Jean S IMONET et Jean-Pierre B OUCHEZ avec la collaboration de Joël P ELADE et
Jean S IMONET et Jean-Pierre B OUCHEZ avec la collaboration de Joël P ELADE et Patrick G ILBERT Le conseil Le livre du consultant et du client Deuxième édition actualisée et enrichie © Groupe Eyrolles, 2003, 2009 ISBN : 978-2-212-54255-4 © Groupe Eyrolles 143 • CHAPITRE 2 Être client du conseil Nous nous proposons dans cette partie de parcourir l’ensemble du pro- cessus de relation et d’échanges entre le cabinet de conseil et l’entreprise cliente, en adoptant la position de l’utilisateur de conseil1. Ce processus comprend trois phases majeures, que nous traiterons successivement. Dans un premier temps, nous cernerons, très en amont, les raisons pour lesquelles les entreprises envisagent ou décident de faire appel à un cabi- net de conseil. Ensuite, nous analyserons la question du choix du cabinet de conseil. Enfin, nous examinerons la collaboration entre l’entreprise cliente et le consultant, jusqu’à la fin de la mission qui les réunit. POURQUOI FAIRE APPEL À DES CONSULTANTS Comme le fait remarquer Fiona Czerniawska2, la réussite d’un projet de conseil se joue bien avant la première rencontre avec le consultant et sup- pose d’abord que le client du conseil sache précisément pourquoi il a recours aux consultants3. 1. À part les différents guides, dont les principaux sont mentionnés dans ce livre, les ouvra- ges français sur le conseil dans la perspective du client sont rares. Nous n’en n’avons iden- tifié qu’un : LATAPIE P., Recourir au conseil, Éditions du Grand Chemin, 2006. Il se situe dans la ligne globale de ce chapitre. 2. CZERNIAWSKA F., The Intelligent Client : Managing Your Management Consultant, Hodder & Stoughton, 2002. 3. « Il nous faut un consultant » est une idée désormais répertoriée comme une idée reçue en management, une (fausse) évidence à laquelle il convient de ne pas succomber sans réfléchir au préalable, sous peine de déconvenues. Voir LEFRANCQ, « Il nous faut un consultant », in CriM (Critique et Management), PEZET A., SPONEM S. (dir.), Petit bréviaire des idées reçues en management, La Découverte, 2008. • 144 © Groupe Eyrolles Le conseil Mauvaises raisons, bonnes raisons Des mauvais usages du conseil Dans un article stimulant, Xavier Baron1 met en garde contre les « usages illégitimes » des conseils en gestion sociale. Ses remarques peuvent à notre sens s’appliquer à l’utilisation de toute forme de conseil. L’auteur décrit avec une pointe d’ironie plusieurs rôles « implicites et non contractuels ». 1. BARON X., « Du bon usage des consultants en gestion sociale d’entreprise », L’enjeu humain de l’entreprise, CEPP, 1988. Les rôles pervertis du consultant (d’après Xavier Baron) • L’intervenant « danseuse » (le rôle le moins productif) Bien que cette situation soit rare, pour des raisons évidentes de rapport coût- efficacité, le consultant peut être chargé par le client-commanditaire « d’occuper le devant de la scène quelque temps, parfois simplement pour le plaisir, parfois pour faire diversion ». Ainsi l’intervention peut se traduire par une communication de quelques heures, à l’occasion d’un comité de direction ou d’un séminaire interne par exemple. • L’intervenant « alibi » (le rôle le plus frustrant) Dans ce cas de figure, il s’agit d’utiliser le consultant pour « faire la preuve que l’on fait quelque chose, tout en faisant en sorte qu’il ne se passe rien ». L’exemple d’audits ou de diagnostics sans suite peut constituer une illustration de cette démarche, que Baron qualifie de « manœuvre dilatoire, non forcément consciente, visant le plus souvent à gagner du temps ou à respecter formellement un engagement que l’on ne peut, ou ne veut plus tenir ». La présence (coûteuse) du consultant est alors utilisée comme un argument d’affichage montrant l’intérêt et la volonté d’aboutir de l’entreprise. • L’intervenant « fusible » (le rôle le moins agréable) L’intervenant sera, dans ce cas de figure, conduit à porter la paternité de mesures peu populaires, comme des opérations de restructuration conduisant à des réductions d’effectifs. Naturellement, pour se prémunir, le consultant peut s’abriter derrière une « légitimité pseudo-scientifique ». En réalité, le plus souvent, les décisions, qui peuvent être par ailleurs légitimes et nécessaires, sont déjà prises. Le consul- tant est sollicité pour justifier des choix socialement mal assumés par les déci- deurs. Naturellement, en cas de difficultés Être client du conseil © Groupe Eyrolles 145 • et de complications, l’intervenant, asso- cié à un échec, est le premier à « griller », même si personne n’est vraiment dupe… • L’intervenant « porte-parole » (le rôle le plus manipulatoire) En prenant appui sur son aura personnelle (ou institutionnelle), le consultant est chargé de diffuser le message