1 Stratégies de gestion des connaissances et leviers de l’apprentissage organis

1 Stratégies de gestion des connaissances et leviers de l’apprentissage organisationnel. Quelle articulation ? Le cas des cabinets de conseil Nadia Tebourbi Enseignante-Chercheur à l'Ecole Supérieure des Sciences Economiques et Commerciales de Tunis Chercheur associé au LAREQUOI nadia.tebourbi@uvsq.fr Larequoi, Laboratoire de recherche en management Université de Versailles Saint-Quentin-en- Yvelines 47, Bld Vauban - 78047 Guyancourt Tél : 01 39 25 55 34 Fax : 01 39 25 50 14 Karim Saïd Maître de conférences HDR karim.said@.uvsq.fr Larequoi, Laboratoire de recherche en management Université de Versailles Saint-Quentin-en- Yvelines 47, Bld Vauban - 78047 Guyancourt Tél : 01 39 25 55 34 Fax : 01 39 25 50 14 Résumé Ce papier se propose d’appréhender la spécificité de l’articulation des stratégies de gestion des connaissances avec les leviers de l’apprentissage organisationnel dans les cabinets de conseil en management. Nous définissons, dans un premier temps, les principaux concepts sur lesquels nous nous appuyons à savoir les stratégies de gestion des connaissances spécifiques à la pratique de conseil (la stratégie de codification et la stratégie de personnalisation) et les leviers de l’apprentissage organisationnel qui renvoient à l’autonomie, la fluctuation et le chaos créatif, la redondance ainsi que la variété requise. Nous présentons, dans un second temps, notre protocole de recherche fondé sur deux études de cas consacrées à des cabinets de conseil adoptant chacun une stratégie de gestion des connaissances spécifique. Nous mettons en perspective enfin les principaux enseignements tirés de nos cas au regard du couple « stratégie de gestion des connaissances » et « leviers de l’apprentissage organisationnel ». Il ressort ainsi de notre recherche que non seulement un même levier peut être utilisé de façon différente selon la stratégie adoptée mais que c’est l’interaction entre les leviers qui induit une véritable dynamique d’apprentissage organisationnel au service de la stratégie de gestion des connaissances en place. Mots clés : apprentissage organisationnel, stratégies de gestion des connaissances, conseil en management, étude de cas. 2 Désignées sous diverses appellations, « connaissances collectives, intégrées, globales, institutionnelles », le patrimoine des connaissances est reconnu aujourd’hui comme une richesse critique de l’entreprise (Argyris, 1994 ; Ermine, 2004). La diversité des définitions, perspectives et manifestations de l’apprentissage organisationnel illustre bien la complexité du phénomène à l’étude. Celle-ci s’explique par la difficulté d’appréhender l’articulation de la ressource "connaissances" avec celle de la dynamique de l’apprentissage organisationnel (Pawlowsky, 2003) ou encore celle du passage de l’apprentissage individuel en propriété organisationnelle (Kim, 1993). Les travaux récents conduits mettent ainsi l’accent sur les leviers renforçant les relations et la collaboration effectives au sein des organisations et pouvant par la même insuffler une dynamique d’apprentissage (Bollecker, 2002 ; Argyris, 2004 ; Bootz, 2006 ; Boutigny, 2007). Pour autant, les liens entre les stratégies de gestion des connaissances privilégiées par l’organisation et les leviers, susceptibles d’être actionnés, ont très peu été explorés. Nous nous inscrivons dans une approche basée sur la pratique (Practice-Based Approach) selon laquelle l’apprentissage organisationnel est défini comme un système de représentations du processus social de la construction des «connaissances localisées» dans les pratiques de travail (Brown et Duguid, 1991; Cook and Yanow, 1993; Nicolini and Meznar, 1995; Gherardi et Nicolini, 2000). En nous appuyant sur les travaux d’Hansen et al. (1999), nous nous interrogeons, dans ce papier, sur l’articulation entre les stratégies de gestion des connaissances et les leviers de l’apprentissage organisationnel dans le cadre de deux cabinets de conseil. Notre choix de la pratique du conseil en gestion s’explique par le fait que la consultation est un travail d’équipe de projet. En effet, pour chaque mission, une équipe spécifique de projet est constituée, variant en taille et type d'expertise. L’activité d’un groupe des consultants s'apparente à celle d'une communauté de pratique (Bourhis et al., 2007). Les connaissances développées dans l'interaction des membres du groupe sont cruciales et déterminantes pour l'activité continue d'une entreprise de consultation d’autant plus que les relations établies pendant les projets spécifiques mènent à d'autres projets, particulièrement lorsque les équipes sont constituées autour d'intérêts et de domaines d'expertise similaires (Alloing, 2006) Notre développement s’articulera en trois parties. Dans un premier temps, nous analyserons les stratégies de gestion des connaissances identifiées dans le secteur du conseil en gestion et identifions les principaux leviers de l’apprentissage organisationnel pouvant leur être associés. Dans un second temps, nous explicitons la méthodologie mobilisée ainsi que les résultats de la recherche. Enfin, dans un troisième temps, nous mettons en perspective les principaux enseignements à tirer de nos cas au regard de notre problématique de recherche. 3 1. LES STRATEGIES DE GESTION DES CONNAISSANCES ET LA DYNAMIQUE D’APPRENTISSAGE ORGANISATIONNEL Dans cette partie, nous proposons une grille d’analyse des stratégies de gestion des connaissances, plus spécifiquement dans les cabinets de conseil, et des leviers de l’apprentissage organisationnel. 