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Les grands auteurs en théorie des organisations : Michael Jensen : la théorie positive de l’agence et ses applications à l’architecture et à la gouvernance des organisations1 Gérard CHARREAUX Professeur en sciences de gestion Université de Bourgogne FARGO - Centre de recherche en Finance, ARchitecture et Gouvernance des Organisations Cahier du FARGO n° 1041203 Décembre 2004 Version révisée mai 2005 Résumé : L'objectif de cet article est de faire une présentation des travaux de M.C. Jensen dans le domaine de l'architecture et de la gouvernance des organisations. Après avoir précisé les principales composantes et le champ d’application de la théorie positive de l’agence,sont présentées les applications de cette théorie dans les champs de la finance, du contrôle de gestion et de la gestion des ressources humaines, à travers les travaux de M.C. Jensen. Mots clés : théorie positive de l'agence ; architecture organisationnelle ; gouvernance d'entreprise ; valeur de marché ; budget ; rémunérations des dirigeants. JEL Classification : G30 ; J30 ; L22 ; L29 ; M40 1 Cet article reprend pour partie des éléments publiés dans les articles de Charreaux (1999, 2000, 2003). L’auteur remercie Alain Schatt et les deux rapporteurs anonymes pour leur relecture attentive et leurs suggestions. 1 Un des articles les plus cités de la littérature économique, que ce soit par les spécialistes de l’économie organisationnelle ou ceux des sciences de gestion – notamment les chercheurs en finance – est celui de Jensen et Meckling (1976) « Theory of the Firm : Managerial Behavior, Agency Costs, and Ownership Structure », publié dans le Journal of Financial Economics. Cet article a jeté les bases de la théorie positive de l’agence (désormais la TPA), dont l’influence s’est largement étendue au-delà de la finance pour devenir une des principales branches des théories contractuelles des organisations. Il s’inscrivait dès l’origine dans un projet ambitieux (Jensen et Meckling, 1998), né à l’Université de Rochester au début des années 70 : créer une théorie du comportement des organisations reposant sur l’hypothèse de rationalité des acteurs, notamment des managers. Comme le précisent Jensen et Meckling (1998, p. 8) l’objectif qu’ils poursuivaient était de construire une théorie des organisations : « Notre objectif est de construire une théorie des organisations à même d’expliquer clairement comment les règles du jeu organisationnelles affectent la capacité du dirigeant à résoudre les problèmes, à accroître la productivité et à atteindre son objectif2 ». L’objectif explicatif – « positif » –, était clairement posé. Sur la base de l’étude des organisations réelles, il s’agissait dans un premier temps de comprendre quelle était l’influence des règles organisationnelles sur l’efficacité des organisations, puis, dans un second temps, de s’appuyer sur cette compréhension pour l’accroître. Ce faisant, la théorie « positive » de l’agence ne doit pas être confondue, comme le souligne Jensen (1983), avec la théorie normative de l’agence – le courant principal-agent – qui cherche à étudier, au moyen de modèles formalisés, le partage optimal du risque en posant des hypothèses restrictives sur les structures de préférences ou d’information et la nature de l’incertitude. La démarche s’inscrit dans une autre perspective : il s’agit d’expliquer les formes des contrats, les caractéristiques réelles des marchés (les marchés financiers, le marché des dirigeants…), les mécanismes organisationnels, selon le principe d’efficacité, comme résultant d’un processus de sélection darwinien. Fondée à l’origine sur la théorie des droits de propriété et sur la notion de relation d’agence empruntée à l’approche principal-agent, la TPA se veut une « théorie de la coordination et du contrôle » appliquée à la gestion des organisations et centrée sur les dirigeants. Elle s’applique, en particulier, à l’architecture organisationnelle – c’est-à-dire aux questions touchant à l’allocation et au contrôle des décisions – et à la gouvernance des entreprises. Même si Meckling peut revendiquer le titre de co-fondateur de ce courant, cet 2 « Our objective is to develop a theory of organizations that provides a clear understanding of how organizational rules of the game affect a manager’s ability to resolve problems, increase productivity, and achieve his or her objective ». 