1 Circonscription de la Goutte d’Or (18B) - Quelques grands principes de l’appr

1 Circonscription de la Goutte d’Or (18B) - Quelques grands principes de l’apprentissage de la lecture - Proposition de progression pédagogique basée sur les grands principes Document de Stanislas Dehaene, Caroline Huron et Liliane Sprenger-Charolles diffusé par le ministère en 2012, transmis dans la circonscription à tous les enseignants de cycle 2 et membres du RASED à la rentrée 2012 Quelques grands principes de l’apprentissage de la lecture INTRODUCTION Les vingt dernières années ont vu une progression rapide des recherches sur la lecture et son apprentissage. La psychologie expérimentale et l’imagerie cérébrale ont grandement clarifié la manière dont le cerveau humain reconnaît les mots écrits et se modifie au fil de cet apprentissage. On peut parler d’une « science de la lecture »1. Il importe que ces connaissances soient diffusées aux enseignants et soient mises en pratique dans les écoles. Dans ce document, nous avons tenté de résumer le consensus actuel sur les grands principes qui doivent systématiquement guider les débuts de l’enseignement de la lecture1. L’objectif est de permettre à l’enfant d’automatiser rapidement les procédures d’identification et de reconnaissance des mots écrits, afin de libérer des ressources cognitives qu’il pourra utiliser pour bien comprendre ce qu’il lit, et devenir ainsi un lecteur autonome, qui lit pour apprendre, et pour son plaisir. Quelques mots de prudence : - Notre liste de principes n’est sans doute pas exhaustive ; - Bien qu’ils soient numérotés, leur ordre importe peu (tous sont importants!) ; - Tous les principes que nous énonçons sont fondés sur des variables connues pour affecter la facilité de la lecture et la vitesse de son apprentissage. Cependant, les principes eux-mêmes n’ont que très rarement été soumis à une expérimentation objective. Cette approche, qui consiste à comparer deux groupes d’enfants qui reçoivent un enseignement ne différant que par l’utilisation d’un ou plusieurs de ces principes, est en plein développement ; - L’application de ces principes en classe laisse énormément de place à l’imagination des enseignants dans le choix des exemples, des matériels, des métaphores, et même, en partie, de l’ordre des règles à enseigner. Bien que nous donnions parfois quelques exemples de matériels pédagogiques utiles, il n’est pas dans notre intention de recommander une méthode idéale d’enseignement de la lecture, mais plutôt de proposer une grille selon laquelle les différentes méthodes de lecture peuvent être comparées et améliorées. LES PRINCIPES P1. Principe d’enseignement explicite du code alphabétique Il faut enseigner explicitement les règles fondamentales du code alphabétique, c’est-à-dire que les lettres s’assemblent de gauche à droite et que les combinaisons qu’elles forment transcrivent les sons du langage (ou phonèmes) selon des règles simples. • P1a. Combinatoire des lettres (ou des graphèmes). Sitôt apprises les associations graphème- phonème sur quelques voyelles (a, é, i, o, u) et quelques consonnes, on insistera immédiatement sur l’invariance de leur prononciation dans différents contextes, en introduisant chaque nouveau graphème dans des contextes multiples. On montrera que la consonne, combinée à différentes voyelles, en modifie la prononciation de façon régulière (la, lé, li, lo, lu), et inversement (la, ra, ma…). • P1b. Mobilité des lettres (ou des graphèmes). Il faut enseigner explicitement que le déplacement des lettres (ou des graphèmes) change la prononciation de la chaîne de caractères. L’enfant doit comprendre que la lettre 'l' est une unité mobile qui peut former "la", mais aussi "li", "lo", ou encore "il" par un simple changement d’ordre. L’utilisation de graphèmes mobiles (aimantés, découpés, ou imprimés sur des cartons) peut aider. • P1c. Correspondance spatio-temporelle. Il faut apprendre à l’enfant qu'on lit systématiquement de gauche à droite (au moins dans notre écriture alphabétique), c’est-à-dire que l’ordre spatial des lettres correspond systématiquement à l’ordre temporel des phonèmes. Cela ne va pas de soi et 1 Pour un résumé de ces découvertes scientifiques, voir les références citées dans la bibliographie. 2 Circonscription de la Goutte d’Or (18B) nécessite un entraînement du regard, de l’attention spatiale, et du processus d’assemblage phonologique. D'où l'importance de faire alterner les structures consonne-voyelle et voyelle- consonne, en montrant à l’enfant qu’elles conduisent à des prononciations distinctes (li ≠ il). L’utilisation ou d’un pointeur ou d’une fenêtre coulissante, qui ne laisse voir qu’une partie du mot, et que l’on déplace toujours de gauche à droite, pourra s’avérer très utile. • P1d. Discrimination en miroir. L’enfant pré-lecteur ne comprend pas nécessairement que les lettres en miroir ('b' et 'd', 'p' et 'q') sont distinctes: son système visuel les traite comme des objets identiques vus sous des angles différents. Il faut lui enseigner explicitement à « briser cette symétrie », en lui expliquant