Sciences et Technologies de l´Information et de la Communication pour l´Éducati

Sciences et Technologies de l´Information et de la Communication pour l´Éducation et la Formation Volume 17, 2010 Article de recherche Conditions des genèses d'usage des technologies numériques dans l'éducation Teresa ASSUDE*, Dominique BESSIERES**, Delphine COMBROUZE**, Catherine LOISY*** *UMR ADEF, Université de Provence, **AEP, Université de Reims Champagne- Ardenne, ***EducTice, INRP, CRPCC-CREAD, Rennes 2 RÉSUMÉ : Dans un contexte marqué par les injonctions institutionnelles pour la mise en œuvre des technologies de l’information et de la communication dans l’éducation, de nombreuses recherches ont mis en évidence les difficultés liées à leur généralisation. Cet article interroge les genèses d’usages professionnels des technologies numériques chez les enseignants et tente d’analyser les conditions et contraintes influençant ces usages. Le recueil des données est fait sur le terrain de la formation des enseignants et croise les résultats de deux recherches qui apportent des données complémentaires, une troisième recherche sert également à mettre en perspective les résultats. L’hypothèse posée est que les relations au changement et les représentations sociales du sujet sont des facteurs qui influencent la décision de mettre en œuvre ou non les technologies numériques dans l’enseignement. L’analyse révèle une autre dimension explicative des choix : les acteurs semblent pris dans un système d’injonction paradoxale. MOTS CLÉS : Technologies numériques, représentations sociales, formation, certification, injonction paradoxale, changements - résistances. ABSTRACT : Many researches have underlined the difficulties linked to generalizing the implementing of Information and Communication Technologies in education, in a context strongly influenced by institutional injunctions. This article examines the beginnings of professional uses concerning digital technologies among teachers, and tries to analyze the conditions and constraints influencing these usage. The data-gathering is carried out in the field of teachers’ training and cross- checks the results of two research studies, which bring further data. A third research study is also used to put the results into perspective. The assumption made is that the relationship to change and the social representations of the subject are factors that influence the decisions implement digital technology in teaching. The analysis conveys another explanatory dimension of the choices: the players seem to be caught in a paradox linked to institutional decisions and orders. KEYWORDS : Digital technologies, social representations, teachers’ training, professional certification, paradoxical injunction, change-resistance 1. Introduction 2. Cadre théorique pour appréhender les usages 3. Méthodologies : deux corpus complémentaires 4. Eléments convergents pour discerner les genèses d'usage 5. Conclusion : des genèses d'usage sous injonction paradoxale BIBLIOGRAPHIE 1. Introduction Cet article essaie de mettre en évidence un certain nombre de conditions et de contraintes à prendre en compte pour appréhender les genèses d’usages professionnels des technologies numériques par les enseignants sur la base de trois terrains d’enquêtes. En particulier, nous nous intéressons aux rapports qui peuvent être identifiés entre les formations, les certifications et les représentations des acteurs en tant que Revue Sticef.org 19/07/10 11:48 1 sur 15 facteurs favorisant ou freinant l’intégration des TIC (Technologies de l'information et de la communication) dans les pratiques professionnelles des enseignants. En cela, notre perspective diffère de la vision dominante des années 2000 insistant sur la primauté technique « refondant » l’activité ou négligeant les aspects synchrones liés à l’usage des TIC, soulignant la généralisation des équipements (Ben Youssef et Rallet, 2009). L’intention d’intégrer les technologies numériques à l’école, en collège et en lycée en France est actuellement bien attestée dans les textes officiels. L’un des sept piliers du socle commun des connaissances et des compétences (Décret n°2006-830 du 11 juillet 2006) pour l’enseignement obligatoire est la maîtrise des techniques usuelles d’information et de communication qui apparaît au même titre que la maîtrise de la langue française. Nous pouvons y lire : « La culture numérique implique l'usage sûr et critique des techniques de la société de l'information. Il s'agit de l'informatique, du multimédia et de l'internet, qui désormais irriguent tous les domaines économiques et sociaux. Ces techniques font souvent l'objet d'un apprentissage empirique hors de l'école. Il appartient néanmoins à celle-ci de faire acquérir à chaque élève un ensemble de compétences lui permettant de les utiliser de façon réfléchie et plus efficace. ». Dans ce texte, ces technologies numériques font partie d’une culture numérique vis-à-vis de laquelle l’école non seulement ne doit pas rester à l’écart mais encore doit être partie prenante en favorisant une éducation réfléchie et critique des usages des techniques. La pression sociale et institutionnelle est très forte pour intégrer les technologies numériques du primaire au secondaire et l’accent est mis sur les usages : « usage sûr et critique » et « les utiliser de façon réfléchie et efficace ». Dans