L’Internationale situationniste naît en 1957 de la rencontre entre plusieurs co
L’Internationale situationniste naît en 1957 de la rencontre entre plusieurs collectifs d’artistes européens, avant de se transformer au cours des années 1960 en groupe révolutionnaire. Elle est aujourd’hui reconnue comme l’une des dernières incarnations du modèle des « avant-gardes historiques ». Son principal penseur, Guy Debord (1931-1994), a été intronisé après sa disparition comme l’une des figures majeures des arts et de la philosophie politique des années 1950-1960. Première analyse sociologique du mouvement situationniste, cette histoire éclaire les parcours croisés des acteurs qui l’ont animé, décrypte leur relation à l’art et aux institutions artistiques, à la pensée marxiste et aux intellectuels, à la politique et au militantisme. En prenant parti pour une mise au jour lucide des pratiques et idées situationnistes, Éric Brun renouvelle notre connaissance des avant-gardes, de leurs formes de politisation et d’internationalisation, et engage une réflexion sur les apports et limites de ce courant subversif qui n’ambitionnait rien moins que d’établir une nouvelle civilisation. Une contribution majeure pour comprendre le rôle des artistes dans la contestation révolutionnaire et celui des « situs » en Mai-Juin 1968. Éric Brun est docteur en sociologie de l’EHESS et membre associé du CESSP (Centre européen de sociologie et de science politique). Éric Brun Les situationnistes Une avant-garde totale (1950-1972) Collection « Culture & Société » dirigée par Gisèle Sapiro Titres déjà publiés : Gisèle Sapiro (dir.), Translatio. Le marché de la traduction en France à l'heure de la mondialisation, 2008. Ioana Popa, Traduire sous contraintes. Littérature et communisme (1947-1989), 2010. Bertrand Réau, Les Français et les vacances. Sociologie des pratiques et des offres, 2011. Arnault Skornicki, L'Économiste, la cour et la patrie, 2011. Odile Henry, Les Guérisseurs de l'économie. Sociogenèse du métier de consultant (1900-1944), 2012. Vanessa Codaccioni, Punir les opposants. PCF et procès politiques (1947-1962), 2013. Alain Quemin, Les Stars de l'art contemporain. Notoriété et consécration dans les arts visuels, 2013. Hélène Charron, Les Formes de l'illégitimité intellectuelle. Les femmes dans les sciences sociales francôaises (1890-1940), 2013. Anna Boschetti, Ismes. Du réalisme au postmodernisme, 2014. Yves Gingras, Controverses. Accords et désaccords en sciences humaines et sociales, 2014. © CNRS Éditions, Paris, 2014 ISBN : 978-2-271-07652-6 Sommaire Introduction Genèse des « avant-gardes » Art et politique Pour une sociologie du mouvement situationniste Première partie. – Les coordonnées du positionnement situationniste Chapitre 1. – Le vieillissement social du surréalisme De l'hérésie à la consécration artistique Usure et politique Un mouvement désarmé face au vieillissement ? Un groupe en crise Le temps de l'engagement Chapitre 2. – Un nouveau prétendant à l'avant-garde : le lettrisme Une politique de l'innovation permanente La notoriété du lettrisme après la guerre Isou face à l'épreuve de la marginalité Un empressement contre-productif ? Chapitre 3. – L'Internationale lettriste en marge du champ littéraire Un regroupement de jeunes lettristes dissidents : l'IL Le répertoire des mouvements d'avant-garde Des aspirants inscrits dans la bohème Chapitre 4. – Guy Debord dans et au-delà de la bohème Un aspirant poète d'inspiration surréaliste Culture d'avant-garde et dévaluation de la certification scolaire Les conditions sociales d'une déviation de trajectoire « Ce groupe est notre seule possibilité d'action immédiate » Guy Debord au-delà de la bohème Guy Debord en porte-parole des « irréguliers » Deuxième partie. – Le programme situationniste en formation (1950-1957) Chapitre 5. – « La beauté nouvelle sera de situation ». Les prises de position situationnistes sur les arts Le procès de l'art au nom d'une « action directe dans la vie quotidienne » Avant-garde et prophétie L'utopie de la créativité généralisée Désintéressement et posture d'intransigeance Vers « l'urbanisme unitaire » Un héritage surréaliste occulté ? Une « inversion systématique de polarité » Chapitre 6. – Les logiques de politisation d'une avant-garde artistique en temps de Guerre froide « Il ne faut pas être dépassé à gauche » Un soutien conditionnel des « moscoutaires » L'emploi du marxisme Une certaine idée du bonheur La bataille des loisirs Qu'est-ce que l'art révolutionnaire ? Une position politique encore peu définie Troisième partie. – Le mouvement situationniste dans les arts plastiques (1957-1962) Chapitre 7. – Asger Jorn, de l'« Internationale des artistes expérimentaux » à l'« Internationale situationniste » Vers la formation de rassemblements artistiques internationaux Une création « libre » entre surréalisme et abstraction Un rapport ambivalent à l'égard de l'écrivain francophone : l'exemple de Cobra « Toujours au commencement » Vers l'Internationale situationniste Vers le succès artistique Une adhésion aux valeurs du désintéressement Chapitre 8. – « Par tous les moyens, même artistiques » La première IS : un groupe de peintres et théoriciens de l'art Guy Debord et la délimitation du programme situationniste Constant contre les peintres L'IS dans et contre la « décomposition » Un usage restreint du label « situationniste » Imposer aux membres de l'IS une action organisée et disciplinée Chapitre 9. – Quand l'IS se retire des mondes de l'art (1960-1962) « [...] la première réalisation d'une avant-garde, maintenant, c'est l'avant-garde elle-même » Contre « l'urbanisme » : la rupture avec Constant De nouveaux situationnistes polyvalents La chute du terrain pictural Quatrième partie. – Une nouvelle prophétie révolutionnaire (1961-1972) Chapitre 10. – Guy Debord, du surréalisme aux intellectuels révolutionnaires (1957-1962) Une ouverture des engagements politiques possibles Une nouvelle cible privilégiée : la revue Arguments Le patronage d'Henri Lefebvre (1901-1991) Vers une extension du domaine de la lutte : Guy Debord à Socialisme ou Barbarie L'avant-garde de la culture à la recherche de l'avant-garde politique qui saura la reconnaître comme telle Placer l'IS dans le sous-champ politique révolutionnaire Des dispositions ajustées à l'action collective social-barbare ? Chapitre 11. – Les situationnistes dans la contestation révolutionnaire L'IS dans les années 1960 : entre cercle politique et école de pensée Refonder la prophétie révolutionnaire La praxis situationniste contre le militantisme Le « théoricien » vs l'« intellectuel » Chapitre 12. – Apogée et crise de l'IS. Les conditions et effets du succès du « situationnisme » (1966-1972) L'apparition d'un public : les situationnistes et pro-situs des années 1960 Le « situationnisme » sous le feu des projecteurs L'IS en débat dans les publications militantes : luttes de balisage et effets de champ Les situationnistes dans la postérité de Mai Vers la dissolution de l'Internationale situationniste Conclusion Remerciements Introduction Fondée en 1957 et auto-dissoute en 1972, l'Internationale situationniste défie les classements sociaux habituels. Elle se joue des catégories et récuse toute appartenance disciplinaire ou professionnelle. Les situationnistes affirment en effet que la division sociale du travail, la spécialisation des activités qui en découle et la coupure entre professionnels et profanes qu'elle instaure, sont amenées à disparaître avec l'avènement de la révolution communiste, mettant fin au règne de la rareté. Les professions seront remplacées par une nouvelle pratique : la « construction des situations », entendue indissociablement comme création, par tout un chacun, de sa propre vie, et comme réappropriation collective de l'histoire humaine. Le mouvement situationniste se réclame ainsi tout à la fois de poètes comme Lautréamont et Arthur Cravan, de philosophes comme Hegel, Marx, Feuerbach, ou encore de l'histoire du mouvement ouvrier révolutionnaire. Par conséquent, son étude met à l'épreuve certains concepts élaborés par les sociologues pour analyser le fonctionnement des sociétés modernes, en particulier le concept de champ forgé par Pierre Bourdieu pour penser le procès de différenciation et de spécialisation des activités. Les champs (le champ littéraire, le champ médical, le champ politique, etc.) sont appréhendés par Bourdieu comme des espaces de lutte relativement autonomes découpant l'espace social général. Ils agrègent et confrontent autour d'enjeux et intérêts spécifiques, à commencer par la délimitation des frontières du champ (« Qu'est-ce que l'art authentique ? » par exemple), différents protagonistes en lutte pour l'accumulation du capital spécifique au champ (c'est là même la principale condition de leur présence dans le champ, celui-ci exigeant par ailleurs une connaissance pratique de ses règles de fonctionnement). La manière la plus simple de faire comprendre cette notion est de recourir à l'analogie sportive : « On ne pourra faire courir un philosophe avec des enjeux de géographes{1}. » Dans ses versions les plus systématisées et vulgarisées, cette notion tend à supposer l'attachement des individus à un champ. Or le mouvement situationniste présente la particularité de s'être repositionné au cours de son histoire d'un microcosme à l'autre, du champ artistique au champ politique pourrait-on dire très schématiquement. Du reste, il se caractérise tout au long de son histoire par la recherche d'un décloisonnement des frontières entre l'art, l'architecture, la poésie, la politique, la philosophie, etc. Ce qui ne veut pas dire que les sociologues se trouvent désarmés face à cet objet : le refus hétérodoxe des classements qui fondent la vision dominante du monde{2}, de même que le multipositionnement{3} ou plus spécifiquement ici la transgression des frontières entre spécialités artistiques et intellectuelles{4}, sont autant de caractéristiques fondées en raison et dont la distribution dans l'espace social n'est pas universelle. Elles sont par conséquent justiciables d'une analyse sociologique. Par la filiation qu'il se reconnaît{5}, les principes de valorisation qu'il mobilise, les objectifs qu'il retient ou encore les instruments de manifestation publique qu'il emploie, le mouvement situationniste s'apparente uploads/Politique/ les-situationnistes-une-avant-garde-totale-1950-1972-by-internationale-situationniste-brun-eric 1 .pdf
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- Publié le Jul 11, 2021
- Catégorie Politics / Politiq...
- Langue French
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