L'“illettrisme” en questions | Jean-Marie Besse, Marie- Madeleine de Gaulmyn, D
L'“illettrisme” en questions | Jean-Marie Besse, Marie- Madeleine de Gaulmyn, Dominique Ginet, et al. Rôle de l’école dans la construction sociale de l’illettrisme Todo OpenEdition L'“illettrisme” en questions - Rôle de l’école dans la construction sociale ... https://books.openedition.org/pul/8903 1 de 49 05/02/2021 03:30 p. m. 1 2 3 Anne-Marie Chartier y Jean Hébrard p. 19-46 Texto completo L’école a joué et joue un rôle déterminant dans la construction de l’illettrisme, moins parce qu’elle ne sait pas répondre aux difficultés d’apprentissage d’un grand nombre de jeunes, que parce que la prise de conscience du phénomène de l’illettrisme, sa désignation, ses interprétations et les initiatives pour y mettre fin relèvent d’une approche prioritairement scolaire des réalités sociales. Cette hypothèse s’appuie, en premier lieu, sur le fait suivant : les débats existant aujourd’hui autour de la définition de l’illettrisme sont la reprise hors de l’école d’un débat qui a déjà eu lieu dans les années 1970 mais au seul usage interne de l’institution scolaire. Cette “crise de la lecture” fut provoquée par la modification (pour cause de prolongation de la scolarité) des objectifs de la lecture scolaire, et, par voie de conséquence, par une redéfinition de l’échec dans l’accès à la pratique de la lecture. Quinze ans plus tard, alors que, dans l’école, ce débat de fond est provisoirement clos, il est reformulé intact autour de l’illettrisme et de ses définitions. Un deuxième phénomène va dans le même sens : les représentations de l’écrit et les objectifs de maîtrise pensés par et pour l’école sont appliqués de manière non discutée à la société toute entière. Les niveaux d’échec scolaire sont devenus la référence pour décrire les pratiques défaillantes des illettrés. La pathologie scolaire a fourni ses analyses (médicale, psychologique, sociologique, ethno-culturelle, etc.) pour rendre compte de l’illettrisme, pathologie sociale. A été acceptée sans réticence l’idée que les pratiques sociales de lecture relèveraient d’une échelle unique de compétences hiérarchisées, évaluables avec la même méthodologie et les L'“illettrisme” en questions - Rôle de l’école dans la construction sociale ... https://books.openedition.org/pul/8903 2 de 49 05/02/2021 03:30 p. m. 4 5 1. CONSTRUCTION SOCIALE DE L’ILLETTRISME ET MUTATIONS SCOLAIRES : PERSPECTIVES HISTORIQUES (J. HÉBRARD) 1.1. De la découverte de l’illettrisme aux reconnaissances publiques mêmes instruments que des compétences scolaires. L’illettrisme est aujourd’hui considéré comme une pathologie sociale dont le traitement relève d’actions pratiques, exigeant des intervenants formés, du temps, des lieux et des supports budgétaires1. C’est pourquoi toute initiative, même relevant de la liberté d’associations, renvoie, par le biais des demandes d’aide publique ou des affectations prioritaires de crédits, à des décisions de nature politique. Pourtant, l’apparition de l’illettrisme dans l’espace social ne coïncide pas avec sa reconnaissance par les décideurs politiques : cette reconnaissance a elle-même été l’aboutissement de démarches militantes de provenances fort diverses. Ceux qui les ont conduites avaient forgé leurs alarmes au contact de réalités et de terrains très hétérogènes. Ils attendaient des mesures officielles qu’elles soutiennent publiquement les actions que chacun menait en direction de “ses” illettrés, de ceux par qui ils avaient pris conscience de la gravité du problème et dont il se sentaient peu ou prou les porte-parole. Ainsi, la demande d’un rapport sur l’illettrisme2 par le gouvernement de Pierre Mauroy, en 1983, est capitale dans l’histoire qui nous intéresse, car la récapitulation dans un même document de ces constats multiples a rendu nécessaire, sinon opératoire, l’usage d’un terme englobant. En désignant également comme illettrés des gens jeunes ou vieux, encore élèves ou sortis de l’école, intégrés ou exclus, travailleurs ou chômeurs, urbains ou L'“illettrisme” en questions - Rôle de l’école dans la construction sociale ... https://books.openedition.org/pul/8903 3 de 49 05/02/2021 03:30 p. m. 6 7 ruraux, français ou étrangers, on constituait l’illettrisme comme phénomène de société et comme chantier spécifique de l’action sociale. En effet, il ne suffit pas qu’existe sur un territoire un grand nombre de personnes incapables de se débrouiller seules avec les écrits de leur environnement, en dépit de leurs années d’école, pour que soit forgée cette catégorie de pensée et de désignation. Un geste gouvernemental n’est pas suffisant pour produire à soi seul la mobilisation durable des médias et l’adoption du terme par le public. La reconnaissance politique a pourtant, par l’intermédiaire du Parlement européen (1982), puis par le Conseil européen et de la Commission des Communautés européennes (1984), progressivement mobilisé tous les pays de la CEE3. La Grande-Bretagne a, en la matière, joué les pionniers (1974-75) mais les études comparatives montrent que dès qu’on cherche l’illettrisme, on