La priere dans la Philocalie Évagre le Pontique ou le Moine Évagre le Pontique

La priere dans la Philocalie Évagre le Pontique ou le Moine Évagre le Pontique (Ibora1, 346 - Cellia2, 399) fut un grand maître spirituel de la vie contemplative. Il fut reçut "lecteur" par saint Basile de Césarée, diacre par saint Grégoire de Nysse puis archidiacre par saint Grégoire de Nazianze. Il suivit ce dernier à Constantinople, en 379, et y prêcha. Mais les intrigues égyptiennes empoisonnèrent le second concile de Constantinople, provoquant, en 381, le retrait et le départ de Grégoire, que chacun s'attendait à voir élire patriarche. Évagre, "pour le salut de son âme" nous dit-il, quitta Constantinople et, par Jérusalem, atteignit l'Égypte. Il devint alors le disciple de saint Macaire le Grand, dans le désert de Nitrie. Il y demeura jusqu'à sa mort, gagnant sa vie en recopiant des manuscrits. Le second concile oecuménique de Constantinople, en 553, ratifia la condamnation d'Origène et des néo- origénistes, pour leur conception subordinatianiste de la Trinité et leur doctrine de la préexistence des âmes. Évagre fut du lot et, pour la plupart, ses oeuvres, dans l'original grec, ont été perdues. Toutefois, des traductions syriaques, armé-nien-nes et surtout latines, celles de Rufin et de Gennade par exemple, ont permis d'entreprendre, depuis 1920, une reconstitution de l'héritage d'Évagre. Celui-ci comporte: - ho Antirrhétikos, la Réfutation ou Contre les discours, qui est un recueil de pensées ou de sentences à opposer aux tentations du démon; l'ouvrage comporte huit livres, un contre chacun des péchés capitaux; -ho Monakhikhos, le Monastique, qui est un recueil de sentences en deux parties, le Pratikhos ou la Vie Pratique, c'est-à-dire l'ascèse expliquée au "commençant", et le Gnôstikhos ou la Vie dans la Connaissance, c'est-à-dire la voie contemplative, à l'intention du moine déjà avancé; - ta Problèmata gnostikha, les Problèmes sur la Gnose3, un recueil portant sur la contemplation, formés de six groupes de cent maximes constituant un enseignement dogmatique et ascétique très complet; - he Eykhé, la Prière, longtemps attribuée à saint Nil d'Ancyre4, formée de cent cinquante-trois maximes5; - hai okto kakoi dianoiai, Les huit mauvaises pensées-, elles aussi autrefois attribuées à saint Nil; - des Commentaires, sur les Psaumes ou sous les Proverbes, dont nous n'avons plus que des fragments; - enfin, de nombreuses Lettres dont soixante-sept exemples en syriaque. Évagre utilise souvent un vocabulaire proche de celui d'Origène. Certes, c'était celui de son époque mais cela lui valut, aux VIème et VIIème siècles, une suspicion aussi injusti-fiée que celle qui frappa l'Alexandrin. Son oeuvre, ou plutôt les formes radicalisée et systématisée que lui donnèrent des disciples "tardifs et agités"6, Léonce de Byzance par exemple, fut condamnée par le second concile de Constantinople, en 5537. C'est à Évagre que l'on 1 Une petite ville mal localisée du Pont, sur la côte nord de l'Anatolie. 2 Un lieu-dit du désert de Nitrie, dans la dépression appelée aujourd'hui le wadi an-Natrun, au sud d'Alexandrie. 3 Dans le vocabulaire des Pères, la Gnose est la connaissance intellectuelle qui permet l'expérience de Dieu et le "gnostique" est le moine qui a acquis la "connaissance de Dieu". Il ne faut pas confondre cette Gnose avec la "gnose" des gnostiques des IIème et IIIème siècles. 4 Saint Nil d'Ancyre, dit aussi Nil l'Ascète, mourut vers 430 à Ancyre, en Galatie. Ami et disciple de saint Jean Chrysostome, il le soutint dans ses combats. Nil entreprit de réfuter l'Arianisme par des lettres adressées aux principaux chefs goths. Il y expliquait la double nature du Christ et y justifiait le qualificatif de Théotokos appliqué à Marie. 5 Dans l'Évangile de Jean, le verset 21,11 nous apprend qu'après la "pêche miraculeuse", saint Pierre compta cent cinquante-trois poissons dans ses filets. 6 Ces mots sont de l'archimandrite Placide Deseille, La spiritualité orthodoxe, Bayard, Paris (1997), p. 26. 7 Un examen minutieux des Actes du Vème Concile montre qu'Évagre n'y est jamais nommé. doit les plus grands thèmes de la spiritualité orthodoxe: la division de la vie spirituelle en "vie active" et "vie contemplative", le dépouillement de toute image, de toute forme ou de toute représentation dans la recherche de la contemplation, l'identification de la prière et de la théologie, qui est, pour lui connaissance, c'est-à-dire gnose, de la Sainte Trinité, le concept d'apathéïa, celui de calme, de repos de l'âme purifiée par le renoncement et l'agapè, qui préfigure l'hésykhia. Il n'est donc pas étonnant que l'oeuvre d'Évagre, expurgée de quelques développements maladroits ou inutiles mais parfaitement orthodoxes8, ait