Au milieu des sollicitudes Lettre encyclique du 16 février 1892 À Nos Vénérable
Au milieu des sollicitudes Lettre encyclique du 16 février 1892 À Nos Vénérables Frères les Archevêques, Évêques, au clergé et à tous les catholiques de France. Léon XIII, Pape Vénérables Frères, très chers Fils. Au milieu des sollicitudes de l’Église universelle, bien des fois dans le cours de Notre Pontificat Nous Nous sommes plu à témoigner de Notre affection pour la France et pour son noble peuple. Et Nous avons voulu, par une de nos Encycliques encore présente à la mémoire de tous, dire solennellement, sur ce sujet, tout le fond de Notre âme. C’est précisément cette affection qui Nous a tenu sans cesse attentif à suivre du regard, puis à repasser en Nous-même l’ensemble des faits, tantôt tristes, tantôt consolants, qui, depuis plusieurs années, se sont déroulés parmi vous. En pénétrant à fond, à l’heure présente encore, la portée du vaste complot que certains hommes ont formé d’anéantir en France le christianisme, et l’animosité qu’ils mettent à poursuivre la réalisation de leur dessein, foulant aux pieds les plus élémentaires notions de liberté et de justice pour le sentiment de la majorité de la nation, et de respect pour les droits inaliénables de l’Église catholique, comment ne serions-Nous pas saisi d’une vive douleur ? Et quand Nous voyons se révéler, l’une après l’autre, les conséquences funestes de ces coupables attaques qui conspirent à la ruine des mœurs, de la religion et même des intérêts politiques sagement compris, comment exprimer les amertumes qui Nous inondent et les appréhensions qui nous assiègent ? D’autre part, Nous Nous sentons grandement consolé, lorsque Nous voyons ce même peuple français redoubler, pour le Saint-Siège, d’affection et de zèle, à mesure qu’il le voit plus délaissé, Nous devrions dire plus combattu sur la terre. À plusieurs reprises, mus par un profond sentiment de religion et de vrai patriotisme, les représentants de toutes les classes sociales sont accourus, de France jusqu’à Nous, heureux de subvenir aux nécessités incessantes de l’Église, désireux de Nous demander lumière et conseil, pour être sûrs qu’au milieu des présentes tribulations, ils ne s’écarteront en rien des enseignements du Chef des croyants. Et Nous, réciproquement, soit par écrit soit de vive voix, Nous avons ouvertement dit à Nos fils ce qu’ils avaient droit de demander à leur Père. Et loin de les porter au découragement, nous les avons fortement exhortés à redoubler d’amour et d’efforts dans la défense de la foi catholique, en même temps que de leur patrie : deux devoirs de premier ordre, auxquels nul homme, en cette vie, ne peut se soustraire. Et aujourd’hui encore, Nous croyons opportun, nécessaire même, d’élever de nouveau la voix, pour exhorter plus instamment, Nous ne dirons pas seulement les catholiques, mais tous les Français honnêtes et sensés à repousser loin d’eux tout germe de dissentiments politiques, afin de consacrer uniquement leurs forces à la pacification de leur patrie. Cette pacification, tous en comprennent le prix ; tous, de plus en plus, l’appellent de leurs vœux, et Nous qui la désirons plus Au milieu des sollicitudes, page 2 que personne, puisque Nous représentons sur la terre le Dieu de la paix 1, Nous convions, par les présentes Lettres, toutes les âmes droites, tous les cœurs généreux, à Nous seconder pour la rendre stable et féconde. Avant tout, prenons comme point de départ une vérité notoire, souscrite par tout homme de bon sens et hautement proclamée par l’histoire de tous les peuples, à savoir que la religion, et la religion seule, peut créer le lien social ; que seule elle suffit à maintenir sur de solides fondements la paix d’une nation. Quand diverses familles, sans renoncer aux droits et aux devoirs de la société domestique, s’unissent sous l’inspiration de la nature, pour se constituer membres d’une autre famille plus vaste, appelée la société civile, leur but n’est pas seulement d’y trouver le moyen de pourvoir à leur bien-être matériel, mais surtout d’y puiser le bienfait de leur perfectionnement moral. Autrement la société s’élèverait peu au-dessus d’une agrégation d’êtres sans raison, dont toute la vie est dans la satisfaction des instincts sensuels. Il y a plus : sans ce perfectionnement moral, difficilement on démontrerait que la société civile, loin de devenir pour l’homme, en tant qu’homme, un avantage, ne tournerait pas à son détriment. Or, la moralité dans l’homme, par le fait même qu’elle doit mettre de concert tant de droits et tant de devoirs dissemblables, puisqu’elle entre comme élément dans tout acte humain, suppose nécessairement Dieu, et, avec Dieu, la religion, ce lien sacré dont le privilège est d’unir, antérieurement à