ILLUSTRATIONS : SPENCER AFONSO RECRUTEMENT, MODE D’EMPLOI Il est très probable
ILLUSTRATIONS : SPENCER AFONSO RECRUTEMENT, MODE D’EMPLOI Il est très probable que vous vous y preniez mal. Par Patty McCord ANALYSES RH 92 HARVARD BUSINESS REVIEW AOÛT-SEPTEMBRE 2018 L’IDÉE EN BREF LE PROBLÈME La plupart des entreprises abordent le recrutement avec des postulats erronés et des méthodes médiocres. Elles pensent que le talent est une donnée invariante et non contextuelle. Elles n’arrivent pas à créer un vrai partenariat entre les recruteurs et les managers qui embauchent. De plus, elles se fient trop à des enquêtes sur les salaires et à des formules de calcul de rémunération rigides. LA SOLUTION Allez au-delà du CV. Assurez-vous que les recruteurs ont une parfaite compréhension de vos activités et qu’ils ne sont pas considérés comme une fonction support. Quant aux candidats, ne soyez pas obsédé par leur « compatibilité avec la culture de l’entreprise », mais déterminez plutôt s’ils peuvent doper votre croissance et relever des défis urgents. Calculez la valeur réelle qu’ils peuvent apporter à la société et évaluez le package de rémunération à prévoir pour les convaincre de vous rejoindre. En réalité, ce qui peut apparaître comme le haut du panier pour une société pourra n’être qu’un second choix pour une autre. Il n’y a pas de formule miracle expliquant pourquoi les gens réussissent. Beaucoup de collaborateurs dont nous nous sommes séparés chez Netflix parce qu’ils n’excellaient pas dans ce qu’ils faisaient ont fait des merveilles dans d’autres postes. Trouver la bonne personne n’est pas une question de « compatibilité avec la culture de l’entreprise ». Ce que la plupart des gens pensent quand ils disent d’une personne qu’elle est en parfaite adéquation avec l’en- treprise, c’est qu’en fait ils iraient volontiers boire une bière avec elle. Mais des individus aux personnalités très différentes peuvent très bien faire le travail que vous attendez. Cette stratégie de recrutement malavi- sée peut aussi accentuer le manque de diversité au sein d’une entreprise car, fréquemment, les per- sonnes avec lesquelles nous aimons passer du temps ont sensiblement le même parcours que nous. Réussir des recrutements, c’est reconnaître les bonnes associations au travail et, souvent, elles n’ont rien à voir avec ce à quoi on s’attendait. Prenez l’exemple d’Anthony Park. Sur le papier, il n’était pas la recrue du siècle pour une entreprise de la Silicon Valley. Il travaillait dans une banque de l’Arizona, où il « programmait » mais ne « développait » pas de logi- ciels. Et il était assez guindé. Nous avons fait appel à lui parce que, sur son temps libre, il avait créé une ap- plication améliorant Netflix, qu’il avait diffusée sur son site Internet. Il s’est déplacé dans nos locaux pour une journée d’entretiens, et tout le monde l’a adoré. Quand je l’ai rencontré, tard ce jour-là, je lui ai dit que JE DÉTESTE VRAIMENT l’expression « le haut du panier ». Elle implique un système de classement capable de déterminer qui sera le meilleur candidat pour un poste. Les professionnels des ressources humaines se demandent toujours comment Netflix, dont j’ai piloté les RH de 1998 à 2012, réussissait à n’engager que la crème de la crème. Je pense qu’il existe une île peuplée uniquement de candidats en or, mais nous ne sommes que quelques-uns à savoir où elle se situe. ANALYSES RH 94 HARVARD BUSINESS REVIEW AOÛT-SEPTEMBRE 2018 nous lui ferions une offre. Il avait l’air bouleversé, alors je lui ai demandé si tout allait bien. Il m’a dit : « Vous allez me payer royalement pour faire ce que j’adore. » Je me suis demandé comment il arriverait à trouver sa place au sein de l’équipe de choc qu’il allait rejoindre ; j’espérais que cela ne l’épuiserait pas. Quelques mois plus tard, je participai à une réu- nion de son équipe. Tout le monde se disputait quand, soudain, Anthony a pris la parole : « Puis-je dire quelque chose ? » Tout le monde s’est tu, parce qu’Anthony parlait rarement mais, quand il s’expri- mait, c’était pour dire des choses très pertinentes, qui nous faisaient tous réfléchir et nous demander : « Bon sang, mais pourquoi ne pas y avoir pensé ? » Au- jourd’hui, Anthony est vice-président. Il est la preuve que les organisations peuvent s’adapter à des styles de personnes très variées. Dans cet article, je vais décrire ce que j’ai appris sur les recrutements réussis pendant mes quatorze années passées chez Netflix et, par la suite, en tant que consultante dans le domaine de la culture et du leadership. L’idée est de ne pas rester à la surface des choses et d’aller au-delà de