Pascal Desthieux Le silence dans la célébration de l’Eucharistie Une étude et u
Pascal Desthieux Le silence dans la célébration de l’Eucharistie Une étude et une analyse des documents liturgiques d’après le concile Vatican II Thèse présentée aux Facultés de théologie de l’Université catholique de Louvain (Belgique) et de l’Université de Fribourg (Suisse) pour obtenir le grade de docteur - 2 - Approuvé par la Faculté de théologie sur la proposition des Professeurs Martin Klöckener, Fribourg (co-directeur) et Arnaud Join-Lambert, Louvain-la-Neuve (co-directeur). Fribourg, le 9 décembre 2014. Prof. Franz Mali, Doyen. - 3 - Abréviations utilisées CNPL Centre National de Pastorale Liturgique DC La Documentation catholique IGMR Institutio generalis Missalis Romani LG Lumen Gentium (Constitution du concile Vatican II sur l’Église) LMD La Maison-Dieu OM Ordo Missae PG Patrologia graeca PGLH Présentation générale de la Liturgie des Heures PGLR Présentation générale du Lectionnaire romain PGMR Présentation générale du Missel romain PL Patrologia latina RGM Rubricae generales Missalis RS Ritus Servandus SC Sacrosanctum Concilium (Constitution du concile Vatican II sur la liturgie) Pour les citations bibliques, nous utilisons la traduction de la Bible de la liturgie1. Pour la numérotation des psaumes, nous gardons celle qui est adoptée par la liturgie en indiquant la numérotation du Psautier (issue de la Vulgate) et entre crochets celle du texte massorétique (que nous retrouvons dans la plupart des bibles). 1 La Bible : Traduction officielle liturgique, Paris, Mame, 2013. - 4 - - 5 - Introduction L’intérêt de cette recherche « On ne vient pas à la messe pour faire silence ! », me faisait remarquer un dominicain de Jérusalem, avec qui je parlais du thème de ma thèse. Il n’a pas tort : le silence n’est évidemment pas le but premier de la célébration eucharistique. La liturgie est une action, faite principalement de paroles et de gestes. D’ailleurs, le silence n’est pas une finalité en soi : on fait silence pour écouter celui qui parle, pour méditer une parole que l’on vient d’entendre, pour prier et rencontrer Dieu. Le silence est toujours en vue d’autre chose. Dans la célébration eucharistique également, quand silence il y a, c’est pour mettre en valeur un rite qui va être accompli, une parole qui vient d’être dite, un geste qui est accompli, etc. Mais n’en déplaise à notre frère dominicain, les documents officiels de la liturgie indiquent clairement que le silence doit « être observé en son temps2 », qu’il « fait partie de la célébration3 » et qu’il est même « désiré par beaucoup4 ». Il est désormais clairement inscrit dans les rites du Missel romain. Cela n’était pas le cas avant le concile Vatican II : les rubriques ne prévoyaient aucun silence ni aucune pause dans le déroulement de la messe. Le Ritus servandus et les Rubricae generales Missalis décrivaient minutieusement les actions du prêtre : on ne voyait pas la nécessité d’inclure des pauses ou des silences. Jusque dans les années cinquante où il fera de timides apparitions dans les rites réformés de la Semaine sainte et dans une Instruction sur la musique, il n’y a aucune mention d’un silence liturgique dans le rituel de la messe ni dans les documents officiels de la liturgie. Paradoxalement, les fidèles avaient l’impression qu’il y avait beaucoup de silences au cours de la messe, tout simplement parce que le prêtre disait la plupart des prières à voix basse. Lors des messes chantées, l’orgue et la schola pouvaient certes « remplir » certains de ces longs temps où les clercs agissaient seuls dans le chœur ; il restait néanmoins des plages de silence, notamment pendant la récitation du Canon. Pourquoi éprouve-t-on le besoin de marquer des temps de silence à partir de la réforme liturgique ? Je formule l’hypothèse suivante : puisque les prières sont dites désormais (presque) toutes à haute voix, on eut très vite conscience qu’il fallait ménager de brefs temps de silence pour permettre de reprendre souffle, de « respirer », de laisser un peu de temps pour 2 Concile Vatican II, Sacrosanctum Concilium, n° 30 (désormais abrégé : SC 30). 