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Tous droits réservés © Société de philosophie du Québec, 1988 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Document généré le 10 sept. 2021 02:32 Philosophiques Jean Grondin, Le tournant dans la pensée de Martin Heidegger, Collection Épiméthée Essais philosophiques, Paris, Presses Universitaires de France, 1987, 137 pages. Jocelyn R. Beausoleil Volume 15, numéro 1, printemps 1988 URI : https://id.erudit.org/iderudit/027042ar DOI : https://doi.org/10.7202/027042ar Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Société de philosophie du Québec ISSN 0316-2923 (imprimé) 1492-1391 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Beausoleil, J. R. (1988). Jean Grondin, Le tournant dans la pensée de Martin Heidegger, Collection Épiméthée Essais philosophiques, Paris, Presses Universitaires de France, 1987, 137 pages. Philosophiques, 15(1), 191–209. https://doi.org/10.7202/027042ar PHILOSOPHIQUES, Vol. XV, Numéro 1, Printemps 1988 ÉTUDES CRITIQUES JEAN GRONDIN, Le tournant dans la pensée de Martin Heidegger, Collection Epiméthée Essais philosophiques, Paris, Presses Universitaires de France, 1987, 137 pages. par Jocelyn R. Beausoleil L'auteur détient un doctorat de la Faculté de philosophie de l'Université de Tubingen. Il enseigne présentement à la Faculté de philosophie de l'Université Laval à Québec. Le livre qu'il nous propose s'inscrit plus particulièrement dans la suite de ses recherches menées en philosophie allemande, à l'occasion de séminaires se donnant au niveau des études avancées. Il a déjà de nombreuses publications dans le domaine de l'hermé- neutique en général, dont sa thèse de doctorat, et quelques articles touchant de manière plus précise la philosophie de Heidegger. L'ouvrage maintenant offert au public peut donc se réclamer d'une période de réflexion suffisamment longue pour autoriser un point de vue éclairé. D'ailleurs, la bibliographie et les multiples références qui accompagnent l'exposé montrent que nous avons affaire à une étude bien documentée et pertinente. L'auteur utilise judicieusement des informations abondantes, puisées dans une littérature critique alternativement d'expression allemande, anglaise, française ou italienne, dont il a de toute évidence une connaissance de première main. À la lecture de son texte, se dégage le sentiment d'une maîtrise certaine quant à l'axe essentiel de la question soulevée au sujet de la pensée de Heidegger. Aussi, c'est avec raison qu'il souligne dans son « Avant-propos » que la problématique du tournant n'est pas simplement l'affaire de la dernière philosophie de Heidegger, mais qu'elle est celle de toute réflexion déterminée à affronter les défis philosophiques de notre époque qui se caractérise par la dépossession de la vérité absolue (p. 7). En ce sens, l'expérience du tournant constituerait une expérience décisive de la pensée contemporaine dans son ensemble, après que le monde eut résonné de ce grand événement que Nietzsche appelait « la mort de Dieu ». Dans son cours du semestre d'hiver 1937-1938 consacré aux « Questions fondamentales de la philosophie », dont l'auteur porte un extrait en épigraphe à son livre, Heidegger l'entendait fort probablement de cette façon lorsqu'il disait : « Ce tournant (Kehre), que nous rencontrons ici, est l'indice que nous arrivons 192 PHILOSOPHIQUES dans le voisinage d'une véritable question philosophique » l. Dès lors, accepter de prendre le tournant avec Heidegger ce serait s'engager dans une aventure ultime de la pensée, celle qui demande de penser à fond et jusqu'au bout l'extrême nihilisme. Dans !'«Introduction» de son ouvrage, l'auteur s'emploie à situer globalement l'apparition du tournant dans l'œuvre philosophique de Heidegger et à en dresser sommairement les caractéristiques les plus saillantes. À ce propos, l'on peut observer avec lui que les écrits postérieurs à 1930 semblent avoir subi une profonde métamorphose. Au plan de la forme, d'une part, il y a abandon du vocabulaire de la philosophie transcendantale, d'inspiration kantienne et/ou néo-kantienne, laissant place à une fragmentation du discours à la manière des aphorismes de Nietzsche. Au plan du contenu, d'autre part, des bouleversements encore plus considérables se font jour, puisqu'il y a abandon de la problématique d'une Analytique du Dasein en tant que porte d'entrée à l'ontologie fondamentale. Cependant, la distinction, avancée par Richardson dans Heidegger : Through Phenomenology to Thought, entre deux phases au sein même de la pensée de Heidegger lui apparaît trop simple, parce que trop imprécise. En réalité, une semblable distinction se retrouve dans l'œuvre de beaucoup d'autres philosophes. Néanmoins, l'auteur estime qu'une telle rupture dans un