Refl ets de la Physique n° 21 / Le Bup n° 927 70 L’invention du laser, suivie du

Refl ets de la Physique n° 21 / Le Bup n° 927 70 L’invention du laser, suivie du développement des lasers à semi-conducteurs, a été un élément clef dans l’essor des télécommunications par fi bres optiques. Nous exposons ici les raisons pour lesquelles certaines des propriétés du rayonnement laser, telles que la brillance et la cohérence, sont aujourd’hui incontournables pour réaliser des liaisons pour les télécommunications à longue distance et de haut débit. Les besoins dans ce domaine nous amènent ensuite à comprendre pourquoi les lasers à semi- conducteurs se sont imposés comme les sources optiques de prédilection. Des lasers pour les télécommunications optiques par fi bres : un luxe ou une nécessité ? Cinquante ans nous séparent du premier laser. Pourtant, qui aurait pensé que cette expérience de physique allait paisiblement révolutionner nos modes de vie ? Cette lumière aux propriétés si étranges s’est en effet immiscée dans notre quotidien en changeant nos modes de communication, sans même qu’on s’en aperçoive. Les télé- communications optiques ne se seraient sans doute pas démocratisées sans ces lasers : si petits et pourtant si complexes ! Nous tentons ici de montrer pourquoi les propriétés du rayonnement laser ont été déterminantes dans l’essor des télécommu- nications optiques. Pourquoi transmettre l’information dans le domaine optique ? Pour comprendre en quoi les lasers ont aidé à révolutionner le domaine des télé- communications, revenons quelques instants sur le principe de fonctionnement et les caractéristiques d’une liaison optique. Dans le cas le plus simple, une liaison optique est constituée d’un laser, d’une fi bre et d’un détecteur. Quelle que soit l’origine du signal à transmettre, celui-ci est d’abord numérisé puis compressé dans le domaine électrique, en une succession de bits « 1 » et « 0 ». Le passage dans le domaine opti- que se fait via un laser, dont on module l’intensité de sorte que la présence de lumière correspond à un bit « 1 », alors que son absence correspond à un bit « 0 ». On transcrit ainsi l’information sur une porteuse optique, qui va se propager le long de la fi bre sur plusieurs dizaines, voire milliers, de kilomètres avant d’atteindre le détecteur. Ce dernier convertit enfi n la modulation optique en signal électrique. L’utilisation d’une porteuse optique présente deux intérêts majeurs. Le premier intérêt est la large bande passante, qui est directement liée au nombre d’informations que l’on peut transférer par unité de temps. En effet, à la longueur d’onde des télécommunications optiques qui est de 1,5 µm, la fréquence lumineuse, ν0, est de l’ordre de 200 THz. Moduler l’intensité d’une onde lumineuse avec un signal sinusoïdal à la fréquence ν induit l’apparition dans le domaine spectral de deux raies à ± ν de la fréquence lumi- neuse ν0 (fi g. 1a). Dans le cas où le signal de modulation est quelconque et où sa fréquence la plus élevée est ν, des bandes latérales apparaissent de part et d’autre de la fréquence lumineuse, couvrant un spectre de largeur 2ν centré autour de ν0. Ce sont ces bandes spectrales qui contiennent l’in- formation utile. Ainsi, en se limitant à une largeur de spectre utile de 16 nm autour de 1550 nm, la bande passante est déjà potentiellement de 1 THz. Le deuxième intérêt majeur d’utiliser une porteuse optique est que les fi bres présentent aujourd’hui des pertes faibles, Mehdi Alouini (mehdi.alouini@univ-rennes1.fr) Institut de Physique de Rennes, UMR CNRS 6251, Université de Rennes 1, 35042 Rennes Cedex, Ingénieur-conseil à Thales Research and Technology. Article disponible sur le site http://www.refletsdelaphysique.fr ou http://dx.doi.org/10.1051/refdp/20102170 de l’ordre de 0,2 dB/km. Ceci correspond à une atténuation de l’intensité lumineuse d’un facteur 2 au bout de 15 km de pro- pagation. Si l’on devait rester dans le domaine électrique, les pertes de propaga- tion augmenteraient avec la fréquence du signal. Pour donner un ordre de grandeur, l’atténuation d’un câble hyperfréquence à 20 GHz se compte en dB/m. L’atténuation de la puissance électrique est déjà consé- quente au bout de quelques mètres. Ce problème ne se pose plus lorsque le signal est porté par l’onde optique, car les fi bres sont parfaitement transparentes et présentent peu de pertes sur une plage de longueur d’onde qui excède la centaine de nanomètres autour de 1,5 µm (ce qui représente une plage spectrale supérieure à 5 THz, voir la fi gure 1b). On voit donc comment l’utilisation de la lumière comme vecteur de l’information a ouvert la voie aux transmissions de haut débit. Encore