Accès hors campusOuvrages 1 D epuis plusieurs années, les transformations du co
Accès hors campusOuvrages 1 D epuis plusieurs années, les transformations du contexte économique et social dans lequel évoluent les entreprises ont conduit les sciences de gestion à proposer des cadres théoriques qui leur per mettent d’appréhender les relations entre les acteurs économiques et sociaux. En effet, avec la fin de la prééminence du modèle de la grande entreprise fordienne, l’attention des chercheurs se porte davantage sur la gestion des relations entre les organisations, dans la perspective notamment d’améliorer l’efficience de ces relations. En ce sens, un ensemble de théories, d’origine sociologique s’intéresse aux liens interorganisationnels mais aussi aux relations interindividuelles qui permettent d’expliquer l’action économique. Il regroupe les différents développements de la théorie des réseaux sociaux, et en particulier la nouvelle sociologie économique, la théorie de l’encastrement structural et la théorie du capital social. 2 L’originalité de la théorie des réseaux sociaux est de prendre pour objet les relations entre les individus, se démarquant ainsi des approches centrées sur les seuls attributs des acteurs : « Le moteur social causal derrière ce que les gens ressentent, croient, font, repose sur les formes des relations sociales entre acteurs au sein d’une situation sociale donnée. » (Burt, 1991). Cette posture de recherche prend acte du fait que les individus n’agissent pas seuls, de manière isolée, mais à l’intérieur d’un réseau de relations qui va à la fois faciliter et limiter leur action. Pour Granovetter (1985,2005) cette théorie constitue une alternative aux visions sous-socialisée et sur-socialisée de l’individu. Elle refuse l’individualisme méthodologique en intégrant d’autres dimensions que le seul acteur; elle se démarque aussi des approches holistes qui considèrent les individus comme soumis à des normes et des valeurs intériorisées. 3 Dans ce dossier, nous nous proposons de faire le point sur les apports et les limites de l’introduction de la perspective « réseaux sociaux » en sciences de gestion. Dans une première partie, nous soulignons pourquoi les concepts de réseau social et de capital social intéressent le management. Dans un deuxième temps, nous faisons état des résultats de quelques recherches françaises récentes qui ont analysé les réseaux sociaux, au niveau intra- ou interorganisationnel. Enfin, nous abordons les principales limites et ambiguïtés de cette démarche. I. – LE TRIPLE APPORT DU CONCEPT DE RÉSEAU SOCIAL AUX SCIENCES DE GESTION 4 La lecture des travaux sociologiques et gestionnaires qui se sont intéressés aux réseaux sociaux dans les organisations fait apparaître que le réseau social porte un éclairage nouveau sur trois éléments-clés de la dynamique organisationnelle : l’action individuelle, la coopération intra-organisation- nelle et les relations interorganisationnelles. À ce titre, en sciences de gestion, la théorie des réseaux sociaux est abordée comme une théorie de l’action, comme un principe organisationnel ou comme un mode de gouvernance. 1. Une théorie de l’action 5 En se proposant d’analyser simultanément l’action et son contexte relationnel, la théorie des réseaux sociaux se pose en véritable théorie de l’action (Huault, 1998). Il s’agit d’étudier les caractéristiques des réseaux sociaux dans lesquels les individus évoluent (taille, densité, connexité, etc.) et de mettre en évidence les liens de causalité entre ces caractéristiques et les comportements individuels. Sur le plan méthodologique, cette posture de recherche conduit à s’efforcer de neutraliser les effets des attributs individuels (on considère par exemple des individus qui ont le même niveau de diplôme, ou qui appartiennent à la même catégorie socio-professionnelle) pour distinguer les effets propres du contexte relationnel sur l’action. 6 L’analyse de la nature des liens, proposée par Granovetter dans son article fondateur de 1973, “The Strength of Weak Ties” part de l’idée que les individus entretiennent une multitude de liens, mais que tous ne sont pas de même nature et n’apportent pas les mêmes bénéfices. En effet, certains contacts sont des proches, des amis, et d’autres, de simples connaissances. Or, seuls ces derniers, avec qui on entretient une relation caractérisée par un lien faible, c’est-à-dire ceux que l’on voit rarement ou avec lesquels on n’a pas de relations très intimes, vont apporter de nouvelles informations ou opportunités à l’individu. 7 La théorie la plus fréquemment utilisée en sciences des organisations est celle des « trous structuraux » (structural holes) de Burt (1992), elle s’inscrit moins dans une perspective relationnelle que dans une conception structurale du réseau. Pour cet auteur, l’existence d’opportunités exploitables rend une structure de réseau plus efficace pour un individu, dans la mesure où elle lui permet de développer des avantages concurrentiels. Le concept de trou structural, central dans la théorie de Burt, désigne l’absence de relations entre des contacts non redondants (i.e. des contacts qui permettent un accès à des personnes ou à des ressources différentes). Si une structure est riche en trous structuraux, l’acteur pourra alors se poser en intermédiaire entre ces contacts non redondants, il sera ainsi une sorte de pont, un point de passage obligé entre deux contacts qui sont, ou ont eux-mêmes, des accès à des ressources différentes. Être le point de passage entre des contacts (ou groupes de contacts) non redondants permet donc de bénéficier d’informations plus nombreuses, plus variées, d’être plus tôt informé et d’être plus que d’autres, un candidat pris en compte lorsque de nouvelles opportunités apparaissent. 