cheminement intellectuel « trahit peut-être l'expérience la plus philosophique qui soit, à savoir la prise de conscience de l'insuffisance du concept à exprimer ce qui demande à être pensé, finitude qui exige un retournement constant de la pensée» (p. 10). Ainsi, son analyse, tout en tenant compte de ces traits généraux, qu'un survol de la question permet de faire ressortir, se voudra plus fine. L'une des premières difficultés d'importance que nous rencontrons, c'est la compréhension de ce que donne à penser le mot même de Kehre. Dans le dialecte local, en usage au pays de Forêt-Noire, Kehre désigne, suivant l'interprétation soumise par Gadamer dans Heideggers Wege, l'in- fléchissement du chemin qui, pour conduire plus haut le long du flanc de la montagne, tourne brusquement dans la direction opposée. Il s'agit donc d'une sorte de virage très serré, ce que l'on appelle parfois un virage en boucle de lacet ou encore un virage en épingle à cheveux. L'auteur dit se rallier à l'opinion commune en adoptant la traduction de Kehre par « tournant » (p. 11). Il la juge la moins mauvaise parmi les différentes traductions suggérées, parce qu'elle conserve une certaine neutralité en regard de la nature du mouvement qu'elle indique. Il la préfère, en tout cas, à la traduction par « renversement » qui lui semble laisser croire qu'une volte-face se produit dans la pensée de Heidegger. Au contraire, l'expression « tournant » annonce simplement qu'une courbe se dessine quelque part sur le chemin de pensée 1. Martin HEIDEGGER, Grundfragen der Philosophie (Ausgewahlte «Problème» der « Logik »), Frankfurt am Main : Vittorio KLOSTERMANN 1984, Gesamtausgabe, Band 45, p. 47 (traduction reprise de Jean GRONDIN). LE TOURNANT CHEZ HEIDEGGER 193 (der Denkweg) de Heidegger, sans préjuger de la radicalité avec laquelle s'opère le virage. Toutefois, cette traduction de Kehre par « tournant», qui n'est pas sans avoir quelque raison pour elle, ne manque pas d'être insatisfaisante à certains égards. Il est loin d'être évident, par ailleurs, qu'une discussion plus approfondie de ce point ne nous mène guère au-delà de l'argumentation déjà si bien articulée par l'auteur. Il se propose, partant, d'aborder la problématique du tournant comme telle et de la placer au centre de son étude. Il insiste sur la pertinence méthodologique de dissocier la problématique du tournant et la thématique plus large de l'évolution de la pensée de Heidegger, afin d'éviter la confusion de deux questions qui ne cessent pas pour autant d'être intimement liées. Il justifie ce choix en ces termes : « Si la compréhension du tournant jette une lumière indispensable sur le trajet de pensée de Heidegger, la réciproque n'est pas nécessairement vraie : un parcours des soubresauts de la pensée après Sein und Zeit ne conduit pas infailliblement à l'intelligence du tournant» (p. 13). Cette hypothèse, que doit confirmer la suite de la recherche, amène à centrer l'étude sur les quelques textes de Heidegger qui traitent explicitement de la Kehre. La sélection retient d'abord trois textes : la «Lettre sur l'humanisme» (1946, puis publiée en 1947), la «Lettre à Richardson » (1962, ensuite éditée en 1963) et la conférence « De l'essence de la vérité » (1930, mais parue pour la première fois en 1943). Ce sont là les jalons de ce que l'auteur appelle un « Premier parcours philologique », suivant l'expression qui donne son titre au chapitre avec lequel s'amorce l'investigation. Une radicalisation du questionnement se fait jour dans Sein und Zeit en 1927, tandis que quelque chose comme une Kehre est déjà envisagé, sans toutefois faire l'objet d'une problématisation explicite. Se référant à un célèbre fragment de la « Lettre sur l'humanisme », l'on pourrait préciser que le tournant se joue alors entre « Être et temps » et « Temps et être », soit dans le passage de la deuxième à la troisième section de la première partie de Sein und Zeit, troisième section qui ne fut jamais publiée.2 Heidegger y rappelle également que le Dasein ne doit plus être perçu comme une modalité de la subjectivité moderne, mais comme ce qui, séjournant en dehors de l'étant — c'est le sens de l'ek-sistence —, s'ouvre ainsi dans l'éclaircie de l'être (die Lichtung des Seins). En outre, la métaphysique, de par l'inertie de son langage, est étroitement liée au destin du tournant, dans la mesure où la langue de la métaphysique empêche que la pensée ne parvienne à exprimer adéquatement la Kehre entre la deuxième et la troisième section de Sein und Zeit. Ainsi, rappelant l'indication que nous uploads/Philosophie/ jean-grondin-le-tournant-dans-la-pensee-de-martin-heidegger.pdf
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- Publié le Jan 04, 2022
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