que ces lettres sont distinctes, qu’elles s’écrivent avec des gestes différents et se prononcent différemment. Toute astuce ce qui peut aider l’enfant à les distinguer est la bienvenue. P2. Principe de progression rationnelle Les graphèmes (lettres ou groupes de lettres qui codent un phonème) sont introduits un par un, selon une progression rationnelle. Cette progression pédagogique est fondée sur un compromis entre plusieurs paramètres linguistiques connus pour influencer la difficulté de la lecture et dont certains peuvent être quantifiés par une analyse statistique de la langue2. • P2a. Régularité des relations graphème-phonème. Il faut enseigner les correspondances graphème-phonème en fonction de leur régularité statistique, les correspondances les plus régulières devant être enseignées en premier. Par exemple 'v' se prononce presque toujours /v/, tandis que 'g' se prononce tantôt /j/ et tantôt /g/ -- la lettre 'v' sera donc introduite avant la lettre 'g'. L’enseignement explicite des correspondances graphème-phonème est celui qui facilite le plus l’apprentissage de la lecture pour tous les enfants. Les enfants qui maîtrisent précocement les correspondances les plus régulières apprennent ensuite plus facilement les correspondances moins régulières (par exemple, les règles contextuelles qui régissent la prononciation de ‘c’ et de ‘g’), puis les irrégularités du système. • P2b. Fréquence des graphèmes et des phonèmes. Il faut enseigner d’abord les graphèmes les plus fréquents et donc les correspondances graphèmes-phonèmes les plus fréquentes -- c’est-à-dire celles qui permettent de lire le plus grand nombre de mots. • P2c. Facilité de prononciation des consonnes isolées. Pour faciliter la compréhension de la règle fondamentale de l’alphabet, selon lequel des suites de lettres correspondant à des phonèmes élémentaires s’assemblent pour former des syllabes (par ex. Consonne + Voyelle), il faut introduire en premier les consonnes « continues » qui peuvent se prononcer même en l’absence de voyelle (qu’il s’agisse d’une liquide comme 'l' ou 'r', d’une nasale comme 'm' ou 'n' ou d’une consonne fricative comme 'f', 'v', 'j', 'ch', 'z' ou 's'). Ces consonnes continues seront introduites avant les consonnes occlusives (comme ‘p’, ‘t’, 'k', 'b', 'd', ou 'g'). En effet, il est plus facile d’expliquer à un enfant que 'f' suivie de 'a' se lit /fa/ (dans lequel on ‘entend’ le son /fff/) que de lui expliquer que 'p' suivie de 'i' se lit /pi/ (et surtout pas /péi/ !). • P2d. Complexité de la structure syllabique. Il est difficile pour l’enfant de prononcer certaines syllabes, en particulier celles qui comportent des groupes de consonnes consécutives, comme 'str' dans « strict ». C’est pourquoi, au cours de l’apprentissage de la lecture, on présentera en premier lieu les structures consonne-voyelle (CV) et voyelle-consonne (VC), qui sont les plus simples, avant les structures consonne-voyelle-consonne (CVC), qui seront elles-mêmes présentées avant les structures consonne-consonne-voyelle ou consonne-consonne-consonne-voyelle (CCV et CCCV)… • P2e. Inséparabilité des graphèmes complexes. Certains phonèmes s’écrivent à l’aide de graphèmes dits complexes, car ils sont composés de plusieurs lettres (par exemple, 'ou', 'an', 'au', 'eau', 'ch', 'qu'…). Certains de ces graphèmes sont fréquents et doivent être introduits relativement tôt dans la progression, en particulier ceux qui sont les seuls permettant de transcrire un phonème ('ou', 'ch', 'an', ‘on’, 'un'…). Cependant les graphèmes sont des unités purement conventionnelles qui se lisent comme un tout, et non pas selon les règles normales de l’assemblage (selon lequel b+a=ba). Pour faciliter la mémorisation de ce qui peut apparaître à l’enfant comme une contradiction, on présentera toujours ces graphèmes, non sous forme de deux lettres, mais sous forme d’une seule entité inséparable (par exemple, un même carton ou une même couleur dans un livre, ou encore un même espace dans un domino), ce qui permet de les distinguer de 2 voyelles qu'on peut faire sonner de façon indépendante ("oé" dans Zoé). • P2f. Lettres muettes. La présence de lettres muettes (par exemple le ‘e’ de « fée ») est une particularité fréquente en français, qu’il faut donc enseigner précocement. Il ne faut surtout pas les omettre, ce qui apprendrait à l’enfant une orthographe fausse, par exemple 'fé' ou 'peti' (voir principe P5b ci-dessous3). De plus, certaines lettres muettes – mais pas toutes – donnent des indications 2Une progression rationnelle qui réalise un bon compromis entre ces paramètres sera prochainement proposée, accompagnée d’une liste de mots qui puissent servir d’exemple à chaque étape de l’apprentissage 3 Il faut toutefois tenir compte de la fréquence des lettres finales muettes, les plus fréquentes étant 's', 'e' et 't' (qui concernent plus de 8000 mots) suivies par 'x' et 'd' (Voir le document « Caractéristiques de uploads/Litterature/ quelques-grands-principes-de-l-apprentissage-de-la-lecture-et-progression-dehaene.pdf

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