fallait-il pouvoir moduler rapidement cette lumière et garantir qu’elle se propage sans pertes d’information. Nous verrons plus loin comment les lasers à semi-conducteurs remplissent parfaitement la première condition. Retenons pour l’instant que la source lumineuse doit pou- voir être rapidement modulée, et voyons pourquoi la deuxième condition lui impose en plus d’avoir une grande brillance. Pour cela, intéressons-nous à la propagation de la lumière dans une fi bre. 71 Refl ets de la Physique n° 21 / Le Bup n° 927 Quelques exemples d’application des lasers 542,8 Atténuation (dB/km) Longueur d'onde (nm) 10 1 0,1 800 1000 1200 1400 1600 1800 5 THz 50 GHz Multiplexage en longueur d'onde λ1 λ2 λ3 λ4 1. Le domaine optique offre une bande passante gigantesque. (a) Spectre optique d’un laser. La modula- tion de son intensité fait apparaître dans le spectre deux bandes latérales, espacées de la fréquence de modula- tion. (b) Atténuation d’une fi bre optique en fonction de la longueur d’onde. L’atténuation augmente aux petites longueurs d’onde à cause de la diffusion Rayleigh, et aux grandes longueurs d’onde à cause de l’interaction photons-phonons. Le pic à 1380 nm correspond à une transition de l’ion OH–. La fenêtre de transparence se situe entre 1530 nm et 1600 nm. (c) Le multiplexage en longueur d’onde consiste à compartimenter le spectre optique en plusieurs canaux de communication. Chaque canal possède sa propre porteuse optique, autour de laquelle sont transposés les signaux électriques à transmettre (en rouge sur la fi gure). © Inst. Phys. Rennes - M. Alouini Modulation d'amplitude : spectre optique 20 GHz Puissance (u.a.) Puissance (u.a.) 1542,2 1542,35 1542,50 1542,65 1542,8 Longueur d'onde (nm) Atténuation (dB/km) Longueur d'onde (nm) 10 1 0,1 800 1000 1200 1400 1600 1800 5 THz 50 GHz Multiplexage en longueur d'onde λ1 λ2 λ3 λ4 © Inst. Phys. Rennes - M. Alouini Avec modulation Sans modulation >>> Coupe d’une préforme permettant de réaliser une fi bre optique air-solide de 125 μm de diamètre (XLIM, Limoges). © CNRS Photothèque / VRIGNAUD François. a b c Pourquoi une source lumineuse de forte brillance ? Une fi bre optique est constituée d’un cœur qui guide la lumière et d’une gaine, tous deux en silice (fi g. 2a). Pour que la lumière reste guidée, on joue sur le dopage de la silice pour que l’indice de réfraction du cœur soit supérieur à celui de la gaine. Lorsque le diamètre du cœur est très grand devant la longueur d’onde, les lois de la réfraction de l’optique géo- métrique s’appliquent. Ainsi, il existe un angle d’incidence critique (avec la normale à l’interface entre le cœur et la gaine), au-delà duquel se produit la réfl exion totale. La lumière se trouve ainsi guidée le long du cœur. Cependant, elle peut emprunter plusieurs chemins tout en restant guidée, pourvu que l’angle d’incidence soit supérieur à l’angle critique. Dans ce cas, la fi bre est dite « multimode », car plusieurs modes de propagation sont possibles (fi g. 2b). Le calcul rigoureux montre qu’il existe une multi- tude de modes de propagation, chacun ayant son propre indice effectif, de sorte que les chemins optiques(1) vus par chaque mode sont différents. On parle alors de dispersion modale. Un tel schéma de propagation n’est pas adapté à une transmission de haut débit. En effet, une impulsion lumineuse pouvant emprunter plusieurs chemins optiques, elle se retrouve étalée en sortie de la liaison (fi g. 2b-1). Ceci est d’autant plus rédhibitoire que le débit est élevé, c’est-à- dire que les impulsions sont courtes et rapprochées les unes des autres, et que la liaison est longue. Pour que les impulsions restent bien séparées sur le détecteur, on montre que, dans le cas d’une fi bre à saut d’indice (où le profi l d’indice à l’interface cœur-gaine forme une marche d’escalier), le produit de la bande passante en fréquence, B, par la longueur de liaison, L, doit rester inférieur à une certaine valeur donnée par la relation : BL < n2c/(n1 2Δ), où Δ = 1 – n2/n1. Dans ces expressions, n1 et n2 sont respec- tivement les indices du cœur et de la gaine, et c la célérité de la lumière. À titre d’exemple, une liaison de 10 km de long utilisant une fi bre multimode à saut d’indice, avec une différence d’indice de 10- 3 entre le cœur et la gaine, autorise un débit maximum de seulement 30 Mb/s. Pour minimiser la dispersion modale tout en gardant de grands diamètres de cœur, une solution consiste à utiliser des fi bres à gradient d’indice. Dans ces fi bres, on s’arrange pour uploads/Management/ refdp-201021-p-70.pdf

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  • Publié le Oct 24, 2022
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