tout autre lien, l’homme à Dieu. En effet, l’idée de moralité importe avant tout un ordre de dépendance à l’égard du vrai, qui est la lumière de l’esprit ; à l’égard du bien, qui est la fin de la volonté : sans le vrai, sans le bien, pas de morale digne de ce nom. Et quelle est donc la vérité principale et essentielle, celle dont toute vérité dérive ? c’est Dieu. Quelle est donc encore la bonté suprême dont tout autre bien procède ? c’est Dieu. Quel est enfin le créateur et le conservateur de notre raison, de notre volonté, de tout notre être, comme il est la fin de notre vie ? Toujours Dieu. Donc, puisque la religion est l’expression intérieure et extérieure de cette dépendance que nous devons à Dieu à titre de justice, il s’en dégage une grave conséquence qui s’impose : Tous les citoyens sont tenus de s’allier pour maintenir dans la nation le sentiment religieux vrai, et pour le défendre au besoin, si jamais une école athée, en dépit des protestations de la nature et de l’histoire, s’efforçait de chasser Dieu de la société, sûre par là d’anéantir le sens moral au fond même de la conscience humaine. Sur ce point, entre hommes qui n’ont pas perdu la notion de l’honnêteté, aucune dissidence ne saurait subsister. Dans les catholiques français, le sentiment religieux doit être encore plus profond et plus universel, puisqu’ils ont le bonheur d’appartenir à la vraie religion. Si, en effet, les croyances religieuses furent, toujours et partout, données comme base à la moralité des actions humaines et à l’existence de toute société bien ordonnée, il est évident que la religion catholique, par le fait même qu’elle est la vraie Église de Jésus-Christ, possède plus que toute autre l’efficacité voulue pour bien régler la vie, dans la société comme dans l’individu. En faut-il un éclatant exemple ? La France elle-même le fournit. — À mesure qu’elle progressait dans la foi chrétienne, on la voyait monter graduellement à cette grandeur morale qu’elle atteignit, comme puissance politique et militaire. C’est qu’à la générosité naturelle de son cœur, la charité chrétienne était venue ajouter une abondante source de nouvelles énergies ; c’est que Son activité merveilleuse avait rencontré, tout à la fois comme aiguillon, lumière directive et garantie de constance, cette foi chrétienne qui, 1 Non enim est dissensionis Deus, sed pacis. (I Cor. xiv, 33) Au milieu des sollicitudes, page 3 par la main de la France, traça dans les annales du genre humain des pages si glorieuses. Et, encore aujourd’hui, sa foi ne continue-t-elle pas d’ajouter aux gloires passées de nouvelles gloires ? On la voit, inépuisable de génie et de ressources, multiplier sur son propre sol les œuvres de charité ; on l’admire partant pour les pays lointains où, par son or, par les labeurs de ses missionnaires, au prix même de leur sang, elle propage d’un même coup le renom de la France et les bienfaits de la religion catholique. Renoncer à de telles gloires, aucun Français, quelles que soient par ailleurs ses convictions, ne l’oserait ; ce serait renier la patrie. Or, l’histoire d’un peuple révèle, d’une manière incontestable, quel est l’élément générateur et conservateur de sa grandeur morale. Aussi, que cet élément vienne à lui manquer, ni la surabondance de l’or, ni la force des armes ne sauraient le sauver de la décadence morale, peut-être de la mort. Qui ne comprend maintenant que pour tous les Français qui professent la religion catholique, la grande sollicitude doit être d’en assurer la conservation ; et cela avec d’autant plus de dévouement, qu’au milieu d’eux le christianisme devient, de la part des sectes, l’objet d’hostilités plus implacables ? Sur ce terrain, ils ne peuvent se permettre ni indolence dans l’action, ni division de partis ; l’une accuserait une lâcheté indigne du chrétien, l’autre serait la cause d’une faiblesse désastreuse. Et ici, avant de pousser plus loin, il nous faut signaler une calomnie astucieusement répandue, pour accréditer contre les catholiques et contre le Saint-Siège lui-même des imputations odieuses. — On prétend que l’entente et la vigueur d’action inculquées aux catholiques pour la défense de leur foi ont, comme secret mobile, bien moins la sauvegarde des intérêts religieux que l’ambition de ménager à l’Église une domination politique sur l’État. — Vraiment, c’est vouloir ressusciter une calomnie bien ancienne, puisque son invention appartient aux premiers ennemis du christianisme. Ne fut-elle formulée tout d’abord contre la personne adorable du Rédempteur ? Oui, uploads/Religion/ au-milieu-des-sollicitudes-de-1892-leon-xiii.pdf
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- Publié le Jul 03, 2021
- Catégorie Religion
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