8 Au-delà de l’action individuelle, les réseaux sociaux peuvent aussi favoriser les performances d’équipes de travail et d’entreprises, ce qui a davantage préoccupé les spécialistes des sciences de gestion. La recherche empirique d’Hansen (1999) a par exemple étudié les conditions relationnelles de la performance de 120 groupes projets dans une grande entreprise du secteur de l’électronique. L’auteur a mis en évidence que l’existence de liens faibles entre l’équipe-projet et les différents services de l’entreprise était positivement corrélée à la performance de l’équipe, quand la réalisation supposait la collecte d’informations simples et codifiées. En revanche, les liens forts ont un effet positif, quand il s’agit plutôt de transférer des connaissances complexes et tacites. 9 Enfin, de nombreux travaux tentent d’identifier les effets des réseaux d’administrateurs sur la stratégie des firmes et constituent un courant de recherche fécond (Haunschild, 1993; Gulati et Westphal, 1999). 10 Dans cette perspective, le réseau social est considéré comme un moyen d’accéder à des ressources utiles à l’action individuelle ou collective, la conception du capital social est alors instrumentale et n’est plus très éloignée du paradigme de l’individualisme méthodologique. 2. Un principe organisationnel 11 Une autre vision des réseaux sociaux, s’inspirant des travaux de James Coleman, s’intéresse davantage au caractère normatif des relations sociales. Le réseau social est alors vu comme un mode de coordination des activités individuelles, alternatif à la hiérarchie et au contrat. 12 Pour Coleman (1990), le capital social, inhérent aux structures sociales, apporte deux types de bénéfices aux acteurs : l’amélioration de la circulation de l’information, et la bienveillance des autres à notre égard (solidarité, coopération). En contre partie, le réseau social impose aussi des contraintes puisqu’il est porteur d’obligations, de normes et de sanctions. Une structure sociale constitue un capital social, c’est-à-dire est bénéfique pour les individus, lorsqu’elle engendre un contrôle social limitant ainsi les comportements opportunistes et la délinquance. Pour produire du capital social, une structure sociale doit être fermée (closure) et dense. Les individus doivent être reliés par des liens forts, à même d’assurer la normalisation des comportements. Il faut aussi que chacun puisse identifier la limite des obligations de réciprocité. La structure doit être stable dans le temps pour que des normes partagées puissent s’y développer. 13 Sur le plan méthodologique, cette approche collective conduit à s’intéresser à des réseaux sociaux complets, on considère l’ensemble d’une communauté, et non plus seulement des réseaux ego-centrés (c’est-à-dire limités aux relations d’un individu donné). Les questionnaires portent sur la densité des relations sociales (sociabilité), sur le niveau de confiance dans les relations entre individus et avec les institutions, sur la participation à la vie publique (participation aux élections, lecture de journaux, etc.) et sur la réciprocité perçue dans les relations. On s’intéresse donc davantage à la nature des relations sociales qu’à leur structure. 14 Cette conception du capital social a aussi été souvent reprise en sciences de gestion notamment par les approches théoriques qui considèrent l’entreprise comme un lieu où les individus mettent en commun leurs ressources pour atteindre un objectif collectif. Une ressource essentielle à partager est la connaissance; or, les normes véhiculées par la structure sociale incitent les individus au partage de leurs connaissances. Selon Adler et Kwon (2002) les réseaux sociaux permettent d’échanger des ressources sans terme fixe ni contrat explicite. Ce mode de coordination se caractérise par sa grande flexibilité ce qui facilite l’adaptation aux circonstances. De plus, il permet l’échange de ressources complexes et difficiles à spécifier comme le soutien social, le soutien affectif et surtout, la connaissance. En cela, ce mode de coordination peut être considéré comme supérieur au contrat. 15 Se situant dans cette perspective, Leana et Van Buren (1999) proposent le concept de capital social organisationnel. Ils considèrent que la présence de capital social dans une organisation se traduit par l’existence d’objectifs et de valeurs partagés par les membres de l’organisation, l’implication des membres dans l’atteinte des objectifs collectifs, et l’existence d’une uploads/Management/ article-sur-reseaux-sociaux.pdf
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- Publié le Aoû 16, 2022
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