COLLÈGE NATIONAL DES GYNÉCOLOGUES ET OBSTÉTRICIENS FRANÇAIS Président : Profess
COLLÈGE NATIONAL DES GYNÉCOLOGUES ET OBSTÉTRICIENS FRANÇAIS Président : Professeur B. Blanc Extrait des Mises à jour en Gynécologie et Obstétrique – Tome XXVIII publié le 1.12.2004 VINGT-HUITIÈMES JOURNÉES NATIONALES Paris, 2004 131 INTRODUCTION La pathologie thyroïdienne est la deuxième cause de maladie endocrinienne en cours de grossesse et l’obstétricien est fréquemment amené à suivre ces grossesses conjointement avec l’endocrinologue. Même si la survenue d'une affection thyroïdienne chez la femme enceinte est relativement peu fréquente, il est pourtant essentiel de reconnaître une dysthyroïdie au cours de la grossesse car celle-ci peut retentir sur l'évolution de la grossesse, et inversement. L’hypothyroïdie ou l’hyperthyroïdie non traitée peuvent avoir des conséquences sur le développement du fœtus (mortalité, retard de développement céré- bral, dysthyroïdie fœtale…). Il est donc important de détecter, typer et éventuellement traiter toute anomalie thyroïdienne en début de grossesse ; l’idéal étant bien évidemment une prise en charge de ces pathologies avant la conception. 1 Département de Périnatalogie – Hôpital Robert Debré, AP-HP 48 bd Sérurier – 75019 PARIS 2. Service d’Endocrinologie Pédiatrique, AP-HP Hôpital Necker – 149, rue de Sèvres – 75743 PARIS CEDEX 15 E-mail : dominique.luton@rdb.ap-hop-paris.fr Anomalies thyroïdiennes maternelles en début de grossesse : que faire ? M. AZARIAN1, J.-F. OURY1, E. VUILLARD1, I. LEGAC2, M. POLAK2, D. LUTON1 (Paris) Go131-148luton.qxp 10/10/04 18:53 Page 131 1. PHYSIOLOGIE A- Fonction thyroïdienne normale pendant la grossesse Les mécanismes précis de la régulation de la thyroïde maternelle au cours de la grossesse sont encore mal connus. Des modifications importantes surviennent, nécessitant une adaptation de la fonction thy- roïdienne maternelle : – augmentation des taux circulants de la principale protéine de transport de la thyroxine (Thyroxin Binding Globuline (TBG)). Elle est secondaire à l'hyperœstrogénie responsable d'une augmentation de la production hépatique de TBG et à une diminution de sa dégradation (1). On assiste ainsi à une élévation des taux de thyroxine (T4) et triio- dothyronine totales (T3), ce qui rend leurs dosages inutiles, seules les formes libres doivent dorénavant être utilisées (FT4 et FT3) ; – légère diminution des concentrations d'hormones libres (T4 et T3 libres) en fin de grossesse atteignant les limites inférieures de la normale, sans répercussion clinique (1) ; – présence dans la circulation de facteurs d'origine placentaire stimulant la thyroïde. Compte tenu des analogies structurales avec la TSH, il semblerait que ces facteurs stimulateurs ne soient autres que les gonadotrophines chorioniques (hCG). En faveur de cette hypothèse on note de plus une baisse des taux sériques de TSH en début de gros- sesse, concomitante de l'élévation du taux de hCG, une corrélation positive entre taux de hCG et de thyroxine libre. Ce rôle de l'hCG existe uniquement pendant le premier trimestre de la grossesse (1). Ceci explique l’élévation physiologique de la T4 au premier trimestre alors que la TSH diminue. Ce phénomène de « Thyrotoxicose Gestationnelle Transitoire » concerne 2,4 % des femmes enceintes (2). Au total le taux de T4 libre augmente au premier trimestre, parallèle- ment au taux d’hCG, puis diminue progressivement de 15 % au cours des deuxième et troisième trimestres. La TSH, elle, diminue au pre- mier trimestre puis son taux retourne à la normale au deuxième et troisième trimestres ; – augmentation des besoins en iode entraînant l’équivalent d’un déficit en iode par augmentation de sa clairance rénale (accrue sous l’effet de l’hyperœstrogénie) et pertes d'iode au niveau du complexe fœto-placentaire en fin de grossesse (3) (une fraction de l’iode inorga- nique maternel traverse le placenta afin d’assurer la synthèse des hor- mones thyroïdiennes par le fœtus (3) ; 132 LUTON & COLL. Go131-148luton.qxp 10/10/04 18:53 Page 132 – augmentation du volume thyroïdien secondaire au déficit en iode (4), à l'hyperœstrogénie (5) et à l'action thyréotrophique de l'hCG (6) ; – élévation des taux de thyroglobuline (TG) parallèle, pour cer- tains, à l'augmentation du volume thyroïdien (1, 4). Après la grossesse, on constate un retour à la normale du taux de TBG, d'hormones libres et de TSH. Par contre souvent persistent des taux élevés de TG et la régression du volume thyroïdien n'est pas tou- jours totale (6). B- Fonction thyroïdienne fœtale La thyroïde se développe à partir d’un épaississement du plancher pharyngé sur la ligne médiane et l’extension caudale et bilatérale de la quatrième poche pharyngo-branchiale. À 10 semaines de gestation, l’accumulation de colloïde peut déjà être détectée dans les cellules folliculaires de la thyroïde et la synthèse de la thyroglobuline commence (7). À partir de la 11-12e semaine