XAVIER MOLÉNAT Quelles sont les conséquences individuelles de l'éclatement des
XAVIER MOLÉNAT Quelles sont les conséquences individuelles de l'éclatement des limites (temporelles, spatiales, morales, économiques) caractéristique de notre entrée dans « l'hypermodernité » ? Psychologues et sociologues se sont penchés sur la question lors d'un récent colloque. On avait déjà entendu parler de l'individu « postmoderne », il faudra désormais compter avec l'individu « hypermoderne ». Ce sont les contours de ce dernier avatar de notre « modernité tardive » que se sont attelés à cerner les psychologues et sociologues participant au colloque éponyme, organisé par l'Ecole supérieure de commerce de Paris avec la collaboration du Laboratoire de changement social de l'université Paris-VII, du 8 au 11 septembre 2003. Ce néologisme désignerait ainsi les logiques de la modernité (l'individu, le changement, la rationalité, le marché...) qui tendent à être de plus en plus poussées à leur extrême. Plusieurs phénomènes récents et massifs illustrent cette tendance : l'économie se « globalise » et envahit toutes les sphères d'activité, le temps se rétrécit en instaurant un régime d'urgence généralisée, les dimensions collectives de l'existence (appartenances, engagements, idéologies) se fragilisent ou s'atténuent, accentuant la liberté de l'individu en même temps que sa responsabilité dans la conduite de sa vie. Il s'agissait donc d'interroger les conséquences de ce nouveau contexte, souvent qualifié en termes d'excès, intensité, outrance, hypertrophie, sur la dimension individuelle de l'existence. Comment l'individu y construit-il son identité ? Comment gère-t-il les attentes de plus en plus grandes qui pèsent sur lui ? Peut-on déceler des pathologies de l'hypermodernité ? Y a-t-il une « personnalité hypermoderne » ? Le domaine du travail, autour duquel tournaient un grand nombre de communications, semble être le poste le plus avancé de l'hypermodernité. Selon le sociologue Gilles Herreros, dans les organisations, « au clair et net qui était recherché, c'est désormais latransparence qui est souhaitée ; là où la rapidité d'exécution était attendue, c'est l'immédiateté qui est exigée. [...] L'hypermodernité exige de chaque individu que toute sa personne soit mobilisée à son profit [...] pour réaliser ce qu'on attend de lui ». Article de la rubrique « Echos des recherches » Mensuel N° 144 - Décembre 2003 Les mouvements sociaux L'individu hypermoderne L'individu hypermoderne http://www.scienceshumaines.com/articleprint2.php?lg=fr&id... 1 sur 3 11/02/10 19:57 Généralisation de l'urgence et de l'immédiateté Nicole Aubert, psychologue et sociologue, auteur de Le Culte de l'urgence (Flammarion, 2003) a montré que la conjonction de la logique du marché et de l'instantanéité des nouveaux moyens de communication contribuait à la généralisation des notions d'urgence et d'immédiateté. On voit ainsi apparaître des phénomènes d'« hyperfonction- nement » où l'individu, sollicité en permanence, est dépossédé du sens de son activité, qu'à vrai dire il ne cherche même plus. Comme ce cadre qu'elle cite, qui dit vouloir « vivre à 200 km/h, parce qu'on ne voit pas la mort arriver, on n'a pas à se poser de questions, on est inondé par le quotidien ». En découleraient des « pathologies de la surchauffe », où l'individu, inscrit dans ce fonctionnement machinique, « pète les plombs », et des phénomènes de « corrosion du caractère » qui l'atteindraient dans sa capacité à entrer en contact avec les autres. D'autres communications insistaient davantage sur les tensions entre les modèles de conduite qui s'offrent aujourd'hui à l'individu. Ainsi dans le couple, où il doit obéir aux « injonctions à la jouissance, à l'égalité, à l'autonomie, à la conjugalité et à la réalisation de soi ». L'arrivée d'un enfant, à la fois être « égal en humanité » et dépendant de ses parents, établit, selon le psychologue Gérard Neyrand, une nouvelle tension entre la dimension relationnelle et la dimension « filiative et généalogique » du rapport parental. Le sociologue Vincent de Gaulejac généralisait le propos en pointant les « injonctions contradictoires » de l'hypermodernité : « Il doit se présenter comme un être libre, responsable, créatif [...] et en même temps se couler dans des modèles (être bon élève, diplômé, bien dans sa peau...), des contraintes (concours, sélection, embauche...), des normes très strictes. » Le sociologue Robert Castel rappelait, lui, que chacun n'est pas également apte à être un individu hypermoderne, car cela suppose un certain nombre de « propriétés » (matérielles et sociales), inégalement distribuées dans la société. Certains ne sont donc individus, et a fortiori hypermodernes, que « par défaut », car il faut un périmètre social suffisant pour « rentrer dans les aventures de la subjectivité ». Un colloque prospectif, donc, où s'affichait une volonté manifeste de faire tenir ensemble les dimensions sociologique et psychologique du phénomène, à tel point que, chose intéressante, l'on ne distinguait que difficilement les représentants des deux disciplines. Au-delà des divers thèmes abordés (consommation, corps, éducation...), psychologues du contemporain et sociologues de la subjectivité semblaient s'être entendus pour analyser et faire tenir ensemble les dimensions intimes, voire inconscientes, et structurelles de cette hypermodernité, et pour comprendre les interactions entre ces ordres de grandeur. Une démarche encore peu fréquente, mais prometteuse. L'individu hypermoderne http://www.scienceshumaines.com/articleprint2.php?lg=fr&id... 2 sur 3 11/02/10 19:57 L'individu hypermoderne http://www.scienceshumaines.com/articleprint2.php?lg=fr&id... 3 sur 3 11/02/10 19:57 uploads/Philosophie/ l-x27-individu-hypermoderne-pdf.pdf
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- Publié le Mar 06, 2021
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