2 article sera exclusivement consacré à Jensen qui a joué le rôle le plus important dans son développement, notamment dans ses applications à la finance, à la gouvernance, au contrôle de gestion et à la gestion des ressources humaines. De nationalité américaine, Jensen a fait ses études à l’Université de Chicago, obtenant successivement un MBA en Finance en 1964, puis un doctorat en économie, finance et comptabilité en 1968. Sa carrière universitaire s’est déroulée dans deux universités américaines. Il débute en 1967 à l’Université de Rochester, au sein de la Graduate School of Management, comme Professeur-assistant et quitte cette université en 1988, après y avoir été, Professeur associé, Professeur, puis titulaire d’une chaire de finance et de gestion. Il rejoint alors la Graduate School of Business Administration de l’Université de Harvard où il reste jusqu’à sa retraite en juin 2000, son dernier poste ayant comme support la chaire de « Jesse Isidor Straus Professor of Business Administration ». La variété de ses préoccupations en matière de recherche se retrouve dans celle des enseignements qu’il a dispensés, puisque, au cours de sa carrière, il a non seulement enseigné dans les domaines de la finance d’entreprise et des marchés financiers, mais également en économie, en comptabilité, en théorie du contrôle et des organisations et en politique générale. Jensen s’inscrit notamment dans une démarche « gestionnaire », caractérisée par un souci permanent que ses travaux soient en prise directe avec le monde des affaires, tant du point de vue explicatif que prescriptif. Au-delà de ses activités d’enseignement, de recherche et de consultation, Jensen a également assumé des fonctions administratives et d’expertise, en particulier d’administrateur au sein de conseils d’administration d’entreprises, d’organisations publiques et d’associations académiques ou d’expert judiciaire auprès de différents tribunaux. Il a également été Président de l’American Finance Association et a fondé le Journal of Financial Economics, le Journal of Financial Abstracts ainsi que les réseaux « Financial Economics Network » et « Economics Research Network », bien connus des chercheurs en finance et en économie. Depuis sa retraite, Jensen exerce les fonctions de Managing Director, pour l’axe Organizational Strategy Practice au Monitor Group, une société internationale de service aux entreprises. Quelles que soient l’importance de ses activités de gestionnaire de la recherche et son implication dans le monde des affaires – il a été désigné comme l’une des 25 personnes les plus fascinantes du monde des affaires en 1990 par le magazine Fortune – Jensen doit principalement sa réputation à ses contributions scientifiques en finance3 et en théorie des organisations. 3 Voir l’article de Charreaux (2003) consacré à Jensen, dans l’ouvrage de M. Albouy, Les grands auteurs en finance, pour une présentation de l’ensemble des apports à la finance. 3 Si les premiers travaux de Jensen ont porté sur la finance de marché, notamment l’évaluation des actifs financiers, l’efficience informationnelle et la mesure de performance des portefeuilles, ils n’ont occupé qu’une période relativement brève (1969-1978, en fonction des dates de publication) dans sa carrière académique. Tout en ayant eu un rôle important dans les domaines cités, ces travaux n’ont pas exercé une influence comparable à celle de ceux réalisés dans la perspective organisationnelle. Précisons, cependant, qu’ils ont été une source d’inspiration, à certains égards, pour le développement de sa théorie des organisations. Ainsi, Jensen a été un des quatre auteurs du célèbre article de Fama, Fisher, Jensen et Roll (1969), à l’origine de la méthode des études d’événements qui est d’usage courant pour évaluer l’incidence des modifications d’architecture organisationnelle sur l’efficience des firmes. Plus spécifiquement, Jensen (1969) a été le premier à définir la notion d’efficience informationnelle des marchés4 en tenant compte des coûts de gestion et de transaction supportés par les gérants, donc en apportant une dimension organisationnelle et contractuelle à la notion d’efficience. Enfin, la notion d’efficience des marchés est au cœur même des développements de la TPA. Bien davantage qu’à la finance de marché, le nom de Jensen est surtout associé à la TPA, qui constitue un programme de recherche original à part entière ayant fortement influencé non seulement la finance – en créant le courant de la finance organisationnelle –, mais plus largement les sciences économiques et de gestion5. La contribution de ce courant est à la fois explicative et normative. Ainsi, la diffusion du critère de la valeur actionnariale comme objectif de gestion trouve en partie son origine dans les écrits normatifs de Jensen, même si ce dernier prône aujourd’hui l’adoption d’un objectif plus large, la création de « valeur de marché de la firme sur le long terme » pour l’ensemble des investisseurs financiers. Cette présentation, à travers les travaux de Jensen, poursuit deux principaux objectifs. En premier lieu, elle vise à mettre en évidence les composantes centrales de la TPA et son champ d’application. En second lieu, elle cherche à montrer la diversité et l’importance des questions abordées par la TPA pour la gestion des organisations en l’illustrant notamment par des exemples touchant à la finance et la gouvernance des entreprises, au contrôle uploads/Management/ la-theorie-positive-de-l-x27-agence-et-ses-applications-a-la-gouvernance.pdf

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  • Publié le Sep 13, 2022
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