Christine Thouzellier Histoire des sectes dans l'Occident médiéval In: École pr

Christine Thouzellier Histoire des sectes dans l'Occident médiéval In: École pratique des hautes études, Section des sciences religieuses. Annuaire 1967-1968. Tome 75. 1966. pp. 202-208. Citer ce document / Cite this document : Thouzellier Christine. Histoire des sectes dans l'Occident médiéval. In: École pratique des hautes études, Section des sciences religieuses. Annuaire 1967-1968. Tome 75. 1966. pp. 202-208. http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ephe_0000-0002_1966_num_79_75_16449 — 202 HISTOIRE DES SECTES DANS L'OCCIDENT MÉDIÉVAL Directeur d'études : Mlle Christine THOUZELLIER, diplômée de la Section, agrégée de l'Université, docteur es lettres Les deux conférences ont donné lieu à une étude continue du sujet, les explications de textes complétant au fur et à mesure les thèmes exposés. Ayant à reprendre un enseignement — délaissé depuis la disparition de Paul Alphandéry — il a paru bon de rappeler d'abord l'œuvre de notre prédécesseur et d'exposer l'état actuel de la question. I. Cette section d'histoire religieuse a reçu son impulsion, au milieu du siècle dernier, des travaux de Ch.-U. Hahn, et de Ch. Schmidt. Ces deux grands historiens ont tenté des recherches objectives sur les sectes médiévales. A leur suite, incités par ce labeur de synthèse, d'autres chercheurs ont publié des documents ex. : I. Von Dcillinger, Mgr. C. Douais. Depuis le début du xxe siècle, les études multiples et diverses se sont étendues soit dans le complexe général de l'hérésie médiévale, soit dans des investigations plus fouillées relatives à une secte spéciale. Dans tout ce foisonnement de documentation et d'aperçus nouveaux, l'intérêt de l'historiographie est de discerner les tendances modernes et leurs représentants. Sur l'ensemble de l'hérésie au Moyen Age, certains — que l'on pourrait appeler libéraux — considèrent les sectaires de l'époque comme des martyrs de la liberté de pensée ; d'autres s'interrogent sur le sens de l'hérésie et à propos de son influence sur le développement de la philosophie médiévale (F. Tocco). Avec le nazisme, apparaît la tentative qui ferait dériver le catharisme de la religion des anciens Germains (0. Rahn). Chez les historiens marxistes, l'histoire de l'hétérodoxie est, dès le Moyen Age, un chapitre de lutte des classes, tels en Italie : G. Volpe, A. De Stefano ; en Allemagne : E. Werner, G. Koch ; en Bulgarie : D. Angelov, B. Primov ; idée que combattent le professeur bulgare I. Dujëev, le P. Ilarino da Milano, B. Croce, E. Dupré-Theseider, R. Morghan, H. Grundmann... L'examen des causes économiques et sociales ainsi discutées a élargi l'horizon de l'hérésiologie. Plus aigu apparaît le problème de l'hérésie médiévale dans ses relations avec l'élan culturel de l'époque ; ou comme mani- — 203 — festation de révolte entraînant un mouvement de réforme (II. Gh. Lea, The History of the Inquisition, 3 vol. Londres 1888). Cette réforme se veut-elle hétérodoxe? C'est l'opinion de C. Cantu, A. llauck, P. Beuzart, et de plusieurs historiens d'Arnaud de Brescia. Elle se produit d'ailleurs dans le cadre de l'orthodoxie chez Norbert, fondateur des Prémontrés, Robert de Molesme, Bernard de Clairvaux, ou encore chez les Humiliés, certains Vaudois, les Pauvres Catholiques, etc., comme l'expl iquent G. Ladner, S. Spiitling, L. Zanoni, E. Comba, K. Muller, P. Alphandéry, A. Dondaine. Pour A. Borst, les cathares auraient été « un ferment de composition entre la réforme de la chrétienté et le dualisme oriental» (Ilistorische Zeitschrift, 194, 1952, 173). Bien des écrivains refusent de reconnaître l'effort de rénovation orthodoxe tels : R. Breyer, G. Bonnet-Maury, A. Hausrath ; alors que d'autres voient un net rapport entre les deux réformes : celle voulue par les sectes provoquant une salutaire rénovation de l'orthodoxie (Sh. Turner, R.-Gh. Trench, R. Pettazoni, E. Dupré-Theseider, ou inversement par interaction : Ilarino da Milano, R. Manselli, R. Morghen, II. Grundmann et A. Borst, pour qui « l'hérésie est la partie laïque du mouvement spirituel » (Religiose und Geistige Bewegungcn im Hochmittelalter, dans G. Mann-A. Nitshke, Propylaen Weltgeschichte V, Berlin 19G3, p. 502). Par désir de perfection et de retour à une vie évangélique, apparaissent de nouvelles hérésies : connexions étroites entre les grands mouvements de réforme du Moyen Age et les dissidences religieuses. Très spécial se pose le problème du Catharisme, qui sera étudié en un programme étendu sur plusieurs années. La première question qui surgit est celle de son origine. Depuis Bossuet, bien des historiens lui assignent une dérivation du manichéisme, à travers une série d'intermédiaires que Gh. Schmidt reconnaît seuls valables (hérésies bulgares, balkaniques). La tradition de l'origine manichéenne est soutenue par L. Léger, Mgr. C. Douais, E. Vacandard, J. Guiraud, avec plus de nuances par A. Dufourcq, R.