3 Présentation générale du Missel romain, n° 45 (désormais abrégé : PGMR 45) 4 SACRÉE CONGRÉGATION POUR LE CULTE DIVIN, Eucharistiae participationem, n° 18. - 6 - que les paroles puissent « résonner », et éviter ainsi un flot ininterrompu de paroles. Nous verrons si cette hypothèse se confirme. Dès la réforme liturgique, on a cherché à donner une place concrète au silence qui est l’un des modes de la participation active et qui permet aux fidèles d’être associés plus intimement au mystère célébré5. Nous montrerons que cette prise de conscience de l’importance du silence dans la célébration de la messe a grandi encore au fil des décennies. Ainsi, le nombre d’occurrences du mot silence a doublé entre la première et la troisième édition de la Présentation générale du Missel romain. Cette intégration du silence dans les rites de la messe est donc relativement récente, puisqu’elle s’établit sur les cinquante dernières années. Voilà pourquoi il nous semble très intéressant de pouvoir proposer une recherche sur la place et le rôle du silence dans la célébration de l’eucharistie d’après le concile Vatican II et tous les textes officiels de la liturgie qui ont suivi. Si beaucoup se sont intéressés à la question et ont écrit des articles sur ce thème, aucune étude conséquente n’a été faite sur ce sujet. Délimitation du sujet L’objet de notre recherche est le silence dans la célébration de l’eucharistie, telle qu’elle est célébrée aujourd’hui, dans le rite latin. Par conséquent, le Missel romain promulgué par Paul VI (et par Jean-Paul II pour la troisième édition) et sa Présentation générale auront une place centrale dans notre étude, ainsi que les livres liturgiques issus de la réforme conciliaire et tous les documents de la liturgie qui ont accompagné ces publications. Pour une bonne compréhension de la liturgie eucharistique célébrée aujourd’hui, nous reviendrons sur les rites de la messe avant Vatican II, en présentant les évolutions du rite et particulièrement les innovations concernant le silence. Nous nous intéresserons au Mouvement liturgique et aux écrits pontificaux précurseurs de la Constitution sur la liturgie, notamment en ce qui concerne la participation active de tous, dont le silence est présenté comme l’un des modes. Nous avons choisi de délimiter notre recherche autour de la célébration de la messe. Or, certaines sources que nous présenterons, à commencer par la Constitution conciliaire, englobent la liturgie en général et pas seulement celle de l’eucharistie. Ce que nous dirons du silence liturgique concerne également toute la liturgie. Et si cela peut être utile à notre recherche, nous nous intéresserons parfois à l’apport du silence dans d’autres liturgies comme 5 Cf. SC 30 et SACRÉE CONGRÉGATION DES RITES, Musicam sacram, n° 17. - 7 - la Liturgie des Heures. Mais notre objectif est de définir le silence liturgique tel qu’il est vécu au cours de la messe. Enfin, nous avons choisi d’étudier le silence dans la célébration de la messe à partir de la place et de l’importance que lui donnent les textes normatifs (rituels et documents officiels). La pratique liturgique n’est jamais absente de notre réflexion, mais nous savons que la place accordée au silence peut sensiblement varier d’un célébrant à l’autre et que les temps de silence prévus dans les rites de la messe ne sont pas observés de la même façon. L’étude à partir des sources liturgiques nous semble donc plus objective. Méthode Notre recherche porte sur les documents officiels concernant la célébration de l’eucharistie depuis le concile Vatican II. Nous donnons une importance particulière aux sources liturgiques que sont les rituels de la messe et leurs présentations générales. Certains documents officiels de la liturgie, comme la Constitution conciliaire et les Instructions promulgués dans les années suivantes, ont établi des lignes directrices qui ont abouti à la réforme du rituel de la messe. D’autres ont précisé et développé certains aspects du rituel. Enfin, nous avons élargi notre champ d’étude en nous intéressant également aux écrits et discours des papes Paul VI, Jean-Paul II et Benoît XVI sur la liturgie et le silence. En préparation de cette thèse, nous avons fait une étude exhaustive et complète de tous ces rituels et documents6. Nous présenterons chaque occurrence du mot silence dans ces rituels et ces documents, en montrant la préoccupation grandissante de la place du silence au cours de ces cinquante années qui ont suivi le Concile. À partir de ces textes, nous dégagerons une typologie du silence dans la liturgie de la messe et nous la confronterons à la pratique actuelle. Nous enrichirons notre réflexion par de nombreux commentaires sur le sujet publiés dans différentes langues. Nous appliquons donc des éléments de méthodologie de théologie liturgique, selon les travaux d’Achille Maria Triacca, pour qui il y a un lien ontologique, une « osmose symbiotique » entre théologie et liturgie : la liturgie crée un climat optimal pour célébrer le mystère, tandis que la théologie clarifie le chemin progressif de la foi que la liturgie célèbre7. 6 Notamment grâce aux trois tomes des Dokumente zur Erneuerung der Liturgie, publiés sous la direction d’H. RENNINGS uploads/Religion/ desthieux-p.pdf
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Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Mai 23, 2022
- Catégorie Religion
- Langue French
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