et une partie de la Tartaric Il mentionne dans son ouvrage des voyages en Europe. Au cours 2. À l'Université des Qarawiyyine, célèbre dans tout l'Islam depuis le IXe s., chef-d'œuvre de l'art hispano-mauresque, « demeure de la foi, de la science et de la sagesse [...] [qui] a attiré depuis sa fondation les plus grands penseurs de l'Islam : Ibn Khaldoun, Aben-Zohar, Averroès [Ibn RoShd], d'autres encore... » (Benoist-Méchin, 1978, p. 157). Selon A. Épaulard dans la préface à sa traduction de la Description (Léon l'Africain, 1956, p. vii), cette université aura fait de Léon un simple « lettré » ou un « taleb », c'est-à-dire un « étudiant comme nous en voyons tant au Maroc », qui n'aura reçu qu'un enseignement religieux. À la page x, Épaulard s'étonne « de l'exactitude de certains détails donnés par Léon, de la justesse de vues d'un observateur qui malgré sa formation, était doué d'un esprit réellement moderne. » [C'est nous qui soulignons.] L'éducation de Léon semble avoir posé quelque inquiétude aux Européens. Voir à la page 55 ce que le Dr Brown, éditeur anglais de la Description (Leo Africanus, 1846,1896), dit à ce sujet. 15 d'une escale dans l'île de Djerba, en Tunisie, comme Ulysse, il est capturé par des corsaires siciliens3. En raison de son brillant intellect, ses savoirs encyclopédiques, mais surtout grâce à la Description, manuscrit « déjà écrit [...] qu'il portait avec lui4 », il est offert comme esclave au pape Jean Léon X. À Rome, sa grande liberté d'esprit, sa. tolérance, sa générosité et ses valeurs universa- listes lui valent d'être baptisé sous le nom de Jean Léon de Médicis d'après son protecteur, d'être libéré, de fréquenter le monde des lettrés et d'enseigner plus tard l'arabe à Bologne. La postérité ne retiendra que son nom chrétien, tandis que l'œuvre, après lui avoir sauvé la vie, lui donne un patronyme. Si le concept de l'identité fait dire à Steiner dans Réelles présences : les arts du sens (1991, p. 63) que « dans la dispersion, l'œuvre devient la patrie », Zhiri (1991, p. 50) estime que l'œuvre « fixe [Léon] et le nomme plus qu'un pays ou une foi.5 » Personne ne sait ce qu'est devenu Léon après 1550 3. Vers 1518. Dès le début du 15e siècle, les côtes maghrébines étaient harcelées par les Italiens, les Espagnols et les Portugais, qui disputaient aux Turcs l'hégémonie politique et économique en Méditerranée. Mais c'est surtout l'islam, ébranlant le monde des côtes marocaines aux rives de l'Indus dès le 8e siècle, paralysant l'Europe en pénétrant dans les Pyrénées, prenant Constantinople, régentant le Maghreb, occupant Lepante pendant deux siècles et assiégeant Vienne, qui rendra Léon, jusqu'à nos jours, un infâme suspect aux yeux des Européens, même après qu'il fut catéchisé puis uploads/Litterature/ presence-et-absence-de-la-description-de-l-x27-afrique-de-leon-l-x27-africain-dans-ses-traductions.pdf
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- Publié le Fev 17, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
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