dossier Nœuds & Labyrinthes - OM, MANTRA, DHIKR, KYRIE ELEISON… LA PUISSANCE DE
dossier Nœuds & Labyrinthes - OM, MANTRA, DHIKR, KYRIE ELEISON… LA PUISSANCE DES INVOCATIONS SACRÉES 67 La PUISSANCE des INVOCATIONS SACRÉES Om, mantra, dhikr, Kyrie eleison... dossier Nœuds & Labyrinthes Sâdhu en prière à l'une des sources du Gange, près de Gangotrî (Uttarakhand, Inde). © MARIO COLONEL dossier Nœuds & Labyrinthes - OM, MANTRA, DHIKR, KYRIE ELEISON… LA PUISSANCE DES INVOCATIONS SACRÉES 68 Ultreïa ! HIVER 2016 Qu’ont donc en commun les mantras – “ce qui protège l'esprit”–, la prière du cœur chrétienne, le dhikr soufi, le Kyrie eleison ou encore les chants et tambours chamaniques ? Une même puissance intérieure, atemporelle et toujours opérative, qu’elle soit invocation silencieuse ou danse, tout autant qu’incantation chantée ou psalmodie. Un lien relie toutes ces pratiques traditionnelles : invoquer le Nom divin prépare l’ouverture du cœur, éveille la conscience et invite à une métamorphose intérieure. Et, en raison même de sa forme synthétique adaptée à une époque de dissipation, cette approche spirituelle se révèle d’une étonnante actualité. Invocation répétitive du Nom divin qui, nous dit Patrick Laude, “vise à un recentrage de la conscience sur la Réalité ultime, une concentration sur l'Essentiel” et s’inscrit dans un double mouvement d’appel vers l’extérieur et de retour sur soi méditatif. L’invocation (intérieure) du nom du Seigneur peut être aussi une manière de diriger son cœur vers Dieu sans aucune autre pensée que lui. Mots brefs mais intenses comme “Dieu”, “Amour” ou “Jésus” qui placent le croyant “en présence de celui qui est saint, au-delà de toute mesure humaine”, comme nous l’explique ici le père Jean-Marie Gueullette. Dans le dhikr, toute la quintessence de la prière est concentrée dans le nom Allâh, comme le rappelle un hadith du Prophète : “Que ta langue soit toujours souple (en mouvement) par la mention (le souvenir) de Dieu.” Colette Poggi évoque pour nous le “son primordial” – le OM hindou – qui renvoie à la vibration première de la vie. Nous en aurions une secrète nostalgie qui nous pousserait à retrouver cet état de bienfaisante plénitude. Une invitation à nous mettre à l’unisson de cette “vibration partout en acte”. Au fond, la voie mystique de l’hésychasme est-elle si différente ? Cette invocation du Nom ou prière de Jésus de la tradition orthodoxe apparaît elle aussi telle “une voie royale” pour s’ouvrir aux énergies et à l’action invisibles de Dieu, ainsi que le défend Michel Maxime Egger. Kyrie eleison. Le “grand mantra” de la tradition chrétienne se place aussi parmi les plus “forts et les plus efficaces”, soutient Iégor Reznikoff qui le pratique chanté et incite chacun d’entre nous à en faire autant, surtout face à l’épreuve. Ces pratiques ne sont pas l’apanage des “grandes” religions du monde, relève Claire Eggermont, puisqu’on les retrouve chez tous les peuples traditionnels, qu’il s’agisse de chants sacrés dont les “vibrations agissent sur toute forme de vie” et guérissent, ou des battements du tambour qui nous renvoient à l’origine du monde. Et à sa nature profondément vibratoire… dossier Nœuds & Labyrinthes - LA PUISSANCE DES INVOCATIONS SACRÉES 68 Ultreïa ! HIVER 2016 69 e nembutsu et les méthodes apparentées existant ailleurs sont devenus de puissants moyens de régénération, y compris dans les circonstances les plus défavorables : cela donne la mesure de leur opportunité et de leur importance intrinsèque. “L ” Marco Pallis dossier Nœuds & Labyrinthes - OM, MANTRA, DHIKR, KYRIE ELEISON… LA PUISSANCE DES INVOCATIONS SACRÉES 70 Ultreïa ! HIVER 2016 71 Le phénomène de la prière est aussi divers que l’humanité et presque aussi inépuisable que la Divinité. Jaillissant parfois du plus profond de l’âme, de ce Cœur cher aux mystiques, elle se fait invocation et devient alors “la prière de Dieu”. Patrick LAUDE L’ APPEL du CŒUR Instant de dévotion au temple sacré du Jokhang, à Lhasa (Tibet). DR © TUUL & BRUNO MORANDI Femme en prière lors d’un Kalachakra (initiation bouddhiste) délivré par le dalaï-lama dans la vallée du Spiti (Himachal Pradesh, Inde). Professeur à l'université de Georgetown, Patrick Laude est notamment l'auteur d'une compilation de textes sur les prières du cœur (Prier sans cesse. La voie spirituelle de l'invocation dans les religions, éd. Tasnîm, 2012). Son dernier ouvrage s'intitule L’apocalypse des religions. Pathologies et dévoilements de la conscience religieuse contemporaine (L’Harmattan, janvier 2016). dossier Nœuds & Labyrinthes - OM, MANTRA, DHIKR, KYRIE ELEISON… LA PUISSANCE DES INVOCATIONS SACRÉES 76 Ultreïa ! HIVER 2016 77 Invoquer le nom du Seigneur : c’est là une très ancienne définition de la prière chrétienne, et même de la vie chrétienne. Une manière de se tourner vers Dieu, de s’en remettre à