de gestation, la thyroïde fœtale acquiert les capacités de concentrer l'iode et de synthétiser les hor- mones thyroïdiennes (8). À la même époque, la TSH et la TBG deviennent détectables dans le sérum (7). Dès la 17e semaine de gestation, on constate une augmentation pro- gressive des taux de T4, de TSH et de TBG. Dans la seconde moitié de la gestation, on observe chez le fœtus une augmentation significative des concentrations médianes de FT3 (de 0,7 pmol/l à 22 SA, à 1,9 pmol/l à 36 SA) et des concentrations médianes de FT4 (de 6 pmol/l à 22 SA à 14,3 pmol/l à 36 SA). La concentration de TSH n’augmente pas de façon significative (moyenne 10,2 ± 3,8 µUI/l [4,3-22,3] ). Les concentrations de FT4 rejoignent celles de l’adulte après 28 SA, les concentrations de FT3 restent toujours inférieures à celles de l’adulte, traduisant un défaut de la conversion périphérique de T4 en T3. Les concentrations de TSH sont toujours supérieures à celles de l’adulte. On peut penser qu’il existe chez le fœtus une relative insensibilité de l’hypophyse au rétrocontrôle par la T4 (9). Les concentrations de TSH, FT4 et FT3 sur le sang du cor- don à la naissance entre 36 et 40 SA montrent les mêmes variations par rapport à celles de l’adulte. Elles sont de plus indépendantes de l’âge ges- tationnel et du sexe entre 36 et 40 SA (5). Les hormones thyroïdiennes sont indispensables pour le dévelop- pement cérébral fœtal, elles interviennent à différentes étapes du déve- loppement tant au niveau histologique que fonctionnel (neurogénèse, 133 ANOMALIES THYROIDIENNES MATERNELLES EN DÉBUT DE GROSSESSE : QUE FAIRE ? Go131-148luton.qxp 10/10/04 18:53 Page 133 migration neuronale, régulation des dendrites). Le rôle du statut thy- roïdien de la mère sur le développement neuropsychologique futur de l'enfant est important à tous les stades de la grossesse, mais surtout au 1er trimestre avec une T4 maternelle qui est précurseur de la T3 tis- sulaire fœtale. L'hypothyroïdie maternelle est potentiellement délétère pour le développement cérébral du fœtus, mais ces données tirées d’études épidémiologiques ont peu de valeur individuelle (10) (Haddow 1999). Elles soulignent surtout l’importance de l’euthyroïdie maternelle en cours de grossesse et suggère, sans qu’il y ait encore d’argument déterminant, l’intérêt d’un dépistage systématique de l'hypothyroïdie en début de grossesse voire en péri-conceptionnel. C- Rôle du placenta Le placenta est imperméable à la thyréotropine (TSH) mais laisse passer l’iode, essentiel à la production d’hormones par le fœtus. Pendant les 2e et 3e trimestres, il y a un gradient materno-fœtal des hormones thyroïdiennes avec une concentration maternelle de T4 libre et de T3 libre plus importante que chez le fœtus. Ce gradient diminue progressivement au fur et à mesure que la fonction thyroï- dienne du fœtus se mature. Il existe un transfert de T4 vers le com- partiment fœtal mais variable d’un sujet à l’autre. La Thyro-Releasing-Hormone (TRH) est transportée à travers le pla- centa mais aussi synthétisée par celui-ci et les concentrations fœtales sont relativement élevées aux 1er et 2e trimestres. Enfin, le placenta est le siège de la synthèse d’enzymes à activité désiodase qui catalysent la désiodation de la T4 et de la T3, permet- tant une source secondaire et continue d’iode pour le fœtus. Le placenta est perméable à tous les antithyroïdiens de synthèse (plus aux dérivés type néomercazole qu’au propylthio-uracile), aux béta-bloquants, aux anticorps anti-récepteurs à la TSH et aux anti- corps anti-thyroperoxydase (sans qu’il y ait de conséquences a priori pour ces derniers). Le transfert transplacentaire des hormones thyroïdiennes de la mère vers le fœtus est minime et ne se voit qu'en fin de grossesse en raison de l'existence d'un système placentaire de désiodation des hormones thyroïdiennes. Toutefois la désiodation semble contrôlée par la fonction thyroïdienne fœtale. Ainsi il a été trouvé des taux de T4 libre non nuls à la naissance, chez des nouveau-nés porteurs d'une agénésie thyroïdienne. Tout se passe comme si la désiodase était inhibée, permettant le passage de quantité considérable de T4 134 LUTON & COLL. Go131-148luton.qxp 10/10/04 18:53 Page 134 135 ANOMALIES THYROIDIENNES MATERNELLES EN DÉBUT DE GROSSESSE : QUE FAIRE ? de la mère au fœtus pour limiter, au moins en partie, les consé- quences de l'hypothyroïdie fœtale (11). 2. HYPERTHYROÏDIE A. Diagnostic de l'hyperthyroïdie au cours de la grossesse Relativement facile quand l'hyperthyroïdie est connue avant la gros- sesse, le diagnostic est difficile en l'absence d'antécédents connus car la plupart des signes (troubles de la régulation thermique, de l'appétit, labilité émotionnelle, tendance à la tachycardie) peuvent être mis sur le compte de l'état gestationnel ; c'est dire l'importance à accorder à la constatation uploads/Philosophie/ 2004-go-131-luton.pdf
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