ce contexte institutionnel volontariste, un certain nombre de travaux ont montré que les usages réels dans les classes ne sont pas à la mesure des intentions et des aspirations officielles et ont essayé de comprendre les différentes raisons de ce décalage (Kynigos et al., 2007), (Hoyles et Lagrange, 2009), (Assude et al., 2009). La réflexion mérite cependant d’être poursuivie, en prenant appui sur de nouveaux terrains. La recherche présentée ici concerne trois terrains étudiés pendant le projet de recherche GUPTEn (Genèses d’usages professionnels des technologies par les enseignants(1)), recherche qui regroupait plusieurs équipes s’intéressant à l’émergence d’une culture professionnelle chez les enseignants dans le cadre de situations instrumentées et tentant d’identifier les élans ou les freins aux usages réels des technologies numériques dans les classes ou auprès d’enseignants et de formateurs, en particulier les genèses d’usages professionnels au moment de la formation initiale des enseignants. Le choix de parler de genèse s’explique par le fait que les utilisations des TICE étudiées pendant ces recherches ne sont pas suffisamment stabilisées pour parler véritablement d’usages sociaux « les usages sociaux sont des modes d'utilisation se manifestant avec suffisamment de récurrence et sous la forme d'habitudes suffisamment intégrées dans la quotidienneté pour s'insérer et s'imposer dans l'éventail des pratiques culturelles préexistantes, se reproduire et éventuellement résister en tant que pratiques spécifiques à d'autres pratiques concurrentes ou connexes » (Lacroix, 1994) (p. 147). Les utilisations des TICE étudiées ici ne sont ni socialement partagées, ni suffisamment stables pour parler d’usages. En revanche, elles se situent dans un contexte dans lequel les injonctions sont très fortes, puisque les stagiaires IUFM (Institut National de Formation des Maîtres) doivent bénéficier d’une formation aux TICE pour obtenir le C2i2e, certificat Informatique et Internet niveau 2 “enseignant” (Circulaire n° 2005-222 du 19 décembre 2005). Ces préoccupations rejoignent et prolongent celles de Karsenti et ses collaborateurs (Kersanti et al., 2002) lorsqu'ils indiquent les perspectives et les besoins des recherches concernant l'intégration des TIC. Les auteurs préconisent qu’il faut tenter de comprendre l'apport de divers facteurs individuels, organisationnels ou sociétaux dans l'intégration pédagogique des TIC à la pratique éducative des nouveaux enseignants en s’interrogeant notamment sur les contextes et les processus qui favorisent le plus le transfert de connaissances technopédagogiques dans la pratique professionnelle. Ainsi, l’intégration des technologies apparaît liée à des facteurs individuels, bien sûr, mais aussi à des facteurs organisationnels et sociétaux, il semble donc utile d’analyser le point de vue des individus en le reliant à un contexte élargi à l’organisation de la formation, et aux attentes sociétales. Les contextes et les processus facilitateurs seront tirés de l’analyse des discours et l’intérêt se portera sur les rapports qui peuvent être identifiés entre les formations, les certifications et les représentations des acteurs en tant que facteurs favorisant l’intégration des TIC dans les pratiques professionnelles des enseignants. Le Revue Sticef.org 19/07/10 11:48 2 sur 15 questionnement porte sur la contextualisation globale de l’émergence des usages des TIC : quelles sont les influences des représentations des acteurs (formateurs ou enseignants) ? Quel est le rôle des certifications pour les acteurs ? Dans quelle mesure la diffusion de ces usages s’inscrit-elle dans l’évolution des organisations manifestant une injonction paradoxale ? Nous posons l’hypothèse qu’il existe des logiques de convergence et des dynamiques de mutation et que celles-ci peuvent être mises en évidence en analysant les représentations des acteurs de la formation. Ces résultats seront mis en lien avec d’autres domaines professionnels pour montrer ainsi que l’école et la formation ne sont pas des « champs » isolés dans la société puisqu’ils intègrent les dynamiques de mutation de celle-ci rendant la situation des acteurs plus complexe. 2. Cadre théorique pour appréhender les usages Pour penser la relation entre la dimension institutionnelle et la dimension personnelle dans le cadre de l’intégration des TIC, l’analyse s’appuie sur deux soubassements théoriques : le premier est la dialectique changements/résistances, le second est celui des représentations sociales. Ils permettent de penser les cadres dans lesquels les acteurs peuvent ou non développer leurs actions en la matière. Par ailleurs, l’approche doit être plus élargie qu’une centration sur la classe (Karsenti et al., 2002), l’approche systémique qui sous-tend cette recherche combine l'étude des représentations et des pratiques avec celle des institutions et des contextes (Viens et Rioux, 2002), notamment en prenant en compte les formations et les certifications. Cette approche peut être déclinée aux niveaux macro (social), méso (établissement) et micro (classe) (Assude et al., 2009). 2.1. Une dialectique changements/résistances pour des genèses uploads/Management/ condition-des-geneses-dusages-des-techn.pdf

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  • Publié le Fev 23, 2022
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