le trouve partout dans l’Europe des Douze, de Copenhague à Athènes ou Lisbonne et de Dublin à Berlin4. Il en a été de même aux USA et au Canada et les efforts de l’UNESCO pendant son année de l’Alphabétisation (1990) ne se sont pas limités aux pays du Tiers-Monde : la lutte contre l’illettrisme dans les pays industrialisés a été longuement planifiée5 et mise en œuvre avec détermination6. Pourtant, un tel constat, tantôt venu d’initiatives particulières, tantôt induit par une enquête gouvernementale, n’a pas eu partout les mêmes résonances, ni produit les mêmes effets. En France, aucune réflexion sur le sujet ne peut mettre entre parenthèses le succès extraordinaire de ce terme dans la presse7 et ignorer l’impact des discours “grand public” produits à cette occasion. Prenant acte de l’écho rencontré par la mise au jour du phénomène, cette contribution voudrait donc porter son interrogation en amont, sur le contexte dans lequel a émergé cette prise de conscience dans sa spécificité française. Plus précisément, il s’agit de repérer quelles transformations affectant l’école et les attentes sociales à son égard ont rendu L'“illettrisme” en questions - Rôle de l’école dans la construction sociale ... https://books.openedition.org/pul/8903 4 de 49 05/02/2021 03:30 p. m. 8 9 possible la découverte de l’illettrisme et la mobilisation politique autour de ce nouveau problème de société. On pourrait voir, dans l’“invention” de l’illettrisme et l’émotion qui s’en est suivi8, un nouvel épisode de la crise de la lecture qui secoue chroniquement l’opinion depuis trente ans. La prise de conscience de l’échec scolaire en lecture a déjà produit de grands débats et de fortes remises en question, mais qui sont pendant longtemps restés circonscrits à l’intérieur du système scolaire. Dans les années 1960, c’est à “la dyslexie, maladie du siècle”9 qu’on attribue l’échec ou le retard d’apprentissage des enfants issus massivement des milieux populaires10. Au début de la décennie 1980, les angoisses et les polémiques à l’intérieur de l’école se sont déplacées progressivement vers les classes du collège et du lycée et la question de la non-compétence en lecture est jugée par les professeurs à l’aune des exigences requises pour pouvoir accéder à un baccalauréat général. C’est alors que vient s’ajouter l’échec saisi à travers la marginalité sociale, la pauvreté, la non-qualification, le chômage persistant des personnes qui constituent le public croissant des services sociaux ou des organisations caritatives. L’illettrisme est donc ce produit d’école, à la fois symptôme et cause majeure des difficultés d’insertion d’adultes et de jeunes, qui ont justement traversé le système scolaire en ces années de crise. Pour la première fois, on se met à pointer d’un même mouvement l’échec à l’insertion scolaire, celui qui fait les orientations vers les filières de relégation et la rapide exclusion du systèmes, l’échec à l’insertion sociale et l’échec à l’insertion professionnelle, avec son lot de précarités prévisibles (petits boulots, chômage, etc.). Ainsi, l’illettrisme serait un échec scolaire pérennisé, affectant de façon essentielle les relations de l’individu à son espace d’appartenance : l’école, le collège ou le lycée, s’il est enfant ou adolescent, la société urbaine, les réseaux de L'“illettrisme” en questions - Rôle de l’école dans la construction sociale ... https://books.openedition.org/pul/8903 5 de 49 05/02/2021 03:30 p. m. 10 11 1.2. Crises de la lecture et “démocratisation” de l’enseignement Comment organiser le système scolaire pour prolonger la formation générale de tous les enfants jusqu’à des apprentissages qui relevaient autrefois du seul “second degré” ? Comment améliorer l’efficacité de l’école élémentaire, particulièrement dans le domaine de l’enseignement de la lecture, pour juguler l’échec précoce qui handicape ou interdit un prolongement de la scolarisation ? 1.2.1. Prolongation de la scolarité et échec en lecture relation, le milieu d’exercice, s’il est adulte. Quels changements ont donc fait passer du temps des crises scolaires de la lecture au temps de l’illettrisme ? Dès 1959, le ministère de l’Education nationale commence à mesurer le temps mis par chaque élève pour parcourir ce cursus de cinq ans et, progressivement, le retard acquis devient le critère le plus évident de l’échec scolaire. Or, les chiffres sont terribles : 50 % des enfants mettent plus de cinq ans pour traverser l’école élémentaire et c’est dans la première année que se crée le partage entre ceux qui vont réussir un parcours scolaire sans faute et les autres. En première année, c’est-à-dire, précisément, au moment de l’apprentissage de la lecture. Les années 1960-1970 sont, de ce fait, caractérisées en France par une double réflexion : La réponse à la première question est apportée par la mise en place, en 1975, après une quinzaine d’années uploads/Management/ 2-rol-de-la-escuela-en-la-construccion-social-del-iletrismo.pdf
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- Publié le Oct 17, 2021
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