ce que disent un CV et un candidat. Impliquez les managers dans tous les aspects du recrutement ; traitez vos recruteurs in- ternes comme de vrais partenaires ; adoptez un état d’esprit où vous êtes sans cesse en train de recruter ; et proposez des rémunérations à la hauteur de la per- formance que vous visez et aux futurs objectifs que vous poursuivrez. Mes remarques s’appliquent peut- être de façon privilégiée aux sociétés à la croissance rapide du domaine des technologies, c’est-à-dire celles dont le rythme des innovations exige de recru- ter en continu de nouveaux talents. Mais toutes les entreprises, quelles qu’elles soient, ont tout à gagner à regarder d’un œil neuf leurs méthodes de recrute- ment et de rémunération. NE PAS SE CONTENTER DE RESTER À LA SURFACE DES CHOSES Chez Netflix, nous devions nous montrer créatifs dans notre quête de talents, car nous avions souvent besoin de personnes aux compétences techniques rares. Quand nous avons commencé à chercher des experts en big data, par exemple, personne ne savait vraiment ce qu’on entendait par « big ». Nous ne pouvions pas nous contenter de partir en quête de CV et de faire correspondre des mots clés. Nous étions forcés de considérer tous les types d’entreprises – dont un cer- tain nombre de sociétés d’assurance ou de cartes de crédit – qui traitaient des masses de données. Qui plus est, notre équipe de recrutement n’avait pas de connaissances suffisamment pointues pour évaluer les compétences techniques des candidats. Notre meilleur recruteur d’experts techniques était Bethany Brodsky. Elle n’y connaissait presque rien en technologie avant de rejoindre Netflix, mais elle Réussir des recrutements, c’est reconnaître les bonnes associations au travail et, souvent, elles n’ont rien à voir avec ce à quoi on s’attendait. AOÛT-SEPTEMBRE 2018 HARVARD BUSINESS REVIEW 95 maîtrisait parfaitement notre activité et comprenait parfaitement les problèmes fondamentaux que nous devions résoudre. Elle savait aussi que la façon dont un candidat résolvait les problèmes était plus impor- tante que son expérience professionnelle passée. Un des entretiens les plus concluants que Bethany ait menés était celui qu’elle a eu avec un candidat qui avait travaillé chez Lawrence Livermore, un centre de recherche gouvernemental spécialisé dans le nucléaire. C’était au moment où Netflix commençait à être diffusé sur les consoles Xbox et les boîtiers multimédias Roku et TiVo. Quand elle faisait passer des entretiens, Bethany disait aux candidats que nous avions réussi à engranger près d’un million d’abonnés supplémen- taires en seulement 30 jours sur l’un de ces terminaux, et elle leur demandait de deviner duquel il pouvait s’agir selon eux. A l’époque, TiVo décollait, donc la plu- part répondaient : « TiVo, certainement. » Mais le candi- dat en question demanda si l’abonnement à Netflix s’accompagnait de conditions particulières sur l’un de ces terminaux. Elle lui répondit que les abonnés Xbox devaient avoir un abonnement gold. Il en déduisit que cela devait être sur Xbox, parce que ses utilisateurs étaient déjà prêts à payer un supplément. Il avait raison, et c’est comme ça qu’elle a su qu’il était notre homme. J’ai vécu le même genre de révélation quand j’ai fait passer un entretien à Christian Kaiser, qui gérait un groupe de 25 programmeurs chez AOL. J’avais déjà tenté de débaucher des salariés de son groupe parce qu’ils réalisaient le type de tâche technique qui nous intéressait. Mais ils voulaient tous rester chez AOL. Netflix était un employeur plus « sexy », aussi étais-je perplexe. Quand je leur demandais pourquoi, ils me ré- pondaient : « J’ai le patron le plus génial qui soit. Je n’ai jamais connu de manager qui communique mieux que lui. Je ne peux pas m’imaginer le laisser tomber. » J’ai donc dit à mes recruteurs : « Il me faut ce type à tout prix. » Christian ne ressemblait pas du tout à ce que j’imaginais. Il avait un fort accent allemand et il butait sur les mots. C’était ça, le super patron communicant ? En plus de ça, il était visiblement nerveux. Notre échange fut pénible, pour lui comme pour moi. Mais quand je lui ai demandé de m’expliquer en termes simples le travail technique qu’il réalisait, il s’est transformé. Il butait toujours sur les mots, mais il m’a donné une explication captivante, et c’est à ce moment-là que j’ai compris : « Bingo ! Il est doué pour rendre compréhensibles des choses vrai- uploads/Management/ article-hbr-recrutement-mode-d-x27-emploi.pdf
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- Publié le Mar 21, 2022
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