Collection de la Maison de l'Orient méditerranéen. Série archéologique La révol

Collection de la Maison de l'Orient méditerranéen. Série archéologique La révolte des Larisséens en 1066 Achille Lazarou Citer ce document / Cite this document : Lazarou Achille. La révolte des Larisséens en 1066. In: La Thessalie. Actes de la Table-Ronde, 21-24 juillet 1975, Lyon. Lyon : Maison de l'Orient et de la Méditerranée Jean Pouilloux, 1979. pp. 303-318. (Collection de la Maison de l'Orient méditerranéen. Série archéologique, 6); https://www.persee.fr/doc/mom_0244-5689_1979_act_6_1_1440 Fichier pdf généré le 02/05/2018 LA REVOLTE DES LARISSEENS EN 1066 L'événement étudié ici paraît être un sujet restreint. Mais à cause des termes «Valaque» 1 et «Bulgare» 2, qui y sont cités, il a fait de notre part l'objet de recherches plus poussées. Toutefois tous les problèmes qu'il pose ne sont pas résolus; de toute évidence une nouvelle mise au point serait utile. Pour l'étude de notre sujet nous disposons d'une seule source, l'œuvre de Kékauménos, qui est vraiment d'une grande valeur historique et unique en son genre dans toute la littérature byzantine, du fait qu'elle est dépourvue de tout artifice et libérée de toute influence cléricale 3. Cette source a été nommée improprement le Stratégikon de Kékauménos, titre diffusé après la première édition publiée en 1896 à Moscou par les savants russes B. Wassilievsky et V. Jernstedt 4. Il y a trois ans, en 1972, à Moscou, le savant soviétique G. E. Litavrin a fait la deuxième édition sous le titre Cecaumeni Consilia et Narrationes 5. La récente édition a été précédée par une traduction allemande soignée, due à H. G. Beck 6 et accompagnée d'amples notes, et plus récemment par l'excellent mémoire de P. Lemerle 7. On ne va pas reprendre ici la discussion sur la paternité de l'œuvre. Du moins, les personnes qui sont bien au courant de ce problème savent que les premiers éditeurs, B. Wassilievsky et V. Jernstedt, ont considéré le Discours à l'empereur 8 et le Stratégikon comme deux œuvres distinctes, dont la première appartiendrait à un neveu de Nikoulitzas 9 ; seul le Stratégikon, écrit quelques années avant le Discours à l'empereur, appartiendrait réellement à Kékauménos. «La Thessalie», CMO 6, Arch. 2, Lyon 1979. Achille LAZAROU 304 Α· LAZAROU Les conclusions auxquelles ont abouti Bucker 10, Banescu **, Gyoni * 2 et Karayannopoulos * 3 , renforcées par l'étude approfondie de Lemerle, ont imposé le nom de Kékauménos comme celui de l'unique auteur, et le nouveau titre, utilisé déjà par Litavrin. Selon Lemerle, le récit de Kékauménos apparaît plus précis et plus véridique que celui d'un chroniqueur, lorsque la comparaison peut être faite 14. Cela, d'ailleurs, s'explique bien car Kékauménos a eu à sa disposition les documents conservés dans les archives familiales, qu'il put aussi compléter en se renseignant dans toute sa parentèle, ainsi qu'en utilisant l'expérience personnelle acquise pendant sa carrière. Grâce à ce riche fonds, qu'il exploite parfaitement, son œuvre est solidement documentée. Néanmoins, des inexactitudes ne manquent pas, et surtout en ce qui concerne l'origine des Valaques de Thessalie, sur laquelle nous voudrions nous arrêter ici plus longuement, jugeant que là est le plus important problème soulevé par cet événement historique que constitue la révolte des Larisséens, pour la solution duquel la controverse a donné naissance à une littérature immense avec de graves conséquences politiques. Voici le passage de Kékauménos qui se rapporte à l'histoire des Valaques: «Lorsque Trajan les eut dispersés, puis vaincus, ils furent tous faits prisonniers et personne, pas même leur empereur Décébale, n'échappa au massacre général qui suivit: sa tête fut fixée à l'extrémité d'une lance que l'on planta dans la ville des Romains. En effet, ceux-là (les Valaques) sont les soi-disant Daces et Besses. Ils habitaient auparavant à proximité du Danube et du Saos, que nous appelons aujourd'hui Savas, là où les Serbes demeurent actuellement, retranchés dans leurs positions fortifiées et imprenables. Se fiant à celles-ci, en même temps qu'ils feignaient l'amitié et la soumission envers les anciens empereurs romains, ils sortaient de leurs fortifications et pillaient les provinces romaines. C'est pourquoi les empereurs, exaspérés, les décimèrent. Les survivants quittèrent la région, les uns se dispersèrent dans toute l'Épire et la Macédoine, le plus grand nombre s'établit dans l'Hellas» 1 5 . Le savant hongrois M. Gyoni a raison de se demander : pourquoi les Daces attaqués par les Romains se seraient-ils réfugiés dans l'endroit précis d'où venait l'offensive ? 