-L. Poole, E. Broeck, R. Esnault, H.-Ch. Puech (Le manichéisme), alors que d'autres historiens insistent sur l'influence des Pauliciens (I. Von Dollinger, H. Grégoire, II.-J. Warner, St. Runciman, D. Obolensky, H. Sodcrberg). « Les cathares seraient fils des Bogomilcs, eux- mêmes héritiers du lointain manichéisme » conclut A. Dondaine (L'origine de l'hérésie médiévale, Rivista di Storia ddla Chiesa in Italia VI, 1952, p. 47-78). Certains auteurs marxistes (tel B. Primov) affirment l'origine bulgare des hérésies occidentales ; d'autres, loin de croire à des influences orientales pensent qu'il — 204 — faut chercher une direction originelle opposée : les Priscillianistes d'Espagne (L. Varga, P. Ilubac, L. Julien). Actuellement, R. Manselli (L'eresia del maie, Naples 1963) dénie une continuation ou persistance d'idées gnostiques, mani chéennes ou priscillianistes en Occident (p. 122), et s'oppose à l'interprétation classique des courants venus de l'Est, si ce n'est du bogomilisme. Pour R. Morghen, hostile au matérialisme historique, l'hérésie cathare est un « produit autochtone, un retour spontané à la pureté de l'Évangile » (Medioevo Cristiano, 3e éd. Bari 19G2, p. 255, 280). L'étude croissante du Nouveau Testament, selon IL Grundmann, facilite l'éclosion de l'hérésie (XIIe Convegno Volta de Rome 1956, éd. 1957). IL-Ch. Puech reconnaît sur le catharisme médiéval une influence venue de l'Est, par évidence à la fois externe et interne : il résulterait de « la prise en charge par le Bogomilisme de l'hérésie dont les XIe et xiie siècles offrent quelques ébauches » (ibid., p. 83). A. Borst, l'historien le plus compétent en la matière ne s'est guère prononcé (Die Katharer, Mon. Gcrm. hist. Schrift. 12, Stuttgart 1953), si ce n'est par une question dubitative : «les Cathares sont-ils des chrétiens ou des gnostiques ; des hérétiques ou des païens? aucun des deux, parce qu'ils proviennent de ces deux racines et veulent également être les deux » (p. 230). Quant à son essence, selon Déodat Roche, c'est la plus ancienne expérience du pur christianisme (Le catharisme, Toulouse 1947, p. 187). Gh. Schmidt y voyait au contraire un néopaganisme, une doctrine philosophique et religieuse en dehors du chri stianisme (Histoire des cathares ou albigeois, t. II, Paris 1849, p. 5, 169, 170) ; J. Guiraud, une religion distincte, une contre façon du christianisme (L'Albigéisme languedocien, p. cc-cci ; l'Inquisition, I, p. 196) ; E. Léonard, une réinvention, une recréation du dualisme, sous l'influence de la théologie régnante et du Nouveau Testament (Bibl. Éc. Chartes, 97, 1936, p. 142- 149). Dans une étude récente H. Grundmann, toujours prudent, juge bon de montrer le bienfait de l'hérésie qui incite l'Église à faire des réformes et à préciser sa doctrine (Archiv. f. Kultur- gesch. 45, 1963, p. 129-166) ; ceci d'après I Cor. 11, 19 : « Oportet et haereses esse » paroles que Tertullien avait jadis fort comment ées. II. Ce point de vue a permis au directeur d'études une transition aisée — après avoir montré l'état actuel de la question — pour aborder l'Histoire des Sectes. a) Une série de conférences a eu pour objet la sémantique des termes : secla, d'après les textes bibliques : Actes 24, 5 ; — 205 — 24, 14 ; 26, 5 ; 28, 22 ; II Petr. 2, 1 ; — haereses : Actes 5, 17 ; 15, 5 ; 24, 14 ; I Cor. 11, 19 ; Gai. 5, 20 et Tit. 3, 10 ; et leur emploi dans la patristique. Tertullien traduit le mot « hérésie » selon le sens primitif du grec Aïpsaiç choix « Haereses dictae Graeca voce, ex inter- pretationis electionis » (De praescript. haeret. 6). Ce choix peut être varié en fonction des sectes qui se combattent : « in suas haereses multipartitam varietate sectarum, invicem repugnan- tium » (ibid., 7), c'est-à-dire en fonction des ' écoles ', groupes, partis. Jérôme qui, dans la Vulgate, substitue secla à haereses, garde ce dernier terme dans son commentaire ad Galalas I, 5, 20, avec le sens technique précisé par Tertullien : « Aïpzaiç autem graece ab electione dicitur quod scilicet eam sibi unusquisque eligat disciplinam. » II l'applique d'abord aux sectes philoso phiques avant de l'étendre aux hérésies chrétiennes. Pour lui l'hérésie est aussi un dogme pervers : « haereses perversum dogma habet» (comment, ad Titum 3, 11). Augustin s'abstient de toute idée de choix en relation avec la notion d'hérésie, qui est pour lui — vu la situation créée en Afrique par le schisme donatiste — une séparation de l'unité, une coupure, une scission. Il déclare d'ailleurs fort malaisé de la définir (Ép. 221 ; De haeresibus). Durant tous uploads/Litterature/histoire-des-sectes-dans-l-x27-occident-me-die-val-ch-thouzellier.pdf

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