que le commanditaire veut faire passer « sans en avoir lui-même les moyens ou le pouvoir (c’est-à-dire la légitimité suffisante…) ». • L’intervenant « ressource d’énergie » (le rôle le plus épuisant) Dans certaines situations d’intervention, le consultant peut se retrouver seul à por- ter et expliciter le projet. Aussi peut-il être tenté de se substituer à la volonté des dirigeants pour essayer de faire aboutir coûte que coûte le projet… La présentation de Baron met l’accent sur la tentation pour les décideurs de se décharger d’une part de leurs responsabilités sur le consultant. Il nous semble intéressant de l’élargir et de l’enrichir en explorant les « mauvaises raisons » de recourir au conseil à partir du « modèle » des sept péchés capitaux. Les péchés capitaux … dans l’utilisation du conseil Gourmandise Vouloir goûter toutes les techniques et les produits à la mode. Certains consultants surfent sur les modes qui, en management, se suc- cèdent régulièrement. D’autres se contentent d’habiller des outils classi- ques du management les derniers concepts venus des États-Unis. Luxure Certains décideurs ne résistent pas au plaisir toujours renouvelé d’être entourés de consultants dévoués à leurs multiples pulsions managériales, quitte à s’en séparer dès que la lubie est passée ou le charme rompu. Le consultant est dans la posture de la « danseuse » du dirigeant, il « présente bien » et sait avec un art consommé flatter son ego. Avarice Le décideur peut chercher à obtenir le maximum du consultant sans rien donner en échange et garder pour lui les conclusions de l’intervention pour en faire un outil dans sa stratégie personnelle de pouvoir. Paresse L’appel à un consultant peut être une solution de facilité, plutôt que d’uti- liser ou de développer les compétences et les ressources internes. Jalousie L’achat de conseil peut ne pas être suffisamment réfléchi lorsqu’il est essentiellement déclenché par le réflexe de s’aligner sur les pratiques des concurrents ou de telle ou telle entreprise de référence. …/… • 146 © Groupe Eyrolles Le conseil Didier Noyé et Étienne Verne1 confirment les analyses qui précèdent lorsqu’ils regroupent en trois catégories les situations où il n’est pas jus- tifié d’utiliser un consultant : • pour se débarrasser d’un problème et fuir les difficultés dans une situation délicate ; • par ignorance de ses propres ressources, en demandant à l’extérieur des contributions qui pourraient être obtenues en interne ; • par facilité, pour obtenir un résultat sans trop d’effort. Noyé et Verne font remarquer que, même si la compétence interne existe, le décideur peut avoir du mal à l’identifier ou à la mobiliser, et qu’il est en général plus facile d’obtenir un résultat des consultants que des collaborateurs. Mais, ajoutent-ils, c’est une pente dangereuse, car l’entreprise risque de perdre de la compétence ou de ne pas l’acquérir en comptant trop sur des forces externes. Des bons usages du conseil Après le repérage des mauvais usages, la bonne utilisation du conseil apparaît, que nous proposons de résumer à travers la définition suivante : Le conseil est un apport de compétences extérieures pour résoudre un problème. Le consultant (et formateur de consultants) anglais Calvert Markham s’appuie implicitement sur cette définition lorsqu’il énumère les cinq conditions qui doivent être réunies pour qu’un client ouvre un dialogue Orgueil Le recours à un cabinet prestigieux ou à une « star » du conseil peut être valorisant pour l’entreprise cliente mais ne saurait la dispenser d’analyser ses besoins. Colère Quand une direction souhaite se débarrasser d’un responsable ou d’une unité, elle peut faire appel à un consultant, implicitement chargé de trou- ver des failles dans sa gestion. Tous les consultants ne se prêtent pas à ce jeu, mais certains n’hésitent pas à s’en faire une spécialité. Figure 2-1. Les sept péchés capitaux du client du conseil 1. NOYÉ D., VERNE E., Choisir un consultant, AFNOR, 1991, p. 9. Être client du conseil © Groupe Eyrolles 147 • avec un consultant afin d’examiner la possibilité d’une collaboration. Pour lui1, le client doit : • reconnaître qu’un problème existe ; • considérer le problème comme important ; • penser que le problème peut être résolu ; • vouloir une aide extérieure ; • trouver le consultant qui lui convient. Leonard Bisk2, dans un guide pour les PME américaines faisant appel à dif- férents types de services professionnels, reprend la même logique en y inté- grant quelques considérations sur le contexte et l’impact de l’intervention d’un consultant dans l’entreprise. Il estime que le chef d’entreprise ne tirera profit uploads/Management/ cabinet-conseils-pdf.pdf
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- Publié le Fev 23, 2022
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