1 6 . On pourrait encore se demander si le passage en question ne conserve pas le souvenir d'une migration roumaine se dirigeant vers le Sud et qui eut lieu plus tard 1 7 . En commentant minutieusement le passage, Gyoni affirme que Kékauménos n'a pas puisé ses propos concernant les Daces, Décébale et Trajan dans une tradition populaire valaque, mais qu'il les a empruntés LA RÉVOLTE DES LARISSÉENS EN 1066 305 soit directement soit indirectement à l'œuvre de Dion Cassius 18. Lemer- le 19 accepte cette explication en ajoutant qu'ils reposeraient sur une erreur géographique de Kékauménos, qui s'est trompé sur la position de la Dacie Trajane. Déjà Tomaschek 20 avait une opinion presque identique. En se fondant sur cette citation et sur une fausse analyse d'un autre passage de Chalcondylès 21, plusieurs savants, pour la majorité roumains, ont émis la théorie d'après laquelle les Valaques de Thessalie, et en général de pays hellénique, sont les descendants des Daces et des Besses romanisés 22, mais descendus en Grèce entre les Ville et Xe s., en conséquence de la descente des Slaves 23 ou de l'apparition des Hongrois 24 et même des Turcs 25 . Il est vrai que ce problème n'a cessé d'occuper une place centrale dans les études consacrées à Kékauménos, et peu à peu il se trouva aussi parmi les savants des investigateurs assidus et compétents, qui ont apporté des arguments contre la théorie exposée ci-dessus. Entre autres, Luber Niederle 26 soutient que tous ces Valaques ne sont que des éléments de l'ancienne population romanisée. Fr. Taillez nous dit que la genèse des Valaques date de l'époque de Saint Paul : «C'est la Macédoine, dit-il, au sens des Actes des Apôtres, ce «Macédonien» apparaissant en songe à Paul de Tarse, à Troas, pour l'inviter à passer en Europe... Ce Gaios Doubenos, qui, avec Sekoundos de Thessa- lonique est le premier Macédo-Romain, le premier chrétien de langue latine en Orient»27. D'après Michel Sivignon 28, l'existence des Valaques dans la péninsule balkanique est connue depuis le Vie siècle après J.C. et ils sont de très anciens habitants du Pinde et de la Thessalie. Une plus haute ancienneté de l'apparition des Valaques dans le Pinde et, par conséquent, aussi en Thessalie est, en partie, reconnue par le savant roumain Th. Capidan. En cherchant l'étymologie de quelques toponymes du Pinde 29 il aboutit à la conclusion suivante : «Or, comme sous le rapport du phonétisme, ils révèlent une évolution authentiquement locale, il ne serait pas absurde d'en inférer que les premières racines de roumanisme se trouvent au Pinde, dès l'époque de la conquête romaine» 30. Il convient de préciser que Capidan refuse une vie nomade aux populations d'origine hellénique et surtout une romanisation de ces populations. Naturellement, on ne peut pas parler des Hellènes nomades 3 1 . A tort aussi Capidan 32 attribue le nomadisme aux Valaques de la péninsule hellénique. Seule une partie d'entre eux s'occupe de l'élevage des moutons et des chèvres. Et même ceux-ci ne sont que des pâtres transhumants. Si les Valaques de Thessalie et du Pinde étaient des nomades, il serait difficile de comprendre la fondation de centres culturels va- 306 A. LAZAROU laques 33, comme par exemple Moscopole, Metzovo, Monastèri (Bitolia) etc., et la construction de maisons de type gréco-méditerranéen 34 dans les villages purement valaques. Il est connu 35 que, dès la période homérique, l'élevage des moutons et des chèvres constituait une branche importante de la vie économique 3^ hellénique. Pendant toute l'antiquité, l'Êpire 37 était le pays des pâtres ?8. Les conditions climatiques du territoire hellénique obligeaient les troupeaux et les pâtres au nomadisme saisonnier, ou plus précisément à la vie transhumante; à cet égard, il n'y a aucune différence entre l'antiquité et l'âge moderne. Pour le démontrer, il suffit de renvoyer à un passage d'Oedipe-roi (v. 1133-1139) où le messager, en présence du roi, veut rafraîchir la mémoire du serviteur par les paroles suivantes: «... Je suis sûr qu'il m'a connu quand, sur le Cithéron, lui avec un double troupeau, moi avec un seul, nous vivions en voisins et cela a duré trois semestres entiers, du printemps jusqu'au lever de PArcture. L'hiver venu, je retournais dans mes étables et lui vers les bergeries de Laios» 39. Quant à la romanisation des populations helléniques, il y a maintenant des témoignages éloquents. Jusqu'à présent on a trouvé dans le territoire hellénique un nombre d'inscriptions latines très considérable (900). Le savant roumain H. Mihaescu 40 avoue que leur fréquence et leur répétition continue attestent incontestablement l'existence de latinopho- nes. En précisant les localités qui renfermaient des inscriptions latines il affirme qu'elles se succédaient le long de la via Egnatia et gravitaient autour d'elle, attestant le rôle particulièrement important qu'elle uploads/Litterature/ s.pdf

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