lui, sans lui présenter de demande particulière… JEAN-MARIE GUEULLETTE L'INVOCATION dans la PRIÈRE CHRÉTIENNE Sœur de la communauté de Jérusalem dans le cloître de la basilique Sainte-Marie-Madeleine de Vézelay (France). DR © CHRISTOPHE BOISVIEUX Jean-Marie GUEULLETTE est religieux dominicain, docteur en médecine et en théologie catholique, habilité à diriger des recherches (HDR) en histoire. Il est enseignant-chercheur à l’université catholique de Lyon, directeur du centre interdisciplinaire d’éthique de cette université et professeur à la faculté de théologie. Il a publié une quinzaine d’ouvrages. Ses recherches actuelles portent sur les quêtes contemporaines de guérison, les nouvelles formes de thérapeutique comme l’ostéopathie, sur laquelle il a publié L’ostéopathie une autre médecine (Presses Universitaires de Rennes). Par ailleurs, il s’intéresse à Maître Eckhart (Laisse Dieu être Dieu en toi, Cerf) et à la prière silencieuse dans la tradition chrétienne (Petit traité de la prière silencieuse, Albin Michel). dossier Nœuds & Labyrinthes - OM, MANTRA, DHIKR, KYRIE ELEISON… LA PUISSANCE DES INVOCATIONS SACRÉES 82 Ultreïa ! HIVER 2016 83 DHIKR Les AILES de l'ESPRIT 1. “La pratique de l’invocation, en particulier lorsqu’elle est répétition rythmée d’une formule, d’un nom divin, et surtout du nom Allâh, voire du seul pronom Huwa ( Lui ), n’est pas un exercice à la portée de tous. Elle requiert de la part de celui qui veut en tirer profit des qualifications sérieuses, qui ne s’obtiennent que par une discipline constante, du corps et de l’âme, et une éducation spirituelle que ne peut donner qu’un guide ayant déjà parcouru lui-même le chemin de la réalisation.” ( Jean-Louis Michon) “Ne reste jamais sans le souvenir de Dieu, car Son souvenir procure la force, les plumes et les ailes à l’oiseau de l’esprit.” Rûmî Dans le soufisme, la voie ésotérique ou intérieure ( bâtin ) de l’islam, l’invocation ( dhikr ) – sonore ou silencieuse – et la méditation ( fikr ) occupent une place prépondérante. Au point même que certains maîtres spirituels n’ont pas hésité à dire qu’elles pouvaient, en raison même de leur puissance et de leur aspect synthétique, se substituer exceptionnellement aux rites de la voie commune. La concentration et la sincérité essentielles qu’implique cette pratique – supervisée par un maître 1 – repose sur l’idée que Dieu et son nom ne font qu’un. En effet, même si l’on attribue à Dieu quatre- vingt-dix-neuf noms - ou qualités - que symbolisent les perles du rosaire qu’arborent les soufis, le dhikr – le “souvenir” – se concentre le plus souvent sur la répétition du seul nom Allâh – un “silence” suivi d’un “souffle illimité” – ou sur celle de la Shahâdah – le témoignage Lâ ilâha illâ Llâh ( “Il n’y a de divinité que Dieu” ) composé des seules lettres du Nom – qui entend rappeler que seul Dieu est Réel et partant que le monde n’est qu’illusion. Les traités soufis détaillent volontiers les modalités d’invocation en explicitant notamment que la première partie du témoignage a pour vocation de préparer l’ouverture du Cœur ( Qalb ) afin que Dieu ( la seconde partie ) vienne le combler. “Il n’y a pas de dhikr sans faqr [ pauvreté, vacuité]”, aimait ainsi à rappeler Frithjof Schuon. Parfois accompagné de danses – “Celui qui ne danse pas au souvenir de l’Ami, n’a pas d’ami”, précise un hadith du Prophète – le dhikr – qui n’est pas le samâ ( “écoute” ) mêlant musique, poésie, danse et parfois invocation – adopte le rythme de la respiration. Collective ou solitaire, cette invocation quintessentielle se pratique le plus souvent dans le calme d’une retraite ( khalwâ, “solitude” ) ou dans la paix du cœur quand elle devient fréquente ou perpétuelle. On trouvera ici des miscellanées de textes évoquant cette pratique du “retour à l’Essence” née avec l’islam, souvent combattue au cours des siècles et aujourd’hui honnie par les fondamentalistes littéralistes. Le samâ, cérémonie sacrée des derviches tourneurs soufis, est une prière, un dépassement de soi et une aspiration à l’union suprême avec Dieu. © TUUL & BRUNO MORANDI dossier Nœuds & Labyrinthes - OM, MANTRA, DHIKR, KYRIE ELEISON… LA PUISSANCE DES INVOCATIONS SACRÉES 86 Ultreïa ! HIVER 2016 87 Michel Maxime EGGER est écothéologien orthodoxe et responsable d’ONG, auteur de Prier 15 jours avec Silouane (Nouvelle Cité, 2002) et La Terre comme soi-même. Repères pour une écospiritualité (Labor et Fides, 2012). L’invocation constante du Nom est au cœur de l’hésychasme. Voie royale pour ouvrir les profondeurs de l’être aux énergies divines, sa pratique permet à l’orant non uploads/Religion/ dossier-la-puissance-des-invocations-sacrees-ultreia-06-pdf.pdf
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- Publié le Mai 28, 2022
- Catégorie Religion
- Langue French
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