inspiré, en Occident, saint Jean Cassien de Marseille et, en Orient, tracé la voie de la tradition hésychaste. On l'aura compris, l'oeuvre d'Évagre n'est pas un traité composé selon les règles de la rhétorique. C'est un ensemble de sentences, de maximes, d'aphorismes que l'on doit déguster, méditer, une à une, ne passant à la suivante que lorsqu'on a fait sienne, en en comprenant tout le sens, celle que l'on vient de lire. Certes, cette oeuvre était destinée à des moines... Mais moine, en grec, se dit monakhos et ce mot, en grec classique, est un adjectif qui signifie seul, unique, simple. Tout homme qui prie est seul, face à face avec Dieu qu'il implore, tout homme en prière est unique, s'il dirige exclusive-ment sa pensée vers Dieu, tout homme qui prie doit être simple, "simple en esprit" comme le veut leSermon sur la Montagne, tout homme en prière est donc moine, au sens le plus fort du terme. Il peut l'être pour une minute, une heure, un jour, un an, une vie, peu importe: la prière, comme le dit Évagre, est "une conversation de l'intelligence avec Dieu", en se souvenant que, peut-être, nous entendons par "coeur" ce qu'il nommait "intelligence". Ce sont les cent cinquante-trois maximes du traité sur la Prière qui sont ici réunies. Citations de la Prière d'Évagre 1. Si l'on veut préparer le parfum de bonne odeur, on mettra ensemble également, conformément à la loi, l'encens diaphane, la cannelle, l'onyx et la myrrhe. C'est le quaternaire des vertus. Si elles sont entières et égales, l'intelligence9 ne sera pas trahie. 2. L'âme purifiée par l'accomplissement des commandements rend inébranlable l'attitude de l'intelligence, et apte à recevoir l'état stable cherché. 3. La prière est une conversation de l'intelligence avec Dieu; quelle stabilité ne doit donc pas avoir l'intelligence pour se tendre, sans retour en arrière, vers son Seigneur et converser avec lui sans aucun intermédiaire? 4. Si Moïse, quand il tenta d'approcher du buisson ardent, en fut empêché jusqu'à ce qu'il eût ôté de ses pieds les chaussures, comment toi, qui prétends voir Celui qui est au-dessus de toute pensée et de tout sentiment, ne te dégages-tu pas de toute pensée passionnée? 5. Prie d'abord pour recevoir le don des larmes, afin d'amollir par le deuil la dureté inhérente à ton âme, et, en confessant contre toi ton iniquité au Seigneur, obtenir de Lui le pardon. 6. Use des larmes pour réussir en toutes tes demandes, car ton Seigneur est très content de toi quand tu pries dans les larmes. 8 La préexistence des âmes, par exemple. 9 Intelligence traduit le grec "nous", qui est la faculté de penser et donc l'intelligence, l'esprit, la pensée mais aussi la sagacité, la sagesse, le projet, l'intention. Mais "nous" est aussi l'âme, le coeur, et, par suite, le sentiment, la manière de penser, la volonté ou le désir. Pour les Pères, "nous" désigne la double faculté qu'a la personne de penser le monde ou de contempler Dieu. 7. Quand tu verses des fontaines de larmes dans ta prière, ne t'élève pas en toi-même, comme si tu étais au- dessus de la plupart de tes semblables: c'est simplement que ta prière a obtenu un secours pour que tu puisses avec ardeur confesser tes péchés et apaiser le Seigneur par tes larmes. Ne tourne donc pas en passion l'antidote des passions, si tu ne veux pas irriter davantage le donateur de la grâce. 8. Beaucoup de ceux qui pleurent sur leurs péchés, oubliant le but des larmes, ont été pris de folie et se sont fourvoyés. 9. Tiens-toi vaillamment et prie énergiquement; écarte les soucis et les cogitations qui surviennent, car ils te troublent et t'agitent pour énerver ta vigueur. 10. Quand les démons te voient plein d'ardeur pour la vraie prière, alors ils te suggèrent des idées de certains objets soi-disant nécessaires; et puis bientôt ils surexcitent le souvenir qui s'y rattache, en poussant l'intelligence à leur recherche; puis, comme elle ne les trouve pas, elle s'attriste fort et se chagrine. Alors, au temps de la prière, ils lui remémorent les objets de ses recherches et de ses souvenirs, afin que l'intelligence, entraînée à les considérer, perde la prière fructueuse. 11. Efforce-toi de rendre ton intelligence, au moment de la prière, sourde et muette, et tu pourras prier. 12. S'il te survient quelque provocation ou contradiction et que tu sois irrité et sentes ta colère se porter à rendre la pareille ou à répliquer, souviens-toi de la prière et du jugement qui t'y attend, et aussitôt le mouvement désordonné s'apaisera en toi. 13. Tout ce que tu feras pour te venger d'un uploads/Religion/ la-priere-dans-la-philocalie.pdf

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  • Publié le Apv 24, 2021
  • Catégorie Religion
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