1.1. LES STRATEGIES DE GESTION DES CONNAISSANCES DANS LES CABINETS DE CONSEIL EN GESTION Les entreprises dans le conseil agissent dans un environnement complexe puisqu’elles mettent au point des produits-conseil exigeant des connaissances différentes et un degré de professionnalisme élevé. Ainsi, la pertinence des connaissances délivrées aux clients de même que l'efficience et l'efficacité des processus opérationnels à travers lesquels elles sont échangées et développées doivent faire l’objet d’une attention particulière. Von Krogh et al. (2000) distinguent deux types de connaissances dans les cabinets de conseil en gestion : les connaissances orientées offre (supply-driven knowledge) et les connaissances orientées demande (demand-driven knowledge). Cette typologie correspond aux deux stratégies de développement des connaissances : l’exploitation des connaissances existantes et l’exploration de nouvelles connaissances (Koenig, 2006). Hansen et al. (1999) identifient les caractéristiques des organisations optant pour chacune des deux stratégies de gestion des connaissances. Notons qu’une firme de conseil en management, quelque soit sa stratégie de gestion des connaissances, diagnostique les symptômes ou la situation du client et propose des solutions pour remédier aux dysfonctionnements. Toutefois, les organisations, qui choisissent la stratégie de codification appelée aussi stratégie de « personne à document », se focalisent sur la formalisation, le stockage, la diffusion et la réutilisation des connaissances codifiées (Scheepers et al., 2004). Ses membres s’imprègnent et s’approprient les scenarii conçus pour améliorer les procédés industriels. Les entreprises qui optent pour la stratégie de codification présentent un certain nombre de caractéristiques sur le plan de leur stratégie concurrentielle, modèle économique et technologies de l’information. La stratégie concurrentielle repose sur l’élaboration de systèmes d’information rapides, fiables et de grande qualité conduisant à la réutilisation des connaissances codifiées. Le modèle économique correspond à une « économie de réutilisation ». En effet, ceci exige d’importants investissements en technologies de l’information afin de « capter » le capital de connaissances, le but étant une réutilisation multiple de celui-ci. En résumé, la stratégie de codification privilégie la réification, définie comme le processus qui donne forme à notre expérience en produisant des objets figeant cette expérience en chose (Wenger, 1999). 4 S’agissant des organisations ayant une stratégie de personnalisation ou stratégie de « personne à personne », la solution est co-construite avec le client. Les consultants appliquent leurs capacités analytiques et leur créativité à des problèmes à chaque fois différents (Hansen et al., 1999). Dans ce contexte, Davenport et Beck (2000) parlent de personnalisation pour désigner la démarche participative entre consultants et clients. Celle-ci est un outil puissant pour capter, canaliser l’expertise, maintenir et retenir l’attention des employés considérée une ressource (Davenport et Beck, 2000). Le réseau se trouve ainsi au cœur de la pratique du conseil en gestion facilitant le partage de connaissances tacites. La stratégie concurrentielle des entreprises qui s’inscrivent dans ce cadre consiste à offrir aux clients un conseil personnalisé sur leurs problèmes stratégiques. Ainsi, le modèle économique obéit à une « économie d’expertise » se traduisant par la formulation de solutions hautement personnalisées à des problèmes singuliers. Cette stratégie ne requiert que des investissements modérés en informatique puisqu’elle repose essentiellement sur l’échange direct de connaissances tacites (Nonaka et Von Krogh, 2009). En somme, cette stratégie s’appuie sur la participation qui fait référence à l'expérience sociale du vécu dans le monde en terme d'appartenance à des communautés sociales et en terme d'engagement actif dans des desseins sociaux. 1.2. LES LEVIERS DE L’APPRENTISSAGE ORGANISATIONNEL 1.2.1. L’apprentissage organisationnel L’enjeu de l’apprentissage organisationnel consiste à faire en sorte que les connaissances individuelles soient diffusées à l’échelle de l’organisation de telle manière que l’individuel et l’organisationnel puissent s’alimenter réciproquement. Le concept d’apprentissage organisationnel revêt diverses formes et brasse les dimensions individuelle et organisationnelle (Shrivastava, 1983; Fiol et Lyles, 1985; Levitt et March, 1988; Huber, 1991; Dixon, 1992; Dodgson, 1993; 1994; Moingeon et Ramanantsoa, 1995; Miller, 1996; Edmondson et Moingeon, 1998; Argyris et Schön, 2002; Pawlowsky, 2003; Koenig, 2006). Si la réflexion sur la pratique du conseil constitue le point de départ de notre raisonnement, c'est la focalisation sur les processus de négociation de sens (réification et participation) qui va nous permettre d’appréhender l’apprentissage organisationnel. L'apprentissage concerne le développement des pratiques et la capacité de négocier du sens. L'individu apprend à combiner la réification et la participation dans un processus de négociation de sens à travers les trois dimensions de la pratique: un engagement mutuel, une action uploads/Management/ strategie-de-gestion-de-connaissance-et-levier-de-l-x27-apprentissage-le-cas-de-cabinets-de-conseil.pdf

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  • Publié le Jul 31, 2022
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